Mes odyssées en Méditerranée: Adelina Patti, La Goulette et le Théâtre de la rue Zarkoun

L’histoire de La Goulette est toujours assez surprenante pour un chercheur. Il suffit de fouiller dans les archives de l’époque pour se rendre vite compte de la grandeur et du beau monde que cette ville côtière pouvait attirer, parfois tout naturellement.

Cela s’expliquerait aussi grâce à l’arrivée des navires de grand tonnage traversant la Méditerranée, faisant une escale imprévue en rade de La Goulette pour se ravitailler, ou pour réparer une avarie de machine. Parfois, ces navires transportaient des personnages connus à l’échelle internationale.

Ce fut le cas, notamment en 1868, d’une unité de la Compagnie Florio, se dirigeant vers l’Égypte, et embarquant à bord la célèbre soprano italienne Adelina Patti (Madrid 19 février 1843 – Craig-y-Nos Castle 27 septembre 1919) engagée pour l’inauguration de l’Opéra Khédivial du Caire.

Adelina Patti  était considérée comme la chanteuse la plus brillante de son temps et la soprano la plus remarquable de la fin du XIXe siècle. Ses parents étaient le ténor Salvatore Patti et la mère, la soprano Caterina Chiesa Barilli. On raconte que pendant que sa mère jouait à Madrid «La Norma» de Bellini, elle a dû interrompre sa performance pour donner naissance à Adelina.

La famille s’installe à New York en 1847 dans le quartier du Bronx. D’ailleurs, la maison dans laquelle Adelina a grandi est toujours là et elle porte une plaque de commémoration. La communauté italienne, déjà résidente à New York, l’avait adoptée comme son idole et Mme Patti a été en mesure d’utiliser la faveur du public pour se hisser au statut de star. En 1860, Adelina Patti se fait connaître dans d’autres villes du monde, en renforçant son statut de star émergente et, à chaque fois, le succès était de mise.       

Adelina avait une très forte personnalité et un fort tempérament. En 1905, après plusieurs tentatives, elle accepta d’enregistrer pour «Gramophone & Typewriter Company», dans le confort de son château. On raconte, qu’après avoir enregistré sa première pièce, Adelina Patti a insisté pour entendre l’enregistrement et tandis que sa voix émergeait de l’orateur, la soprano s’écria : «Ô mon Dieu, maintenant je comprends pourquoi je suis Adelina Patti !… Quelle voix ! Quelle artiste ! Je comprends tout !»

On comprend aussi très bien le succès que ce personnage pouvait avoir dans tous les pays de la Méditerranée et dans le monde entier. Comme je viens de le dire ci-haut, en 1868, un navire de la Compagnie italienne Florio, parti d’Italie en direction de l’Égypte avec à bord Adelina Patti, s’arrêta au port de La Goulette. La nouvelle se répandit immédiatement dans la ville et le consulat d’Italie en fut alerté. Le consul d’Italie, à peine informé, se rendit en courant à bord et parvint à persuader la diva de descendre à Tunis pendant cet arrêt forcé et à s’y produire au bénéfice des pauvres. C’est ainsi que la soprano interpréta la «Reine Marie-Anne de Neubourg» dans l’Opéra «Ruy Blas» de Filippo Marchetti, dans l’ancien et minuscule «Teatro Cartaginese» de la rue Zarkoun, éclairé à l’huile, l’un de ces petits théâtres italiens situé dans la Vieille Ville arabe, tombé en ruine et désormais disparu. La petite salle fut vite remplie pour la joie des Italiens accourus écouter la diva qui, à la fin de son spectacle, salua affectueusement son public avant de repartir le soir-même pour Le Caire.                                                                                                                                           Toute la somme récoltée grâce à la vente des billets, fut dévolue à une association qui agissait contre la misère et la pauvreté.

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