Un nouveau concept éducatif s’est mis en place depuis le début de la crise sanitaire liée au coronavirus. Les parents doivent s’investir en permanence et dépenser sans compter pour permettre à leurs enfants de ne pas perdre les acquis et les connaissances appris en classe…                

La «classe inversée» est une approche  pédagogique qui inverse la nature des activités d’apprentissage en classe et à la maison. Les rôles traditionnels d’apprentissage sont modifiés selon l’expression «les cours à la maison et les devoirs en classe», d’après l’encyclopédie en ligne wikipédia. C’est ce que les enseignants et éducateurs veulent appliquer pour leurs élèves, notamment dans les écoles privées en attendant que leurs homologues du public leur emboîtent le pas, sans nul doute. Ainsi, selon ce concept, les élèves doivent étudier leurs cours chez eux, pour que les activités et notions de base en classe deviennent plus concrètes à leurs yeux. «Durant les heures des apprentissages, ces derniers ne feront que des exercices d’applications et de découvertes. Ce n’est plus l’enseignant qui apporte des connaissances d’un nouveau chapitre, mais il aidera l’élève pour la compréhension des notions importantes et aura plus de temps pour suivre l’élève au cas par cas. L’enseignant jouera donc le rôle de guide dans les apprentissages de l’élève», termine la définition de cette nouvelle façon d’apprendre qui s’opère, ces derniers temps, en Tunisie. Une assimilation à la maison que ne peuvent assurer tous les parents, selon le niveau social, d’instruction, voire d’occupation. Un réel challenge plein d’incertitudes et dont on ne connaît pas encore les bienfaits et son efficacité. Un défi de taille qui n’est pas gagné d’avance, vu les difficultés et obstacles que l’élève doit vaincre pour évoluer sur le plan scolaire, des acquis et des résultats. On redoute que le fossé béant ne se creuse davantage entre les deux systèmes d’écoles : payant et gratuit, où l’investissement matériel et financier fera pencher la balance dans la formation de l’élève tunisien. Qu’il est loin le temps où l’école publique était le meilleur chemin pour tracer l’avenir de l’écolier, tout heureux et serein de se rendre sur le chemin de l’école. Depuis les années 1960-70 jusqu’au début des années 1990, l’école publique était réservée aux meilleurs élèves et celle privée plutôt pour les cancres et les redoublants. L’âge d’or du modèle éducatif bourguibien est révolue et n’est que l’ombre d’elle-même dans nos écoles aujourd’hui. Trente ans plus tard, c’est pratiquement l’inverse qui se produit, même si il subsiste de nombreuses nuances du moins pour l’aspect pécuniaire et payant de l’école qui devrait être gratuite pour tous les enfants dans tout système éducatif qui se respecte. Il faut dire que le marasme socioéconomique dans lequel est plongé le pays depuis la révolution du 14-Janvier 2011 a mis à nu les carences du système scolaire et éducatif tunisiens sous le régime du président déchu Ben Ali. La médiocrité a pris de plus en plus de place dans le programme de l’école depuis les années 2000, jusqu’à en arriver à une réalité amère. Cela en excluant les écoles et lycées pilotes qui font toujours la pluie et le beau temps. Car, s’agissant de la majorité des écoliers tunisiens, c’est le chiffre ahurissant «d’un million d’élèves qui ont abandonné les bancs des classes» durant la dernière décennie, selon les spécialistes du droit de l’enfance, qui résonne dans les têtes. Ou quand l’école décourage les familles défavorisées.

Aujourd’hui, plus rien n’est plus pareil et c’est en alternance que les enfants se rendent à l’école et restent confinés à la maison : c’est tantôt le présentiel durant lequel la présence de l’élève à l’école est exigée, tantôt le distanciel au cours duquel ce dernier doit, au contraire, étudier depuis le domicile familial. Pour mieux comprendre les raisons qui poussent certains établissements à prendre des mesures draconiennes, au-delà du protocole sanitaire au sein de l’enceinte scolaire, un communiqué très instructif donne à être lu. Cependant, les écoles publiques ont-elles les moyens matériels et humains d’assurer à ce niveau pour contribuer activement au frein de la propagation du virus Sars-Cov-2 en milieu scolaire ? Pas sûr. N’oublions pas la quarantaine de cas positifs enregistrés au lycée Menzah VI, il y a deux semaines, ce qui avait contribué, en partie, au confinement général de toute la population durant quatre jours.

Présentiel puis distanciel

Revenons audit communiqué d’un établissement relevant du ministère de l’Education nationale de programme français, basé aux Jardins de Carthage (Tunis), qui tente de s’adapter au contexte marqué par la pandémie de la Covid-19 en annonçant aux parents d’élèves ce qui suit : «Suite au conseil pédagogique, réuni en urgence aujourd’hui, et devant l’aggravation de la situation sanitaire en Tunisie, il a été décidé ce qui suit : Pour le premier degré (primaire), le travail se fera en alternance avec une semaine en présentiel et en classe entière, et une semaine en distanciel. Pour le second degré (collège et lycée) : La mise en place d’un enseignement hybride avec un effectif réduit en présentiel (15 élèves). Le reste de la classe assiste aux cours à distance. Les groupes d’élèves suivent les cours en classe une semaine sur deux. Notez aussi que les évaluations se feront aussi bien en présentiel qu’en distanciel. Cela en attendant l’aval du ministère de l’Education tunisienne sur ces décisions et la mise en place logistique pour l’enseignement hybride».

Si la semaine qui se termine se déroule en présentiel, la prochaine, à compter du lundi 1er février 2021, nécessitera de nouveau le confinement à la maison et donc le mode d’études en distanciel. Encore faut-il disposer de l’électricité dans son foyer et de connexion au réseau internet à domicile et des appareils informatiques et logiciels nécessaires. Tout un tralala que les élèves tunisiens ne peuvent s’offrir pareillement et marque la fracture numérique entre écoliers tunisiens, du privé et du public, en partie.

 Si certains enfants ont la chance de poursuivre des cours et des études particulières, d’autres doivent se résoudre à aller dans une école publique et se contenter du minimum syndical en matière d’apprentissage et de connaissances. Le décalage dans l’assimilation du programme risque de se faire sentir d’année en année sachant que de nombreux instituteurs et professeurs se plaignent d’une baisse de niveau accumulée la saison dernière avec une fin d’année scolaire en queue de poisson. Les écoles publiques ont fermé leurs portes depuis mars 2020 pour ne rouvrir qu’à la rentrée de l’année suivante. Un passage automatique de classe malvenu et peu à propos, vu la montagne de difficultés observée par l’élève en classe de nos jours.

Récemment, avec hilarité, une parente d’élève a indiqué qu’à l’heure actuelle «tout est automatique» : cours, passage de classe, évaluations, jeux vidéo à la maison. Une façon comme une autre de remettre en cause le recours abusif aux écrans et à l’enseignement à distance, imposé par les enseignants au détriment de l’apprentissage réel et sur des bases solides de l’élève.

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