La Tunisie traverse aujourd’hui une nouvelle phase d’ébullition sociale. Le malaise social grandit de plus en plus, illustré par une flambée de mouvements de protestation et de grèves touchant toutes les catégories : chômeurs, travailleurs précaires, médecins, infirmiers, personnels de l’éducation nationale, fonctionnaires, doctorants, ingénieurs, magistrats, journalistes…

Les tensions sociales sont passées au pic ces derniers jours. La Tunisie fait face aujourd’hui à une série de protestations générant instabilité et secousses. Et c’est le maelström d’une colère qui ne s’éteint pas depuis des mois. Des citoyens qui réclament leur droit au développement socioéconomique dans leurs régions se font de plus en plus nombreux.

La Tunisie traverse aujourd’hui une nouvelle phase d’ébullition sociale. Le gouvernement n’a pu cependant contenir la situation. Le malaise social grandit de plus en plus, illustré par une flambée de mouvements de protestation et de grèves touchant toutes les catégories: chômeurs, travailleurs précaires, médecins, infirmiers, personnels de l’éducation nationale, fonctionnaires, doctorants, ingénieurs, magistrats, journalistes…

Déficits publics conséquents, baisse de la croissance, accélération de l’inflation, chômage élevé chez les jeunes, érosion du pouvoir d’achat…, constituent le terreau fertile où naissent et se développent toutes ces contestations.

Un malaise général et un sentiment d’inconfort, de mal-être, de blues collectifs et d’incertitude règnent théâtralement dans le pays depuis des années. Le désenchantement des jeunes alimente aujourd’hui la haine sociale, le vandalisme et les agressions. Des jeunes qui n’ont plus de repères, de valeurs, de civisme et qui ne mesurent pas la portée de leurs actes irréfléchis et inconscients, s’attaquent encore une fois aux biens publics et aux institutions de l’Etat.

Depuis la crise d’El-Kamour (gouvernorat de Tataouine) en passant par les mouvements de protestation observés à Om Laârayès (gouvernorat de Gafsa),à Gabès, Kasserine, Béja, à la fermeture des vannes de pétrole, de gaz, d’eau etc, des coups de boutoir sont survenus et pour cause ! Des jeunes qui ont pris le devant de la scène des manifestations, où le vandalisme est le maître mot, freinant la production nationale et causant des dégâts des pertes colossaux à l’économie. Et c’est ainsi que de nombreux débordements, sit-in et manifestations diverses se sont propagés dans plusieurs régions, prenant une dimension nationale. Pour certains, l’objectif est de semer la terreur et d’installer une psychose générale afin de porter atteinte à la sécurité et à la stabilité du pays.

Cumul de frustrations

Nul n’est censé ignorer que les régions de l’intérieur ont été marginalisées depuis des décennies. Cette partie de la Tunisie constitue une frustration amère dans la mémoire collective traumatisée des habitants de ces régions, qui rejettent de plus en plus toute initiative de dialogue.

Le cumul de frustrations était le déclencheur de ces protestations dirigées essentiellement par de jeunes chômeurs qui ont trouvé le canal pour faire entendre leur voix et les revendications de leurs régions, à la fois économiques et sociales. Ceci dit, la population crie aujourd’hui à l’unisson, le manque d’infrastructures de base: hôpitaux, universités et écoles, eau potable, emplois, projets de développement, unités de production… Ces manifestations étaient aussi une réaction à des politiques irréfléchies et à des élus qui manquent de stratégies et d’actions. Et comme prévisible, la solidarité a fait écho dans plusieurs régions en Tunisie.

Rappelons que depuis 2011, des voix portaient déjà ces revendications qui ressurgissent d’une année à l’autre. La santé, l’éducation, la corruption, l’injustice, l’inégalité des chances, les disparités sociales et régionales, les politiques de façade sont autant de maux qui s’amplifient de plus en plus dans le pays. Ajoutons à cela l’inefficacité de l’administration qui fait que la confiance en les institutions est au cœur de la problématique.

Les régions intérieures accusent un retard flagrant de développement par rapport à d’autres régions du pays. Et les concitoyens ne demandent que des emplois et des investissements. Mais on a tendance toujours à être sous pression et dans l’urgence pour réagir au lieu d’anticiper. Les gouvernements qui se sont succédé  ne pouvaient-ils pas devancer les choses, être à l’écoute des citoyens pour améliorer leurs conditions de vie ? Ne serait-il pas judicieux de faire un bon diagnostic de cette crise et d’en tirer un bon enseignement pour éviter qu’il n’y ait d’autres ?

Aujourd’hui, la gestion immédiate du dossier du développent régional s’avère nécessaire et urgent.  Mais sans une démocratie participative et une implication de la population dans les projets, il ne s’agira que de solutions de replâtrage. Toujours est-il fondamental d’instaurer un processus d’apaisement des tensions et des esprits pour pouvoir entamer un dialogue serein, responsable et fructueux. L’Etat doit se remettre en question et prendre à bras-le-corps ce dossier tout en affectant les budgets selon les priorités des populations, en engageant des chantiers de développement et en mettant les jalons de projets crédibles. Ceci tout en prenant en considération la crise économique et sociale que traverse le pays.

Personne ne peut nier que la Tunisie traverse une crise de confiance latente. Les Tunisiens ont perdu confiance en les institutions à cause des promesses non tenues, des chantiers avortés, des politiques improvisées, des axes stratégiques de développement défaillants. Ce qui ravive le désarroi des citoyens, aujourd’hui, c’est le sentiment d’être submergé par un courant d’abandon et de passivité, voire de laisser-aller qui confine à la résignation. Or, rien ne détruit une société que la perte de confiance en elle-même et le sentiment de désabusement et de désillusion. Les questions nationales, régionales et locales nécessitent un consensus qui ne souffre aucune ambiguïté. Aujourd’hui, non seulement il n’existe pas de consensus, mais la notion de débat fait cruellement défaut.

Les gouvernements se succèdent, les gestions se superposent avec le même discours, les satisfecit, les proclamations vertueuses… Force est de constater qu’un malaise général et un sentiment d’incertitude et d’apathie déploient leurs ailes, ravivés par l’incompétence de certains dirigeants et l’inefficience de plusieurs institutions.

Le dialogue est quasiment absent entre le gouvernement et les parties organisant ces mouvements contestataires. Les négociations sont parfois dans l’impasse, car ces événements ont été mal gérés dès le début. Les déplacements des délégations dépêchées dans les régions n’ont pas changé la donne étant donné que les problématiques sont beaucoup plus complexes. Les crises sociales se sont muées en bras de fer, surtout que les négociations et les surenchères ont remplacé le dialogue. Ce qui a ravivé encore plus la violence et élargi le fossé entre l’Etat et les manifestants.

Une réconciliation urgente s’impose

Il est urgent de réhabiliter l’autorité et mettre fin aux dérapages pour que l’anarchie ne règne pas. Les revendications sont certes un droit de toutes les régions lésées, mais les populations se doivent de laisser la raison l’emporter sur la fougue de la jeunesse et la fierté excessive et ne pas céder à l’entêtement et à la manipulation. Que la paix règne enfin sur nous au lieu de cette colère qui se conjugue au pluriel.  Que le dialogue s’instaure au lieu de toute la violence et l’agressivité qui règnent. Que les gouvernants sortent de leur mutisme et réagissent. Que les élus rendent comptent et comblent leurs manquements et leur négligence.

Pour éviter d’éventuelles crises, pour ne pas déplorer des dégâts humains et économiques, il faut que chacun assume ses responsabilités, que la bonne gouvernance, la proximité participative, la décentralisation ne demeurent pas des notions abstraites.

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