Cour des comptes | élections présidentielle et législatives 2019 : Infractions, dysfonctionnements et opacité

Hier, on a eu droit aux révélations détaillées sur les infractions commises par les partis politiques lors des législatives et de l’élection présidentielle anticipée
Le rapport de la Cour des comptes, riche de plus de 300 pages, signale tous les dysfonctionnements constatés par les contrôleurs, plus particulièrement concernant «l’argent étranger» qui a coulé à flots pour que les sièges du palais du Bardo soient remportés illégalement
Les erreurs peuvent-elles être corrigées et les sièges illégalement acquis peuvent-ils être restitués à leurs véritables gagnants ? Oui, selon l’Isie, au cas où des jugements définitifs seraient prononcés par la Cour des comptes ou le pouvoir judiciaire

Que faut-il retenir des déclarations présentées comme «fracassantes» livrées, hier, aux médias et donc à l’opinion publique par Néjib Ketari, premier président de la Cour des comptes, et Fadhila Gargouri, juge à la même cour, à propos du contenu du rapport publié par la Cour des comptes sur le contrôle de l’argent que les partis politiques, les coalitions et les listes indépendantes ont dépensé, déclaré ou omis volontairement de signaler lors des campagnes électorales en  prévision des législatives de 2019 et aussi de l’élection présidentielle anticipée de la même année ?

La première révélation détaillée dans le rapport de la Cour des comptes, riche de plus de 300 pages (disponible en entier sur le site électronique de la Cour), montre que seuls cinq partis politiques sur un total de 221 (depuis les élections de 2019, ils sont passés au nombre de 229 partis) ont déposé auprès de la Cour des comptes leurs états financiers durant la période 2014-2019 sur leurs ressources et leurs dépenses.

Quant au contrôle financier exercé par la Cour des comptes sur les partis qui ont pris part aux élections de 2019, il montre que seuls 54 parmi eux ont présenté leurs états financiers mais avec un manque de précision qui laisse planer un grand doute sur la véracité des données fournies à la Cour, ce qui revient à dire que les factures de dépenses et les registres des ressources ayant été virées dans les comptes de ces partis laissent la porte ouverte à toutes les interprétations possibles dont en premier ce que l’on appelle «l’argent sale» ou «l’argent étranger» que beaucoup affirment qu’il a coulé à flots chez les partis les plus influents qui ont justement gagné les législatives en se classant aux première et deuxième places des partis ayant remporté le plus grand nombre de sièges au Parlement, c’est-à-dire Ennahdha avec 52 sièges et Qalb Tounès avec 38 sièges.

Les juges Néjib Ketari et Fadhila Gargouri se sont relayés, en effet, sur les radios pour expliciter le contenu du rapport et répondre à la grande question restée malheureusement sans réponse, à savoir ceux qui ont enfreint la loi électorale en gagnant beaucoup de sièges d’une manière illégale pourront-ils être sanctionnés et perdront-ils par la force de la loi ces sièges gagnés illégalement.

Nos juges ont beau détailler les moyens détournés auxquels ont recouru Ennahdha, Qalb Tounès et aussi Aich Tounsi (un siège remporté par Olfa Terras) en engageant des sociétés étrangères de lobbying à coups de plusieurs centaines de milliers de dollars pour mobiliser un appui étranger, espérant que cet appui pourrait impacter les résultats des législatives et de la présidentielle, sans oublier l’accusation portée à l’encontre de Tahya Tounès pour avoir exploité les moyens de l’Etat aussi bien lors des campagnes présidentielle et législatives (le parti s’en est dédouané en soumettant à la Cour, selon les déclarations de Héla Omrane, l’une de ses responsables, les factures montrant qu’il n’a pas profité gratuitement de deux bus d’une société régionale de transport et d’une voiture administrative, en réalité propriété de l’un des cadres du parti) et sans omettre aussi de signaler la déclaration farfelue de Hatem Boulabiar, ancien candidat «indépendant» à l’élection présidentielle, qui a déclaré officiellement auprès de la Cour n’avoir pas dépensé pour sa campagne un millime, alors qu’en réalité, il a dépensé plus d’un million de dinars !

Fadhila Gargouri souligne à propos de Hatem Boulabiar : «Il a présenté un compte avec zéro dépense et zéro revenu, alors qu’il avait lui-même déclaré dans plusieurs médias que les activités organisées pendant sa campagne lui avaient coûté plus d’un million de dinars» !

Et il n’est pas le seul parmi les candidats au palais de Carthage ou parmi les candidats à la députation à avoir choisi d’adopter un comportement le moins qu’on puisse dire irritant et poussant à la réflexion.

Quand un candidat à l’élection présidentielle, en l’occurrence Mohsen Marzouk (qui s’est retiré à la fin de la campagne en faveur de Abdelkrim Zbidi), déclare avoir dépensé 40 dinars pour sa campagne en vue de conquérir le palais de Carthage, les Tunisiens ne peuvent que s’interroger sur la crédibilité de telles déclarations. Et les exemples similaires sont étalés à profusion sur les 300 pages du rapport.

Nabil Baffoun dégage la responsabilité de l’Isie

Une constatation de première importance, à l’occasion de la présentation du rapport de la Cour des comptes: Nabil Baffoun, président de l’Instance supérieure indépendante des élections (Isie) et dont le mandat a expiré il y a près d’une année, revient au-devant de la scène politique pour asséner: «L’Isie était dans l’impossibilité de découvrir toutes les violations mentionnées dans le rapport de la Cour des comptes».

Mais que peut faire l’Isie pour faire face à ces violations, c’est-à-dire invalider certaines candidatures et désigner les vrais gagnants à leur place.

Baffoun est clair : «Il faut attendre les décisions judiciaires qui seront rendues soit par la Cour des comptes, soit par le pouvoir judiciaire rendant justice à ceux qui ont été lésés dans leurs droits d’accéder au Parlement.

A l’annonce de ces verdicts, l’Isie peut intervenir pour invalider certaines candidatures.

Reste maintenant le sort qui sera réservé aux contrats de lobbying ou de promotion signés par Nabil Karoui, Ennahdha et Olfa Terras à coups de plusieurs centaines de milliers de dinars.

On apprend, ainsi, que Nabil Karoui a conclu un contrat de l’ordre de 2,85 millions de dinars, au nom de son épouse, avec une société étrangère.

De son côté, Ennahdha a conclu, depuis 2014, un contrat avec une société étrangère et lui a réglé la somme de 187.215 dollars.

Quant à Aich Tounsi, il a conclu un contrat d’une valeur de 15 mille dollars.

Seront-ils poursuivis par la Cour des comptes ou par le pouvoir judiciaire pour répondre de leurs forfaits ?

Nejib Ketari et Fadhila Gargouri se contentent pour le moment de souligner que les contrevenants seront sanctionnés mais sans préciser à quelle date la Cour des comptes va prononcer à leur encontre les jugements qui pourraient — s’ils parvenaient à la phase définitive, c’est-à-dire avalisés par la Cour de cassation — leur coûter la perte de beaucoup de sièges au palais du Bardo et aussi de «beaux séjours» en prison.

Un commentaire

  1. Habib

    11/11/2020 à 10:47

    Alors on fait quoi des usurpateurs, on vole et normalement on paye surtout qu’ aujourd’hui les caisses sont vides

    Répondre

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