Sfax est en état d’urgence sanitaire. La situation épidémiologique est alarmante. A un degré moindre Monastir et Mahdia sont dans la même situation, ou presque. Le danger s’accentue et les dégâts humains se multiplient chaque jour. Ils ouvrent une phase de profonde incertitude, dans la mesure où vivre dans l’attente, c’est aussi vivre dans le doute et peut-être aussi dans une crise sociale majeure, compte tenu du fait que le nombre élevé d’infections enregistrées dans le gouvernorat de Sfax est dû principalement aux rassemblements des citoyens au cours des dernières semaines pour acquérir des bouteilles de gaz. C’est le lien de confiance entre les Tunisiens et l’Etat qui paraît désormais menacé. Les gens reçoivent moins de soins et la santé est remise au domaine privé !

Les forces et les faiblesses de nos institutions et de notre système politique sont aujourd’hui et plus que jamais à l’épreuve. L’on se demande encore et toujours comment la gestion de la crise est organisée au plus haut niveau de l’Etat, comment s’articulent les pouvoirs politiques et médicaux.

A l’origine d’autant d’interrogations, une politique sanitaire, un modèle, une stratégie largement en déphasage avec l’évolution de l’épidémie. Un plan en pointillé, avec des angles morts, des zones blanches. Mais peut-on faire autre chose que sauver les apparences ?

Il n’empêche qu’on peut être témoin des scènes dont le sens ne laisse pas de place au doute sans qu’il nous soit permis cependant d’ériger le cas en généralité, ni d’en faire un argument suffisant pour conclure à une tendance de fond. Mais dans le même temps, il y a des signes qu’il faut saisir et sur lesquels il faut attirer l’attention. Le mal est beaucoup plus profond qu’un supposé bilan quotidien, ou encore un constat. Il touche aux racines d’une gestion qui manque de manœuvre et d’efficacité.  Les travers, les tares sont visibles à tous les niveaux. On ne va pas encore parler des moyens et des ressources dont bénéficie le staff médical et paramédical. Car quel pays avec d’autres ressources aurait pu faire mieux ? On ne va pas, non plus, évoquer les conditions dans lesquelles ils travaillent. Tout cela a fini par se transformer en un calvaire au quotidien et qui ne semble pas finir. L’espoir s’évapore et le nombre de décès et de contaminations continue à augmenter.

On sait que le confort politique et l’habitude ont horreur des messages qui les dérangent. Mais la crise sanitaire semble avoir entraîné un lien politique fragilisé. Quand la Tunisie est entrée dans cette crise épidémiologique, le lien de confiance politique était déjà abîmé dans un paysage éparpillé et devisé et dont les multiples fractures s’étaient encore aggravées par les comportements et agissements des acteurs et des partis politiques. La tension politique a fortement réduit la marge de manœuvre face à la crise sanitaire.

Le combat contre le virus aurait dû réhabiliter l’union sacrée et inciter les différentes parties à trouver les solutions adéquates. Ainsi, l’on ne peut s’empêcher d’évoquer l’état d’esprit qui affecte la vie politique, l’incapacité de la plupart des acteurs à se fondre dans un cadre défini et à en accepter les règles. On prend ainsi la mesure du malaise et on réalise que derrière la crise sanitaire se cachent d’autres ressentiments…

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