TRIBUNE: La Tunisie n’est pas le dépotoir des déchets italiens !

Le Collectif d’experts et d’organisations de la société civile, qui s’est mobilisé contre les sacs de ciments en plastique, dénonce fermement l’importation illégale par une société tunisienne de déchets mixtes en provenance d’Italie et s’indigne des carences, du manque de transparence, des ambiguïtés et du laxisme de l’Etat dans la protection de l’environnement et de la santé des citoyens et de leur droit de vivre dans un environnement sain comme le dispose la Constitution tunisienne de 2014.

En tenant compte de la gestion chaotique des déchets dans notre pays et face à ce nouveau crime d’ordre écologique, notre Collectif :

• Appelle les autorités tunisiennes à renvoyer les conteneurs à leur pays d’origine, à identifier les coupables, à appliquer strictement la loi et à stopper toute tentative future d’importation de déchets dans notre pays, et ce, conformément à la Constitution et la législation tunisiennes et aux conventions internationales ratifiées par la Tunisie.

• Cet acte confirme la violation d’une longue liste de conventions internationales ratifiées par la Tunisie. Nous citons essentiellement :

La Convention de Bâle (rejoint par la Tunisie en 1996) et le «Ban Amendment», entrée en vigueur le 5 décembre 2019 et qui fait barrage à toute exportation de déchets dangereux d’un pays de l’UE, de l’Ocde vers un pays en développement ou en transition.

De même, nous rappelons, au cas où les autorités publiques tunisiennes auraient oublié leurs devoirs, que «les parties ne doivent pas autoriser les exportations vers un Etat si elles ont raison de croire que les déchets en question n’y seront pas gérés selon des méthodes écologiquement rationnelles».

Dans cet acte, il convient d’appliquer l’article 9 de la Convention de Bâle qui considère ce mouvement transfrontalier de déchets comme un « trafic illicite ».

La Convention de Marpol : ratifiée par la Tunisie en 1980 et entrée en vigueur en 1983. Elle interdit le transfert des déchets dangereux.

La Convention de Bamako : ratifiée par la Tunisie en 1992 et entrée en vigueur en 1998 : sur l’interdiction d’importer en Afrique des déchets dangereux et sur le contrôle des mouvements transfrontaliers et la gestion des déchets dangereux produits en Afrique.

Les Accords bilatéraux avec l’Italie et l’accord d’association entre l’Union européenne et ses Etats membres, dont l’Italie et la Tunisie, qui établissent les règles de «la coopération entre les parties qui vise la prévention de la dégradation de l’environnement et l’amélioration de sa qualité, la protection de la santé des personnes et l’utilisation rationnelle des ressources naturelles en vue d’assurer un développement durable».

• Appelle le Procureur de la République à ouvrir une enquête judiciaire urgente contre la société contrevenante et à la poursuivre, ainsi que ses représentants sur la base du droit pénal tunisien et, particulièrement, sur la base de l’article 14 de la loi  n°2015-26 du 7 août 2015 relative à la lutte contre  le terrorisme qui dispose : «Est coupable d’infraction terroriste, quiconque porte atteinte à l’environnement, de façon à compromettre l’équilibre des systèmes alimentaire et environnemental ou des ressources naturelles ou de mettre en péril la vie des habitants ou leur santé». Et appelle les organisations de la société civile à porter plainte auprès du Procureur de la République sur la base du même article relatif au terrorisme écologique.

• Appelle Le Président de la République en tant que garant de la sécurité nationale relative à la protection de l’Etat tunisien et du territoire national des menaces intérieures et extérieures à réunir le Conseil de sécurité nationale et à agir en urgence contre ces agissements qui menacent la sécurité sanitaire et environnementale et à appeler le ministre des Affaires étrangères à suivre de près cette affaire d’ampleur internationale.

• Appelle le chef du gouvernement à réunir la Commission nationale de lutte contre le terrorisme, créée auprès de lui par les articles 66 et 67 de la loi de 2015 sur la lutte contre le terrorisme au regard du caractère terroriste de ces actes.

• Rappelle au ministère des Affaires locales et de l’Environnement sa responsabilité en tant que premier intervenant en matière de lutte contre la pollution, y compris par les déchets et en tant que ministère de tutelle de l’Anged et de l’Anpe qui ont failli dans leur mission première de suivi et de contrôle des autorisations et des cahiers des charges accordés à ladite société pour exercer sa supposée activité autorisée.

Dans ce sens, l’Agence nationale de gestion des déchets est appelée à appliquer l’article 45 de la loi n° 96-41 du 10 juin 1996, relative aux déchets et au contrôle de leur gestion et de leur élimination.

• Appelle le ministère des Affaires étrangères tunisien à solliciter des informations auprès de son homologue italien sur la déclaration douanière faite par l’exportateur italien lors de l’accomplissement des formalités douanières pour l’exportation des marchandises vers la Tunisie, et ce, en vertu des accords bilatéraux d’échange d’informations conclus avec l’Italie et avec l’Union européenne dans le cadre de l’Accord d’association et ses protocoles.

Notre collectif n’hésitera pas à agir au niveau international pour interpeller la Cour européenne des droits de l’Homme et le Haut-commissariat aux droits de l’Homme.

• Le scandale de l’importation des déchets semble ne pas être une première étant donné les 70 conteneurs mis sous scellés et les 212 autres encore en attente dans le port de Sousse. Raison pour laquelle nous exigeons que les autorités tunisiennes enquêtent sur l’éventuel enfouissement sur le territoire tunisien d’anciens déchets de même nature et d’exiger le renvoi immédiat des déchets actuellement dans le port de Sousse à leur pays d’origine. De même, le Collectif demande, à la fois, plus de transparence quant aux quantités réelles qui ont franchi le sol tunisien, et la destinée des déchets.

• Nous interpellons également les députés parlementaires, et en particulier  les membres des Commissions parlementaires concernées par ce sujet :

• Commission de l’industrie, de l’énergie, des richesses naturelles, de l’infrastructure et de l’environnement.

• Commission des droits et des libertés et des relations extérieures.

• Commission des finances

• Commission de lutte contre la corruption et de la réforme administrative.

Les députés sont également invités à auditionner les institutions concernées, à savoir le ministre des Affaires locales et de l’Environnement, les directeurs généraux de l’Anged et l’Anpe, le ministre des Affaires étrangères et la Douane.

Bien que l’ouverture d’une enquête par le ministère des Affaires locales et de l’Environnement puisse paraître une réponse suffisante pour certaines personnes, notre Collectif propose d’être impliqué dans cette commission d’enquête au même titre que certains députés afin de donner plus de transparence et de crédibilité au travail d’investigation face à ces pratiques mafieuses.

Notre collectif réitère la suprématie de la Constitution de 2014 qui fait prévaloir la souveraineté de la Tunisie, sa sécurité, la préservation de son environnement pour les générations actuelles et futures, ainsi que le droit des citoyens à un environnement sain et à un cadre de vie de qualité dans le cadre d’un développement durable.

Réseau Tunisie Verte

N.B.: Les opinions publiées dans la rubrique «Tribune» n’engagent  que leurs auteurs et ne représentent pas la position du journal La Presse de Tunisie.

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