Elus il y a plus de deux ans, les conseils municipaux, porteurs pourtant d’un air de renouveau d’une gouvernance locale et de renforcement de la décentralisation du pouvoir, peinent toujours à s’imposer comme véritables vecteurs de participation citoyenne et en tant qu’acteurs du changement. C’est dans ce cadre qu’I Watch a mis en place un outil de contrôle des principes d’intégrité au sein du pouvoir local. 

L’ONG I Watch a présenté les résultats de son étude portant sur le système d’intégrité locale dans le cadre d’un programme participatif de contrôle des activités du pouvoir local. L’étude a porté sur huit municipalités, à savoir Le Kef, Sfax, Jendouba, Médenine, Tataouine, Gafsa, Sousse et Tunis.

Il s’agit au fait d’un nouveau concept baptisé «Système d’intégrité locale», développé par l’ONG dans le but d’évaluer le rendement des conseils municipaux plus de deux ans après leur mise en place. Selon I Watch, cet outil, à vocation académique, permet de contrôler au sein des municipalités le respect des différents cadres juridiques, les principes de transparence et de lutte contre la corruption, la représentativité au sein des conseils municipaux, l’indépendance et enfin les programmes de bonne gouvernance.

Présentant les résultats de cette étude, basée sur des entretiens avec les différents représentants du pouvoir local, Achraf Aouadi, activiste et président de ladite ONG, a relevé que cette étude permettra de faire le diagnostic des réalités du pouvoir local, deux ans après leur mise en place et après la promulgation du code des collectivités locales. «Il ne s’agit pas d’une simple étude, mais plutôt d’un outil de diagnostic des mécanismes d’intégrité au sein du pouvoir local, ce concept a déjà été utilisé par I Watch en Libye, aujourd’hui nous l’appliquons aux municipalités tunisiennes dans l’objectif de faire le diagnostic des bonnes pratiques d’intégrité et de leur proposer les recommandations nécessaires», a-t-il expliqué.

Le rapport épingle surtout le manque de transparence au sein des municipalités, notamment en ce qui concerne la publication des données et des informations relatives aux marchés publics. Emna Mejri, spécialiste de la gouvernance locale et membre de I Watch, a expliqué dans ce sens que les municipalités, et notamment les conseils municipaux, n’ont pas encore concrétisé les principes de transparence dans leurs activités. «Nous avons également analysé les sites web de ces municipalités, le grand problème réside en effet dans ce manque de transparence, or l’accès à l’information constitue un droit constitutionnel qui doit être mis en œuvre par les conseils municipaux», a-t-elle rappelé.

Les lacunes du pouvoir local

Outre ces problèmes de manque de transparence, le rapport de cette ONG épingle également les lacunes du principe du pouvoir participatif transformé dans certains cas en un moyen privilégiant le corporatisme et les inégalités. En effet, d’après Achref Aouadi, qui cite notamment les réunions municipales participatives, critique «l’accès sélectif» à ces réunions de vote de certains projets. «Nous craignons que ces réunions ne se transforment en un moyen pour renforcer les inégalités entre certaines catégories sociales», a-t-il averti.

La question de la politisation des conseils municipaux a été également critiquée par le rapport de cette ONG d’autant plus que selon les observations de ses équipes, certains conseillers municipaux ne cessent de créer des tensions politiques au sein de leurs conseils. «Les conseils municipaux ne sont pas appelés à importer certains conflits partisans, ceci fait fi de l’entente et de la symbiose au sein des municipalités et entrave la mise en place de certains projets», soutient dans ce sens Achraf Aouadi.

Cependant, le rapport reconnaît également que ces principaux acteurs des pouvoirs locaux font face à d’énormes problèmes d’indépendance financière, mais aussi de formation en matière juridique et légale. En effet, l’ONG note en particulier l’absence du principe de l’indépendance financière des conseils municipaux, ce qui ne leur permet pas de mener des projets qui répondent aux aspirations des populations. Dans ce cadre, le président de I Watch a estimé même que certaines parties veulent placer les municipalités au second plan, appelant à leur fournir tous les moyens nécessaires et notamment à garantir le principe de l’indépendance financière et de la décentralisation.

Il a également critiqué les inégalités entre les municipalités en matière d’accès aux fonds nécessaires mais aussi aux sessions de formation, évoquant le cas de la municipalité de Tunis qui est, selon ses dires, en possession de sociétés, alors que d’autres municipalités sont dépourvues de tous les moyens. «Il est aujourd’hui nécessaire de privilégier et d’encourager certaines municipalités, notamment celles nouvellement mises en place, et de revoir tous les systèmes de financement public du pouvoir local», a-t-il dit.

On note également que le rapport recommande surtout la publication des textes d’application qui doivent concrétiser et accompagner le code des collectivités locales. 

En résumé, le rapport se félicite des avancées réalisées en matière du pouvoir local, mais souligne les entraves de la concrétisation des principes de décentralisation, appelant l’Etat à garantir tous les moyens nécessaires pour mettre en place les mécanismes de la gouvernance locale.

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