«Errouba» de Hamadi Louhaïbi : L’impasse de la toge

Mohamed Chawki Khouja, Samia Bouguerra, Nouredine Hammami, Aouatef Abidi, Khouloud Bdida, Lotfi Msahli, une belle brochette d’acteurs porte à bras-le-corps des personnages bien dessinés.

Produite par le Centre d’art dramatique et scénique de Kairouan, «Errouba» est encore une hasardeuse aventure par laquelle Hamadi Louhaïbi explore, à sa manière, un univers des plus complexes. Après «Les patientes» (Essabirat) qui aborde le monde de la prostitution organisée, «Juifs» qui surfe sur un terrain humaniste et universel en évoquant tour à tour des histoires d’amour impossibles entre juifs et musulmans, cette fois-ci le metteur en scène se lance dans les méandres d’un système judiciaire avec ses dérapages houleux.

Mohamed Chawki Khouja, Samia Bouguerra, Nouredine Hammami, Aouatef Abidi, Khouloud Bdida, Lotfi Msahli, une belle brochette d’acteurs porte à bras-le-corps des personnages bien dessinés. Entre la juge à cheval sur les principes, les avocats entre corruption, ambitions politiques et enjeux médiatiques et le condamné qui tire les ficelles d’un jeu malpropre, la trame se construit suivant un axe inversé.

La machine dramatique trouve un fonctionnement à l’envers, avec une catastrophe inaugurale. «Errouba» commence par une explosion dans un palais de justice ! La trame évolue dans cette installation émotionnelle en créant sa propre logique.

«Errouba» commence par une explosion dans un palais de justice ! La trame évolue dans cette installation émotionnelle en créant sa propre logique.

Une juge, Khedija, prise au piège dans la cave du palais de justice, un endroit réservé aux détenus en attente de jugement avec quatre avocats et Khémaïes, le condamné. C’est le chaos total. Un état de panique dans le brouhaha des voix, des cris, des sirènes et des aboiements des chiens policiers. Toutes les sorties sont inaccessibles, seul Khemaïes, multirécidiviste, habitué à ces sous-sols morbides, connaît une possible sortie.  Elle s’accroche à son statut et à sa légitime position, lui, impose sa loi par la force de sa condition.

Entre eux un bras de fer s’installe, dans la quête d’une sortie de secours sous les décombres, un parcours périlleux pour la lumière. On tire les ficelles de part et d’autre, en soudoyant les uns, humiliant les autres, dévoilant des secrets et des dossiers cachés.

L’équilibre du pouvoir s’inverse, ce dernier devient le seul juge de leur destin et l’unique maître des lieux. Les avocats se divisent entre les défenseurs du droit, et ceux qui essayent de profiter de la situation pour aboutir à leur fin. C’est le dernier délai pour le dépôt des candidatures pour les élections législatives, l’enjeu est de taille, mais la vie de tous est en péril. Dans cette nouvelle création présentée en première à El Teatro (dans un sévère respect des conditions sanitaires), Hamadi Louhaïbi lève le voile sur une profession : l’avocatie, entre principes et dérapages, la magistrature entre lois, justice et tentations. Une lecture poussée à l’extrême pour dévoiler les soubassements d’un système infesté.   

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