Ce qui allait de soi à une époque donnée est, aujourd’hui, mesuré, pour ne pas dire révolu et tombé en désuétude. Les références changent au sein du parti islamiste Ennahdha. Le positionnement, l’aiguillage, les orientations, mais aussi et surtout l’équilibre des forces, ne sont plus les mêmes. Il est évident qu’ils font aujourd’hui l’objet d’appréciations contradictoires opposant le clan Ghannouchi au groupe des cent. La crise fait écho, ces derniers temps, à une déformation qui tient son nom et sa raison d’être de l’absence de réactivité et de ressort des membres influents et surtout des décideurs. Cela a même engendré une certaine distorsion dans les discours, dans les prises de position, mais aussi et surtout dans la manière avec laquelle le parti est géré. Il n’est pas question ici de faire le procès des personnes, mais plutôt celui de tout un système et une politique nahdhaouis qui n’ont jamais évolué et qui ne sont plus adaptés aux exigences de l’époque. Pour avoir fermé les yeux sur tout ce qui constituait une source de nuisance, pour avoir été dépassés par les événements, les décideurs au sein du parti ont autorisé les dérives et les dérapages de différents genres. C’est dire à quel point ils n’avaient pas vraiment conscience de la réalité.

Les véritables besoins et impératifs, ignorés sous l’effet d’arguments erronés, ont fait qu’Ennahdha continue à se tromper de priorité et d’opportunité. Essentiellement dans un contexte politique qui a beaucoup changé et dans lequel de nouvelles forces ont émergé. A aucun moment il ne semblait donner la priorité à une véritable politique de restructuration et de remise en cause.

Et alors que les votes au sein du Conseil de la choura devaient consacrer l’élection d’un bureau exécutif consensuel, les membres considérés comme appartenant au clan de Rached Ghannouchi n’ont pas réussi à obtenir un nombre de voix supérieur à 50, susceptible de leur permettre d’accéder au bureau exécutif.  Anouar Maârouf, Fathi Ayadi, Rafik Abdessalem, Abderraouf Badoui, Sayida Lounissi, Ridha Saidi, Mohsen Nouichi, Ridha Driss, Mohamed Goumani, Mohamed Mahjoub, Hédi Ben Khelifa et Mohamed Mohsen Soudani, proches du président du mouvement, n’ont pas bénéficié de la confiance du Conseil de la choura, notamment face à un pouvoir concurrent de ce qu’ils croient leur appartenir. Dissous au mois de mai dernier par Ghannouchi lui-même, le bureau exécutif n’a plus, après les dernières élections, ses propres règles. Encore moins sa composition, et certainement aussi sa vocation. C’est l’issue inévitable d’une instance qui n’a pas aspiré à un nouveau statut, notamment en l’absence des dispositions requises.

La plupart des membres élus au bureau exécutif évoquent, aujourd’hui, l’idée de repartir sur de nouvelles bases et une politique complètement différente des dérives qui ont fait basculer le mouvement dans des considérations hors normes. Il est évident que l’impératif de restructuration entraîne nécessairement des obligations dans la gestion et dans les prises de position. Une page se tourne ? Il est encore tôt pour se prononcer. Une chose est cependant sûre : il y a beaucoup de choses à revoir. Des leçons à retenir aussi, notamment par rapport à tout ce qui a été gâché.

Le constat devient de plus en plus évident. Pressant même. Avec du retard, ou à temps, une nouvelle équipe, avec des qualités bien requises, commence à tracer son chemin. La plupart ont le profil de pouvoir passer au-devant de la scène et aspirent à une sortie de crise sans douleur. On dirait qu’elle est bien indiquée pour la relève. On a tout simplement des noms qui viennent au bon moment, alors que l’heure semble bel et bien sonner pour beaucoup d’autres. 

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