Transport de marchandises | Révision des cadres juridiques, restructuration et promotion de la gouvernance

Un diagnostic du secteur du transport et de la logistique met en évidence plusieurs difficultés qui entravent son développement et ce constat concerne les différents modes de transport. Cette situation de difficulté émane, selon les spécialistes, du retard dans la réalisation des principaux projets et du manque de concrétisation des réformes et politiques y afférentes. 

Dans toutes les économies, le transport de marchandises sert de pierre angulaire au développement d’un marché intérieur intégré et à l’ouverture et l’intégration à l’économie mondiale. Il aide le développement en reliant les régions éloignées aux centres d’activité économique et permet aux consommateurs de bénéficier d’un plus large éventail de produits et services, tout en propageant les progrès technologiques à travers le pays et à l’international. Le transport des marchandises se fait par voies terrestre, maritime  et aérienne. Selon une publication de l’Organisation de coopération et de développement économiques (Ocde), intitulée « examens de l’Ocde pour l’évaluation de l’impact sur la concurrence: Tunisie », l’entreposage et les services de soutien, tels que la manutention du fret, sont également inclus dans cette définition au sens large.

En chiffres

Selon les statistiques de 2016, le secteur des transports tunisien représentait environ 6.5 % du PIB. La contribution des transports au PIB a culminé en 2010, représentant plus de 8.6 % du PIB. Après une baisse de 12.6 % entre 2010 et 2011, la valeur ajoutée brute (VAB) du secteur a connu un taux de croissance annuel composé de 4.3 %, reprenant sa tendance d’avant-crise en atteignant 5.9 milliards de dinars en 2016. Malgré la croissance nominale de la VAB du secteur, sa part dans le PIB a accusé une baisse régulière entre 2010 et 2016.

Cette même publication de l’Ocde  annonce que les estimations du Fonds monétaire international (FMI) montrent que la contribution des transports à la croissance économique tunisienne est minime et stagne. Alors qu’on prévoit une augmentation de la croissance globale de 3.8 % d’ici 2023, la contribution des transports reste stable à 0.3 %.

Le chiffre d’affaires du secteur est en grande partie généré par les services de soutien aux transports maritimes et routiers (environ 80 % en 2015), tandis que les données de l’INS indiquent que le transport routier de marchandises représente 0.4 % et le transport maritime et côtier atteint 19.1 %.

Les données montrent que la contribution du transport à l’emploi dans le secteur privé a augmenté pendant la dernière décennie en termes absolus et relatifs. Avec un taux de croissance annuel moyen de 4.5 % depuis 2006, l’emploi du secteur privé sur le marché formel du transport et du stockage rassemblait environ 30.000 employés à la fin de 2016.

Par ailleurs, « le nombre d’entreprises privées dans les activités de transport et de stockage a connu un taux de croissance annuel moyen de 4.6 %, en passant d’environ 55.000 entreprises en 2001 à environ 108.000 en 2016. Cette augmentation était cohérente avec l’augmentation globale du nombre d’entreprises privées en Tunisie, qui est passé au cours de la même période d’environ 395 000 à 740 000 », assure le rapport de l’Ocde.

On relève également que la productivité du secteur pose toujours des difficultés. « L’augmentation de l’emploi et du nombre d’entreprises dans le secteur des transports en Tunisie n’a pas été accompagnée par une augmentation équivalente de la valeur ajoutée. Cette tendance est particulièrement marquée depuis 2010 ». Aussi, le taux de création d’entreprises suivait la courbe de l’emploi après 2010, ce qui signifie que la taille moyenne des entreprises est relativement stable, mais reste toutefois très petite. La taille moyenne des entreprises n’a pas véritablement changé, allant de 0.26 employé par entreprise en 2010 à 0.27 employé par entreprise en 2016. Le faible nombre d’employés indique que la plupart des entreprises opèrent sans aucun employé.

Il est également souligné dans ce rapport de l’Ocde « une détérioration de la productivité au cours de la même période. La productivité du travail, calculée en tant que valeur ajoutée moyenne par personne employée, a subi une baisse de 20 % entre 2010 et 2011 avec une stagnation relative entre 2012 et 2015 et une croissance de 5 % en 2016 ».

Les statistiques montrent, d’autre part, que la performance logistique globale en Tunisie est en retard sur la plupart des pays du bassin méditerranéen. « La Tunisie était plus performante que les pays de la Méditerranée du Sud jusqu’en 2012. Après cette date, sa position s’est dégradée, aboutissant à la chute de l’indice de performance logistique de 3.17 en 2012 à 2.54 en 2018. Cela peut être dû à la détérioration continue de la qualité des infrastructures liées aux transports depuis 2012. Pendant ce temps, les pays concurrents de la Tunisie, de part et d’autre de la Méditerranée, actifs dans les secteurs du transport de marchandises et de la logistique amélioraient leur indice de performance logistique. À l’exception de l’Algérie, dont le score s’est dégradé entre 2016 et 2018, les autres pays ont enregistré des scores compris entre 2.57 (Maroc) et 3.84 (France) », note le rapport de l’Ocde.

Des lacunes

Le secteur du transport et de la logistique en Tunisie souffre d’une crise structurelle due à l’inefficacité des politiques publiques notamment  en ce qui concerne le financement du service public dans ce domaine et l’adoption de tarifs inadaptés à l’évolution des coûts avec une stagnation des tarifs pour le transport terrestre depuis 2010, outre le cadre juridique et législatif inadéquat.

Le secteur connaît, d’autre part, des problèmes liés à l’aggravation de la concurrence au niveau de l’environnement économique international marqué par une régression significative de l’activité (aérien et maritime), la baisse du prix de change et le coût élevé de la production.

La vision du ministère

Pour remédier à ces lacunes, et en marge d’une audition parlementaire, Moez Chakchouk,  ministre du Transport et de la Logistique, parle de  la vision stratégique de son ministère pour le secteur. Cette vision  repose, selon lui, sur quatre axes fondamentaux, à savoir   la réorganisation du secteur, la révision des cadres juridique et institutionnel, la restructuration, la promotion de la gouvernance et l’intensification de l’usage des nouvelles technologies et le développement du transport intelligent ainsi que l’institution d’un transport durable. La même stratégie comprend 47 projets dans le domaine des infrastructures de base, dont 19 concernent Tunisair, 18 pour le transport routier, six en faveur des ports et quatre pour les aéroports. « Le ministère de tutelle consacre 67,8 milliards de dinars à ces projets, dont 54  pour l’investissement et 13,8  pour la réparation et l’entretien », assure le ministre.

 


Transport routier : Un coût élevé
En 2016, le transport routier de marchandises représentait près de la moitié du total des entreprises tunisiennes des secteurs des transports et du stockage. Selon l’INS, le nombre total d’entreprises dans le transport routier de marchandises s’est développé en passant de 42.979 en 2008 à 51.546 en 2016. Leur taux de croissance annuelle, qui s’élevait à 2.3%, était inférieur à la croissance annuelle moyenne de 3.5% du secteur du transport et du stockage, et de 4% du total des entreprises du secteur privé. De ce fait, on observe une baisse de la part des secteurs des transports et du stockage et du transport routier de marchandises dans le nombre total des entreprises. En 2016, le transport routier des marchandises représentait 7% des entreprises, par rapport à 7.9% en 2008.
L’activité du transport routier de marchandises en Tunisie se concentre autour du transport routier de marchandises pour propre compte et de celui pour le compte d’autrui. Les activités enregistrées de location de véhicules pour le transport routier de marchandises et les centrales de fret sont inexistantes en Tunisie.
Le nombre de personnes physiques opérant dans le transport routier de marchandises a augmenté plus rapidement que celui des personnes morales. D’après le ministère du Transport, en 2004 on comptait 800 personnes physiques et 436 personnes morales. En 2018, le nombre de personnes morales a augmenté de 90%, alors que celui des personnes physiques atteignait 300%.
Le prix du transport routier de marchandises en Tunisie est relativement élevé, malgré le relativement bon état de l’infrastructure routière. Selon une enquête de la Banque mondiale réalisée en 2016, le coût du transport routier de marchandises par tonne-kilomètre était de 0.22 dollars en Tunisie, ce qui est au-dessus des moyennes d’Afrique centrale, orientale ou occidentale. Le transport routier de marchandises est dominé par des ressortissants tunisiens. Les étrangers souhaitant s’engager dans le transport routier de marchandises peuvent recevoir des autorisations temporaires régies par des conventions internationales et par des accords bilatéraux. Selon l’OMC, la plupart des opérateurs du transport routier international (TIR) tractant des semi-remorques étrangers sur le territoire tunisien sont des citoyens tunisiens.

Transport maritime : Basse productivité des terminaux et infrastructure dépassée
96% des opérations d’import-export en partance et à destination de la Tunisie sont assurées par le transport maritime. La Tunisie dispose d’un tissu portuaire non négligeable avec 8 ports commerciaux. Le secteur du transport maritime des marchandises comprend un large éventail d’activités qui contribuent au déplacement des marchandises entre la Tunisie et ses partenaires commerciaux. Il comprend les activités de transport maritime, les services auxiliaires de transport maritime et les services auxiliaires du transport par voie d’eau. Ces activités sont étroitement liées aux infrastructures portuaires du pays. A la fin de 2015, environ 2 milliards de dinars étaient générés par les entreprises de transports maritimes et côtiers de marchandises,  environ 1.4 milliard de dinars par les services auxiliaires de transport maritime et près de 1.6 milliard de dinars par les activités de manutention.
Les ports tunisiens sont généralement spécialisés dans une activité économique. Radès est le plus important des huit ports actuellement opérationnels du pays. Il se concentre sur les containers, les hydrocarbures et les marchandises diverses. Le port de Gabès se spécialise dans les produits chimiques et miniers. D’autres ports, comme ceux de Sfax et Bizerte, se consacrent au transport maritime de containers, de cargaison en vrac, d’hydrocarbures et de marchandises diverses.
En 2018, le volume total de marchandises qui est passé par les ports tunisiens était de 30.7 millions de tonnes. Les hydrocarbures représentaient 31 % du trafic de marchandises portuaire total, les céréales représentaient 16 % et les autres cargaisons en vrac 23 %, tandis que le trafic de containers et des navires rouliers (remorques) représentait respectivement 13 % et 6 %. Pendant la période de 2016 à 2018, ces deux catégories ont connu des taux de croissance annuels moyens modestes, de 0.3 % pour les containers et de 1.3 % pour les navires rouliers.
L’utilisation intensive des ports et leur spécialisation dans certains secteurs n’ont pas entraîné suffisamment d’améliorations décisives de l’efficacité de leurs opérations. Les services de manutention dans les ports tunisiens sont relativement inefficaces, selon les normes régionales et internationales. La productivité des terminaux s’avère, également, très basse par rapport aux autres pays. Le temps moyen de manutention des porte-conteneurs dans les ports tunisiens était de 2.8 jours en 2015, par rapport à la moyenne mondiale d’un seul jour. La starie moyenne10 pour les marchandises était estimée à 12 jours en 2015, bien plus élevée que dans les ports européens.
Les inefficacités durables et l’infrastructure dépassée expliquent la lenteur des opérations portuaires. En 2015, selon les données de la Banque mondiale, la durée moyenne d’ancrage des navires en attente avant de pouvoir entrer dans un port tunisien était de 151 heures, soit plus de six jours, en hausse par rapport à 64 heures en 2010, mais en baisse par rapport à 227 heures en 2014. La longue attente des marchandises avant de pouvoir entrer dans le port accroît les délais et pourrait exacerber les coûts pour les activités économiques, qui dépendent du commerce international et, ainsi, rendre les ports tunisiens moins attractifs.
Aussi, le manque de zones de stockage associé à la faible adaptation des infrastructures portuaires au trafic de marchandises conteneurisées aboutit à des pratiques inefficientes, en termes de coûts et de temps.


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