Est-ce la fin des sitcoms ?

Pas moins de six nouvelles fictions, dites à tort, sitcoms sont diffusées en ce mois de Ramadan sur les chaînes de télévision tunisiennes. Ces séries humoristiques proposées dans un format ne dépassant pas les 30 minutes par épisode ne répondent pas aux critères des sitcoms qui se limitent à des plans généralement fixes plutôt d’intérieur et dont l’action se situe dans un seul décor et se concentre sur un nombre de personnages principaux et périphériques. Un canevas simple qui se distingue de la structure d’une série classique. De manière générale, la sitcom se base sur un certain nombre de principes fixes tournant parfois au stéréotype. L’autre caractéristique est l’enjeu économique. Les sitcoms sont produites avec des budgets moyens et génèrent beaucoup de publicité et de l’audience.

«Choufli Hal», sitcom culte diffusée encore et toujours sur la Wataniya 2, bien qu’elle ait tiré sa révérence, n’a pas trouvé d’héritier et reste au top des sitcoms. Elle continue à cartonner écrasant toutes les autres séries nouvellement produites. Aucune autre sitcom n’a pas pu l’égaler, même la dernière en date et intéressante « Hajama » produite et présentée il y a deux ans sur la Wataniya 1. «Choufli Hal» est une sitcom familiale, dans la mesure où on regarde la télévision en famille. Certaines séries proposées cette année sont plus proches du soap-opéra avec suspense et même des moments de drames pour rythmer l’intrigue. Ce genre de fictions comiques ne fonctionne plus comme avant. Les clichés utilisés ont fini par s’épuiser et il est de plus en plus difficile de faire rire le spectateur avec des ingrédients éculés.

Les séries comme «El Harba» sur Attessia, «Kesmat Wkhayen» sur El Hiwar Ettounsi, «Embouteillage» sur Hannibal TV, «Dar Nana» sur Nessma TV ou encore « Zanqat El Bacha » sur la Wataniya 1 ne se limitent pas à un seul lieu, mais alternent maison, bureau et des scènes en extérieur. L’humour, même s’il est bancal, repousse les limites de l’absurde : utilisation des ânes comme moyen de transport en ville (El Harba) ou encore des baffes à l’endroit d’un homme âgé auquel on exige de se dénuder ou de faire un strip-tease (Kesmat Wkhayen).

Les sitcoms, à l’instar de «Choufli Hal», «Nsibti Laâziza» ou «El Hajama» réalisées dans un seul décor et en plan fixe, ont l’avantage de ne pas coûter cher et de plaire au public, mais ont-elles fait leur temps ? Visiblement non, puisqu’elles sont encore programmées en ce mois de Ramadan. Malgré la diffusion de nouvelles séries, elles ont encore leur place. Les téléspectateurs en redemandent. «Choufli Hal» continue, imperturbable, son bonhomme de chemin sur la Wataniya 2 à laquelle vient s’ajouter «El Hajama»  sur la même chaîne. Nessma TV n’a pas pu trouver d’équivalent à «Nsibti Laâziza» et poursuit sa diffusion. Ces piliers de la sitcom ont encore de l’audience face à des séries où l’humour, cette denrée rare, manque cruellement.

Une mutation difficile
La sitcom à l’ancienne est-elle une espèce en voie de disparition et est-elle remplacée par la série ? Les séries proposées en ce mois de Ramadan, construites sur le même modèle, tentent de faire rire autrement. Les protagonistes de «Kesmat Wkhayen» et «El Harba» sont les chroniqueurs des talk-shows des deux chaînes où sont diffusées ces séries. «Kesmat Wkhayen», avec Karim Gharbi, Bassem Hamraoui, Zied Mekki et Baya Zardi, joue sur la gamme de l’absurde  et de l’irréalisme pour faire rire. Tandis que «El Harba», avec comme tête d’affiche Jaâfar Gasmi et toute l’écurie d’Attessia : Sadok Halwess, Sofiène Dahech, Naima Jany, Majd Belghith, Lobna Sdiri, Rania Toumi, Arwa Ben Ismail, Walid Zine, Ramzi Abdeljaoued et Zinelabidine Mastouri, mise sur le comique de situation et surtout les vannes.

Ces deux séries, qui enregistrent les plus grands scores d’audience après les feuilletons, se caractérisent par leur manque de rigueur au niveau du traitement scénaristique, la facilité du jeu des acteurs basés sur les pitreries et une mise en scène basique et paresseuse. Faire participer des animaux est une bonne idée lorsque ceux-ci sont utilisés à bon escient. Amira la vache dans «Kesmat Wkhayen» aurait eu une meilleure place et aurait pu être la véritable héroïne de la série si le scénario avait été bien élaboré. De même, les ânes apparus négligemment dans « El Harba » juste pour une vanne.

Cette année, aucune chaîne n’a accouché d’un véritable succès. Même la Wataniya 1 qui a tenté un coup de poker en misant sur l’une des grandes figures de  «Choufli Hal», Kamel Touati, a réalisé des audiences moyennes. A trop vouloir éviter les bouffonneries à quatre balles, «Zanqat El Bacha» rate le coche, celui de faire rire même avec un Kamel Touati qui essaie de se renouveler et de ne pas reproduire le personnage du psy de «Choufli Hal». Les situations présentées ont été rabâchées de multiples fois et ne provoquent ni l’intérêt ni le rire des téléspectateurs.  De même «Emboutillage» sur Hannibal TV, une série has been avec un Noureddine Ben Ayed qui a du mal à décoller de ses premiers rôles à la télévision.

«Dar Nana» sur Attessia est réalisée à l’anglaise avec un grand soin au niveau esthétique. De l’humour décalé et recherché, des acteurs qui font de la haute voltige, notamment Mohamed Ali Ben Jemaâ en valet, Rabeb Srairi et Mouna Noureddine. Si tout est bien dans le meilleur des mondes possibles, alors qu’est-ce qui cloche dans « Dar Nana » ? Sans doute l’invraisemblance avec la réalité tunisienne. Cette vieille nana vivant seule, entourée de ses domestiques, est d’un autre temps et n’a pas d’équivalent sous nos cieux. On focalise sur les domestiques dont les propos tournent en rond au fil des épisodes. Jusque-là on ne voit rien arriver. Le spectateur en quête de réalisme ne se retrouve pas dans ce genre de format où il y a une prise de risque et où les genres sont brouillés. Malheureusement, aucune de ces séries n’a pu reproduire le succès de «Choufli Hal». Celui-ci a encore de beaux jours devant lui, puisque le public ne semble pas décrocher.

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