Certains usant de mots couverts, d’autres l’ont annoncé sans ambages, accusant des acteurs politiques d’interférer dans le travail de la justice dont le CSM et la Cour des comptes sont les outils dont ils usent et abusent.

Le coup d’envoi de la 9e plénière de cette législature, dont une année s’était déjà écoulée assortie d’un bilan s’avèrant maigre, a été donné hier par Samira Chaouachi, première vice-présidente de l’Assemblée des représentants du peuple, vers 10h00.

Programme de la séance publique qui ne semble pas intéresser grand monde, les travées étant quasiment vides ; audition du président du Conseil supérieur de la magistrature, (CSM), M. Youssef Bouzakher. Les représentants des organes administratif, financier et judiciaire sont de la partie. Le président du CSM est accompagné de Mme Malika Mazari, présidente du Conseil de la justice judiciaire, de M. Abdessalem Mehdi Grissiaa, premier président du Tribunal administratif, et de M. Néjib Ktari, premier président de la Cour des comptes.

Les différentes préoccupations de la famille judiciaire élargie allaient donc être débattues, tout comme celles des justiciables tunisiens que les élus sont censés rapporter aux éminentes autorités présentes. Youssef Bouzakher a présenté, à l’entame de la séance, un rapport dont les points essentiels se résument autour du manque de moyens dont souffre le CSM. Une carence en ressources humaines et matérielles pénalisant durement et le fonctionnement de l’institution et l’investissement. En cause, un budget insuffisant de l’ordre d’un peu plus de 4 millions de dinars.

Alimenter les divisions autour du procureur de la République de Tunis

Si on laissait de côté les vœux pieux déroulés à souhait sur l’indépendance de la justice, sur « Al’adl assas el omrane » que l’on peut traduire par : « La justice est le fondement de la civilisation », citation du sociologue Ibn Khaldhoun, répétée une dizaine de fois, sur la justice équitable et impartiale garante de l’Etat de droit. Le président du CSM a été interpellé sur le mouvement des magistrats, leurs nominations dans les pôles financiers, administratifs et de lutte contre le terrorisme. D’autres élus ont pointé du doigt le retard chronique dans le jugement des affaires qui peuvent prendre des années. Appelant à la numérisation des procédures, une des solutions pour écourter ces délais. Des élus ont critiqué le déséquilibre de la carte judiciaire et appelé à sa réforme, revendiquant pour leur circonscription une cour de cassation. D’autres ont appelé à réparer des tribunaux totalement délabrés avec des plafonds qui menacent de s’effondrer. Le CSM a été également accusé d’alimenter les divisions autour du procureur de la République de Tunis, et ce, depuis trois mois.

A côté de ces revendications et aspirations qui paraissent toutes légitimes — se pose accessoirement la question des moyens — c’est sur la neutralité du CSM que son président a été violement secoué. Adjurant le haut magistrat de placer l’institution qu’il préside à l’abri des tiraillements politiques. Incriminant au passage le mariage contre nature entre la justice et la politique. Cependant et à travers la personne de Youssef Bouzakher, c’est davantage le président de la Cour des comptes, Néjib Ktari, qui était dans le collimateur de certains députés. Ceux-là mêmes dont les partis politiques ou listes électorales ont été épinglés par le rapport de ladite Cour, publié il y a trois jours.

Certains usant de mots couverts, d’autres l’ont annoncé sans ambages, accusant des acteurs politiques d’interférer dans le travail de la justice dont le CSM et la Cour les comptes sont les outils dont ils usent et abusent.

Le moment clé de la plénière a porté donc sur ce fameux rapport publié par la Cour des comptes, mardi 10 novembre, qui a mis au jour de graves irrégularités qui auraient entaché les dernières campagnes électorales. Autour de ces révélations devenues rapidement polémiques, compte tenu de leur gravité, deux attitudes s’affrontent. Le rejet du rapport et de son contenu, l’accusant ni plus ni moins de partialité ; et, en face, l’appel tout de go à des élections anticipées législatives, partielles pour éjecter de la scène les députés dont les formations auraient bénéficié de financements étrangers. Et, selon le rapport, ils font légion. La guerre ne fait donc que commencer. A ce détail près, ce n’est point la boutique du coin qui a publié ces informations et chiffres « contestés », mais l’honorable juridiction qu’on appelle la Cour des comptes.

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