Résultats d’une enquête sur la prise en charge des personnes vivant avec le sida (PVVIH) dans les structures de santé : Forte stigmatisation des personnes vivant avec le VIH

Rupture de stock de médicaments «vitaux» pour les personnes atteintes du virus sida, un sentiment de stigmatisation et de discrimination auprès du corps soignant et des difficultés financières pour avoir accès aux soins correctement… tant de problèmes rencontrent ces personnes touchées par le virus et qui affectent leur qualité de la vie : ces résultats ont été démontrés lors d’une enquête réalisée, se basant sur les témoignages d’une vingtaine de personnes affectées par le virus.

Lors d’un webinaire qui s’est tenu en ligne la semaine dernière, sur la chaîne youtube de l’Institut Pasteur de Tunis, les résultats d’une étude portant sur la prise en charge des personnes atteintes du virus VIH dans le secteur de la santé ont été présentés. Cette étude a été, en effet, réalisée en collaboration avec l’Institut national de santé publique et l’Institut supérieur des sciences humaines de Tunis. L’étude a porté, après l’analyse des entretiens (20 personnes touchées par le virus sida), sur les thèmes suivants : le manque de dépistage, l’annonce de la maladie trop souvent hors de la structure médicale ainsi que le non-respect de la confidentialité concernant le statut sérologique du patient. L’étude s’est basée également sur les thèmes de la stigmatisation au sein des structures de soins (relations soignant/soigné) et les difficultés d’accès aux traitements.

Lors de la présentation de l’étude, les intervenants ont mis l’accent sur la question du dépistage du VIH, notant que, selon les résultats de cette étude, la majorité des personnes ont découvert leur séropositivité lors d’autres actes médicaux ou à la suite de la maladie d’un conjoint. Uniquement deux personnes (parmi les 20 personnes enquêtées) et porteuses du virus ont fait un test de dépistage de sida. Ces deux personnes ont été considérées comme des personnes à risque (travailleurs du sexe). Pour les autres personnes enquêtées, elles ont été contaminées par le VIH suite à des rapports sexuels non protégés (8 personnes sur les 20 enquêtées) et au cours d’une transfusion sanguine (1 personne).

Détection et symptômes de la maladie

Les 20 personnes, qui ont été questionnées dans le cadre de cette étude, ont déclaré que les premiers symptômes qui les ont amenées vers une consultation d’urgence sont l’amaigrissement, l’hyperthermie, le vertige, des ulcères buccaux ou génitaux, une bronchite, l’apparition de taches rouges sur la peau… Notant que l’apparition et la disparition de ces symptômes se fait spontanément sans avertissement puis réapparaissent avec l’aggravation de l’état d’immunodéficience. «Ces observations poussent la personne à consulter, et le médecin traitant lui demandera des examens sans rien laisser paraître de ses doutes devant le malade. Le malade est souvent asymptomatique au début de l’infection et, dans ce cas-là, seul le test de dépistage est capable de confirmer la présence du virus. Cette situation constitue le cas le plus fréquent et mène à l’aggravation de la maladie et l’apparition d’autres maladies qui nécessitent une consultation», a noté l’une des intervenantes et participantes à l’étude réalisée. Une fois cette consultation faite chez le médecin généraliste ou aux urgences, le patient en question sera diagnostiqué et les prélèvements sont adressés aux laboratoires concernés. Les personnes interrogées, durant cette enquête, étaient dans divers types d’union (mariage, concubinage…), supposant une vie sexuelle active créant ainsi la possibilité d’une transmission hétérosexuelle de la maladie au sein du couple. En ce qui concerne les femmes dont le conjoint a caché sa séropositivité, le dépistage a été fait soit lors des consultations prénatales ou post-natales en vue de la prévention des maladies transmissibles de la mère à son enfant oui suite à la dégradation de l’état de santé ou du décès du conjoint.

La stigmatisation au sein des structures de soins

Dans la relation soignant-soigné, les enquêtés ont jugé de manière plutôt favorable la relation qu’ils ont avec leur médecin traitant au sein du service d’infectiologie. Seuls les problèmes d’ordre linguistique (langage scientifique et en français) ont constitué une entrave à la communication avec leur médecin. Par contre, la relation avec les paramédicaux a été décrite comme problématique marquée par la stigmatisation et la discrimination. Certains autres services médicaux tels que la stomatologie, le service gynéco-maternité et le laboratoire semblent poser de graves problèmes de prise en charge affectant le suivi des personnes atteintes du VIH. Ces personnes malades se sentent également stigmatisées lors des consultations chez les dentistes (regards méprisants, insultes, refus du praticien de procéder à des soins invasifs et à des prélèvements…). D’autres formes de maltraitance ont été subies par les femmes enquêtées lors de cette étude, notamment dans les services de gynécologie obstétrique, ce qui a provoqué chez elles un sentiment de peur et de solitude lors de l’accouchement mais aussi pour leurs nourrissons. La mention au feutre rouge et en gros (PVVIH) sur leurs dossiers médicaux… représente également, pour ces femmes enquêtées, une forme de stigmatisation.

L’accès au traitement

Quant à la question de l’accès au traitement pour les personnes porteuses du virus, l’enquête réalisée a montré qu’elles rencontrent deux problèmes majeurs, à savoir l’attente trop longue lors de leur passage chez le médecin et les frais de transport difficiles à assumer pour tous ceux et celles qui vivent loin de l’hôpital. La rupture en stock de certains médicaments essentiels pour traiter la maladie (ARV) et la péremption des médicaments distribués représentent, par ailleurs, une entrave à l‘accès au traitement. Notons que chaque rupture dans la prise de médicaments antiviraux provoque l’élévation de la charge virale du patient VIH et conduit à l’aggravation de son état de santé. Cette pénurie de médicaments vitaux pour les porteurs du virus sida les poussent à s’arranger seuls pour se procurer des médicaments qui leur permettront de rester en vie, car ces derniers considèrent que le traitement est le seul moyen de vivre en sécurité face au sida et à la mort.

L’étude réalisée et présentée en ligne inclut également des recommandations pour l’amélioration de la prise en charge des PVVIH, qui ont été exprimées par les intervenants.

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