Blocage et guerre des institutions : L’Etat dans l’impasse !

Le blocage entre le Chef du gouvernement et le Président de la République persiste encore. Après plusieurs jours de tractations, de pression et de bras de fer entre les deux têtes de l’exécutif, le bout du tunnel reste encore loin, et jusqu’à présent personne ne sait comment sortir de cette crise inédite dans l’histoire du pays. Dernier rebondissement, Hichem Mechichi recourt aux chambres consultatives du Tribunal administratif pour appuyer sa position. 

L’absence de consensus entre les deux têtes de l’Exécutif, la Tunisie en a déjà vu.  A commencer par les relations tendues entre l’ancien Président de la République, Moncef Marzouki, et l’ancien chef du gouvernement, Mehdi Jomâa, ou encore entre feu Beji Caid Essebsi et les deux anciens locataires de La Kasbah, Youssef Chahed et Habib Essid. Mais, aujourd’hui, la crise est tout autre. Sur fond d’un blocage persistant autour de la prestation de serment des nouveaux ministres ayant obtenu l’aval des députés, les deux hommes refusent de céder, chacun campe sur sa position ne laissant aucune chance pour un rapprochement des positions.

Dernier rebondissement de taille, le Chef du gouvernement, qui avait menacé de prendre les mesures nécessaires pour débloquer la situation, a recouru à la justice administrative. En effet, la présidence du gouvernement a envoyé une correspondance au Tribunal administratif compte tenu de la situation de blocage relatif à la prestation de serment des nouveaux ministres à l’issue du dernier remaniement. Au fait, La Kasbah sollicite les services consultatifs de ce tribunal pour statuer sur cette situation de blocage dans une tentative d’appuyer sa position contre celle du Chef de l’Etat.

En effet, le porte-parole du Tribunal administratif, Imed Ghabri, a confirmé que les services consultatifs du T.A. ont reçu, lundi dernier, une correspondance de la part de la présidence du gouvernement portant sur le blocage relatif à la prestation de serment des onze ministres approuvés par l’Assemblée des représentants du peuple. Insistant sur le rôle consultatif du TA, il a affirmé que la justice administrative donnera son avis après consultation de ce dossier. Mais quelle valeur légale ou judiciaire pour cette consultation ? Pour Imed Ghabri, les chambres consultatives du TA exprimeront leur avis quant à ce litige, «mais il ne s’agit, en aucun cas, d’une décision contraignante».

Sauf que le Président de la République Kais Saied avait anticipé ce recours au Tribunal administratif, en affirmant que le droit constitutionnel est au-dessus de toute autre législation ou pouvoir, rappelant qu’il était responsable du respect des dispositions de la Constitution.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Au fait, cette crise politique remonte au jour de vote de confiance au gouvernement Mechichi. Chargé par le Président de la République de former un gouvernement, Hichem Mechichi avait proposé une équipe gouvernementale apolitique, conformément à un compromis avec le Chef de l’Etat. Sauf que le jour même du vote de confiance en septembre dernier, les leaders du parti Ennahdha et Qalb Tounès avaient confirmé qu’un remaniement ministériel sera opéré pour politiser ce gouvernement, d’où la formation de la ceinture politique du gouvernement.

Une position qui avait provoqué le désarroi du Président de la République et qui s’était opposé à tout plan visant à changer le gouvernement après l’obtention de l’aval des députés.  «Il n’est pas question de faire passer le gouvernement, puis y introduire des modifications après une courte période», avait indiqué le Président de la République, la veille du vote de confiance au gouvernement Mechichi. Pour lui, «l’Etat tunisien et ses institutions doivent être placés au-dessus de tout calcul d’intérêts».

Mais cette position n’a pas empêché le Chef du gouvernement de procéder à ce nouveau remaniement ministériel sollicité par sa ceinture politique, notamment Ennahdha et Qalb Tounès. Un pas qui a provoqué une crise inédite dans l’histoire du pays et qui risque de mettre à mal ses différentes institutions.

Même la Centrale syndicale n’est pas parvenue à débloquer la situation en se présentant comme médiatrice entre les différents protagonistes politiques. En effet, l’Ugtt avait appelé les ministres concernés par les soupçons de corruption à se retirer, un appel resté sans réponse puisque ces derniers ne se sont pas désistés et revendiquent toujours leur droit à entamer leurs responsabilités ministérielles.

Mettant en valeur le rôle national de l’Union générale tunisienne du travail, le Président de la République avait réitéré, récemment, son refus du remaniement ministériel, provoquant un blocage au sommet de l’Etat.

Au fait, pour Kaïs Saïed ce ne sont pas seulement ces soupçons de corruption qui posent problème, mais c’est tout le processus du remaniement qu’il juge inconstitutionnel.

N’empêche que face à cette situation de blocage, le Chef du gouvernement peut toujours compter sur sa ceinture politique. En effet, ce sont principalement Ennandha et Qalb Tounès qui soutiennent les choix de Hichem Mechichi, l’appelant à aller jusqu’au bout du processus du remaniement ministériel, et même à opter pour un passage en force en dépit de la position inchangée du Chef de l’Etat.

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