Unification du taux de l’impôt sur les sociétés (IS) à 18%: Les entreprises offshore inquiètes 

«Au sein de la commission, nous allons essayer de garder le taux de 13,5% et d’encourager les activités industrielles », a affirmé le député du Courant démocratique et membre de la commission parlementaire des finances.


L’augmentation du taux de l’impôt sur les sociétés exportatrices à 18% est perçue, par les investisseurs, comme étant  un signal d’instabilité fiscale. Un énième obstacle à la décision d’investissement, qui s’ajoute à la pléthore des difficultés auxquelles sont  confrontés les investisseurs en Tunisie. C’est, en tout cas,  l’idée qui ressort du webinaire organisé, mardi 17 novembre, par Conect International pour débattre de l’unification des taux d’IS à 18%  prévue dans le cadre du PLF 2021.

Ouvrant le débat en ligne, le président de la Conect, Tarek Cherif, a souligné que le changement du taux d’Impôt sur les sociétés exportatrices a des incidences sur la stabilité fiscale qui est “un élément important  pour l’attractivité du pays”. Il a précisé, à cet égard, que le recours des gouvernements qui se sont succédé au relèvement du taux d’impôt sur les entreprises exportatrices de 0% à 10% puis à 13%, relève “d’une solution de facilité”, tout en affirmant qu’une telle mesure peut “condamner l’avenir”.

Volonté de relocalisation

Par ailleurs, Cherif a précisé que la Tunisie doit saisir les nouvelles opportunités d’investissement qui peuvent s’offrir après que l’Europe a affiché une volonté de  relocalisation. « L’Europe cherche à relocaliser certains secteurs, notamment, ceux qui ont une relation avec leur souveraineté, comme la santé. Ils  pensent à relocaliser dans le périmètre européen ou dans son voisinage. Nous devons capitaliser sur les points forts en essayant de donner plus d’avantages aux entreprises étrangères et tunisiennes et en engageant les réformes, notamment de la logistique, du système éducatif, du système financier, etc. », a-t-il indiqué.  Et le président de la Conect d’ajouter « Aujourd’hui, il y a un travail qui s’impose au gouvernement pour stabiliser les règles du jeu. Nous devons être orientés vers l’investissement productif, on doit encourager tous les opérateurs tunisiens et étrangers. Il faut leur donner un minimum d’attractivité ».

Quelle recette pour drainer les investissements ?

Le député du Courant démocratique et membre de la commission parlementaire des finances, Hichem Ajbouni, a également pris part au débat. Dans son intervention, il a rappelé que la décision d’augmenter le taux d’impôt sur les sociétés totalement exportatrices à 13,5% en 2019 a été prise dans l’objectif de rapprocher les deux régimes offshore et on-shore.

Une mesure préconisée aussi bien par l’Ocde que par l’Europe pour lutter contre l’érosion de la base imposable des transferts de bénéfices et aider la Tunisie à sortir de la liste noire des paradis fiscaux de l’Europe.

Il a fait savoir que le taux d’imposition de 13,5% instauré par la LF 2019 n’est pas toujours  entré en vigueur, en raison de la situation économique difficile.

M. Ajbouni a affirmé que le problème réside dans l’environnement des affaires, précisant que le système fiscal devrait récompenser l’effort des activités industrielles et innovatrices et les services à haute valeur ajoutée et qu’il ne doit pas, en contrepartie, traiter de la même manière l’entreprise industrielle ou exportatrice et celle importatrice des produits de consommation en provenance, notamment de la Chine et de la Turquie.

Stabilité fiscale et politique

II a, par ailleurs, énuméré les préalables d’un meilleur environnement d’affaires en Tunisie, en l’occurrence une stabilité fiscale et politique, une justice forte et efficace, une infrastructure moderne, une administration numérisée, une logistique améliorée, une main-d’œuvre qualifiée et une réglementation de change souple.  Dans son intervention, le député du Courant démocratique a évoqué les mesures fiscales qu’il préconise dans ce contexte d’économie exsanguë, à savoir le maintien du taux de 13,5% pour les activités totalement exportatrices listées par la L.F 2019 avec l’ajout des activités à haute valeur ajoutée, l’abaissement du taux général d’imposition de 25% à 20% à l’exception des activités monopolistiques qui doivent être soumises à un taux de 35%, selon le député.

Et de soutenir : « Au sein de la commission, nous allons essayer de garder le taux de 13,5% et d’encourager les activités industrielles, seules créatrices de richesse qu’on est incapable de créer. En 2010, le PIB était de 46 milliards de dollars, en 2019 il est de 40 milliards de dollars. Ceci dénote de l’importance des activités industrielles ».

De son côté, l’ancienne directrice de la Dgelf (Direction générale des études et de la législation fiscale), Mme Habiba Louati, a affirmé que les nouvelles  mesures prévues dans le cadre du PLF 2021, notamment, la taxation du secteur de l’exportation à 18% et l’institution d’un minimum d’impôt pour tous les investissements, alourdissent la charge fiscale des entreprises et par conséquent encouragent l’évasion fiscale. “Le ministre a chambardé la législation fiscale alors qu’on est dans une phase de désinvestissement.

Même si cette nouvelle disposition ne sera pas votée au parlement, c’est désormais un mauvais signal pour les investisseurs. La loi est bourrée de mesures anti-investissement”, a-t-elle souligné. Mme Louati a fortement critiqué la contradiction entre les mesures inscrites dans la loi relative à la dynamisation de l’investissement, notamment celles qui encouragent l’investissement dans le capital des entreprises totalement exportatrices et les dispositions du PLF 2021. Par ailleurs, l’ancienne directrice de la Dgelf a fait savoir que cette instabilité fiscale est néfaste pour l’image de la Tunisie et que les entreprises totalement exportatrices acceptent un taux d’imposition de 13,5% avec un assouplissement des procédures.

Tarissement de l’offre de la main-d’œuvre

Lors du débat en ligne, deux chefs d’entreprise ont livré leurs témoignages par rapport à la nouvelle mesure inscrite dans le PLF 2021 et à l’environnement des affaires d’une manière générale en Tunisie. Didier BReyton, qui dirige une entreprise totalement exportatrice spécialisée dans l’assemblage de cartes électroniques, a déploré cette nouvelle mesure qui réduit ses marges bénéficiaires, sa principale source de financement puisqu’il ne peut pas accéder au système financier tunisien en raison de son statut de non résident.

Il a mis en garde contre les répercussions d’une telle augmentation sur l’intention d’investissement en Tunisie. De son côté, Thierry Pineau, qui est, à la tête d’un groupe implanté sur trois pays  la France, le Portugal et la Tunisie, a expliqué que  le taux d’imposition de 18% dépasse la taxation appliquée dans  les pays concurrents de l’Europe de l’Est. Le taux moyen d’imposition dans ces pays ne dépasse pas les  15%  d’autant plus que certains pays comme le Portugal offrent des mesures fiscales incitatives comme l’exonération sur le réinvestissement.

Cependant, le chef d’entreprise considère que le grand problème auquel est confrontée son entreprise implantée en Tunisie est le tarissement de l’offre de la main-d’œuvre qualifiée. « La qualité des gens qui sortent du système éducatif nous pénalise énormément. En 20 ans j’ai vu la différence de façon notable. Aujourd’hui, mon plus grand problème c’est la qualité et le nombre des compétences », a-t-il révélé.

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