A l’heure où l’épidémie de Covid-19 sévit à travers le monde, que plusieurs laboratoires sont parvenus à développer différents vaccins en un temps record, que de nombreux pays ont déjà commencé la vaccination à grande échelle, le gouvernement tunisien est pointé du doigt quant à son laxisme pour faire parvenir le vaccin aux Tunisiens, dans un contexte très particulier, puisque la pandémie de Covid-19 est plus féroce que jamais.
Face à la virulence de la pandémie, dont les chiffres ne cessent de grimper de façon vertigineuse pendant ces derniers temps, l’accès au vaccin anti-Covid-19 est devenu, aujourd’hui, une priorité nationale. Mais d’après les officiels du ministère de la Santé, le vaccin ne sera pas importé en Tunisie avant la fin du premier trimestre, soit au mois d’avril prochain, malgré que la Tunisie fasse partie de l’initiative Covax.
A cet égard : comment est distribué le vaccin, aujourd’hui, dans le monde ? Que faut-il faire pour être parmi les premiers pays à importer le vaccin ? Est-il possible d’avoir ce vaccin, alors que la Tunisie a des dettes auprès des grandes compagnies pharmaceutiques, qui s’élèvent à des centaines des millions de dinars ? Qu’en est-il de l’accord qui a été signé avec Pfizer ? Autant de questions qui font couler beaucoup d’encre et qui font, aujourd’hui, la Une de l’actualité et suscitent nombre de réactions et de commentaires aux quatre coins du pays.
Vaccination : où en est-on ?
Les stratégies de vaccination contre le Covid-19 diffèrent largement d’un pays à l’autre. Certains pays, à l’instar du Royaume-Uni et les Etats-Unis, veulent aller très vite et sont, bel et bien, parvenus à vacciner des centaines de milliers de personnes contre cette pandémie, alors que d’autres pays, comme la France et l’Allemagne, ont démarré plus tard et plus lentement. Quant à la Tunisie, elle ne fait pas partie ni de la première ni de la seconde catégorie, étant donné que le pays n’a pas encore lancé sa campagne de vaccination pour mettre un terme à la pandémie.
D’après Yves Souteyrand, représentant résident de l’OMS en Tunisie, seule une quarantaine de pays dans l’hémisphère Nord et ceux du Golfe ont accès, aujourd’hui, au vaccin anti-Covid-19, alors que beaucoup d’autres pays, même ceux qui ont des ressources élevées, n’ont pas encore vacciné aucune personne de leur population. La Tunisie, quant à elle, fait partie de cette dernière liste. Ce retard a ses justifications qui sont toujours compliquées.
« L’Organisation mondiale de la santé (OMS) est extrêmement exigeante sur la qualité des vaccins qui vont être fournis aux populations. Elle a une procédure qui est très précise, qui mobilise de nombreux scientifiques et qui vise à homologuer ces vaccins et les inscrire sur la liste d’utilisation d’urgence (une procédure basée sur le risque pour évaluer et répertorier les vaccins, les produits thérapeutiques et les diagnostics in vitro non homologués, dans le but ultime d’accélérer la mise à disposition de ces produits aux personnes touchées par une urgence de santé publique).
Pour le moment, il y a un seul vaccin qui a été mis sur la liste d’utilisation d’urgence de l’OMS, qui est le vaccin Pfizer/BioNTech. Certainement, d’autres vaccins seront validés, mais il faut travailler encore plus pour savoir et s’assurer des conditions dans lesquelles les essais ont été réalisés, sur le risque des effets secondaires, sur l’efficacité de ces vaccins… Ces mesures, souvent compliquées mais importantes, prennent du temps. Mais tout le monde doit être sûr qu’on n’épargne aucun effort pour freiner la propagation du virus. On a une totale capacité et confiance pour gagner la bataille », souligne M. Souteyrand, lors de son passage sur les ondes d’une radio locale.
Pour la Tunisie, il précise qu’elle a déjà conclu un accord avec la société pharmaceutique américaine Pfizer, et ce, pour recevoir, dans les plus brefs délais, le vaccin Pfizer-BioNTech Covid-19. « Elle disposera d’un potentiel initial de 2 millions de doses de vaccins qui lui seront remises de la part de la firme pharmaceutique américaine et son partenaire allemand à partir du deuxième trimestre de l’année 2021…Cette annonce rassure quant à la capacité de la Tunisie à se positionner dans cette course mondiale à l’acquisition des vaccins », affirme-t-il.
Covax, l’initiative mondiale d’accès aux vaccins
L’OMS vient de lancer Covax, une initiative multilatérale destinée à garantir un accès juste et équitable à l’échelle mondiale, d’accélérer les investissements préliminaires essentiels permettant de fournir des doses de vaccin dès qu’elles sont disponibles. Codirigée par l’Alliance Gavi, la Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies (CEPI) et l’OMS, cette initiative, qui réunit aujourd’hui 190 pays, est considérée comme un pas très positif pour accélérer la mise au point et la fabrication de vaccins contre le Covid-19 et d’en assurer un accès juste et équitable, à l’échelle mondiale.
« Grâce à cette initiative, les pays ayant des ressources limitées auront l’accès à différents types de vaccins. Donc, tous les efforts se sont réunis pour construire une vision globale et pouvoir assurer une distribution juste et équitable du vaccin à l’ensemble de la population, tout en commençant par le 20% de la population qui en a besoin à l’échelle internationale », souligne M. Souteyrand.
Il évoque, également, l’initiative Advance Market Commitment –AMC- de Covax, qui a comme rôle principal de tirer parti de la puissance et de la portée assurée par la participation des économies à revenu élevé pour faire en sorte que les économies à faible revenu puissent également participer. La garantie de marché (ou Advance Market Commitment de Covax) est, donc, un élément essentiel pour y parvenir, car c’est grâce à ce mécanisme financier innovant que les pays les plus pauvres du monde auront accès aux vaccins Covid-19… Ainsi, par le biais de l’AMC, près d’un milliard de ces doses seront mises à la disposition des populations des 92 économies les plus pauvres.
Pour la Tunisie, M.Souteyrand précise qu’elle fait partie de l’AMC et qu’elle est éligible à cette initiative qui va lui permettre d’avoir accès à 20% de vaccin pour la population tunisienne à des tarifs soit très subventionnés, soit gratuits. «Non seulement elle fait partie des pays de l’AMC, la Tunisie a, également, rempli le dossier de demande d’agrément dans le temps, ce qui nie et démentit l’existence de laxisme de la part des autorités concernées. Les étapes ont été franchies avec succès et le pays pourra accéder facilement à ce vaccin qui sera distribué dès qu’il obtient l’autorisation de l’OMS. Mais c’est comme déjà souligné, c’est la complexité des procédures au niveau de l’OMS qui fait retarder l’arrivée du vaccin… », explique encore M.Souteyrand.