Le bilan que personne ne veut dresser

Il  est de coutume de célébrer les anniversaires ou les dates les plus marquantes dans le parcours historique d’un pays en dressant le bilan de l’année passée, de  la quinquennie ou de la décennie qui vient de s’écouler.

Ainsi, jeudi 14 Janvier 2020, les Tunisiens et  les Tunisiennes ont fété le 10e anniversaire de leur révolution, la Révolution de la liberté et de la dignité, en se posant la question suivante: avant de dresser le bilan de la décennie-révolution interrogeons-nous:  qu’avons-nous fait de notre révolution, qu’est-ce que la révolution a fait de la Tunisie durant ces dix dernières années et, enfin, est-il vrai que les Tunisiens, principalement, ceux qui ont fait la révolution ont été  dépossédés de leur révolution  et si oui  pourquoi ont-ils vu les autres, c’est-à-dire «les anti-révolution», leur confisquer ou voler, à la barbe, leur révolution, tout en réussissant à les convaincre et à les   remplir du sentiment d’avoir gagné «le pari démocratique» en choisissant, à trois, voire à quatre  reprises, lors des élection de l’ANC le 23 octobre 2011, le 25 octobre 2014, et le 26 octobre 2011 à l’occasion des législatives et le 6 mai 2018 à l’occasion des municipales, sans oublier la présidentielle de 2014 et 2019, une majorité écrasante de candidats qui les ont représentés au Palais du Bardo, de La Kasbah et de Carthage, n’ayant aucun rapport avec leur révolution et se vantant même, au vu et au su du monde entier, de ne pas reconnaître cette même révolution et aussi de considérer ses héros et ses visages marquants, dont en premier lieu Mohamed Bouazizi, comme des comploteurs ou comme des manipulés qui n’ont fait que jouer un certain rôle qui leur était tracé d’avance par les «seigneurs du 14 janvier 2011» qui ont accédé au pouvoir au nez et à la barbe de ceux qui étaient descendus dans la rue, ont risqué leur vie pour congédier Ben Ali et se retrouver sous l’emprise — bien avant que 2011 ne s’écoule, c’est-à-dire le 23 octobre de la même année — d’un gouvernement dont ils ne connaissaient personne et dont les membres récupérés des prisons, des résidences surveillées ou revenus de l’exil ne partageaient aucun des objectifs pour lesquels ils ont défié la police et réussi à «obliger» le président défunt à quitter le pays.

Est-il besoin, aujourd’hui, de parler encore, alors que tous les masques sont tombés, que les Tunisiens ont fait «connaissance» avec tous ceux qui se considéraient empêchés de parler et d’œuvrer avant le 14 janvier et que nous «vivons quotidiennement, sous les prouesses infinies» des compétences, des politiciens et des «personnalités nationales» qui parlent en notre nom, ne prennent jamais les décisions que nous attendons et ne nous livrent même plus les promesses que nous savons qu’ils ne pourront jamais concrétiser.

Aujourd’hui que les Tunisiens sont vaccinés contre la politique, qu’ils ne croient plus à la capacité de l’«élite politique actuelle» de faire sortir le pays du marasme dans lequel il s’est engouffré, l’on se demande s’il est toujours possible d’espérer sortir, un jour, du gouffre où l’on s’est enfoncé, par la grâce de «nos politiciens révolutionnaires» et aussi — il faut avoir le courage de le reconnaître — par notre naïveté et notre crédulité en accordant notre confiance à ceux qui n’ont même pas confiance en leur propre personne.

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