Solidar Tunisie avait publié, en 2019, un rapport portant sur l’évaluation de la moitié du plan quinquennal 2016/ 2020 ; une évaluation qui a trahi l’énorme écart entre les objectifs ô combien ambitieux, fixés dans ledit plan, et la réalité.

Si le plus grand souci, signifié via le plan de développement, consiste en l’instauration d’un nouveau modèle économique promettant une économie à coût moindre tout en garantissant un hub économique salutaire, il n’en demeure pas moins évident que la mission semble être quasi impossible, vu l’aspect plus que frêle du contexte économique sans oublier le manque de stratégies ciblées.

Dans le présent rapport, on examine de plus près l’ampleur des aspirations traduites par des projets colossaux souvent non-applicables, d’une part, et les orientations à prendre pour exploiter comme il se doit le potentiel tunisien dans différents secteurs, en pariant sur deux challenges : hisser le taux de croissance et augmenter le taux d’emploi.

Un décalage énorme

Mais avant tout, il convient de revenir sur les principaux objectifs dudit plan. Ce dernier table sur l’augmentation de la part du PIB destinée aux secteurs technologiques de 20% en 2015 à 30% en 2020, et de hisser la valeur ajoutée des secteurs exportateurs de 15% à 20%, tout en améliorant la productivité de 2,5%. Dans le présent plan, on aspire aussi augmenter le volume des IDE de 80% et les investissements publics de 50% ; soit l’augmentation du taux d’investissement à 25% en 2020. Par ailleurs, la promotion des échanges commerciaux internationaux se veut plus rentable grâce au ratio d’exportation de 42% en 2020.

Face à ces objectifs, et selon les indicateurs relatifs à 2018, la réalité s’avère être nettement moins « euphorique ». A mi-chemin dudit plan, le taux de croissance du PIB est de seulement 1,8%. Le taux d’investissement ne dépasse pas les 18,8%. Quant au taux d’épargne, il est de 9,6% contre 18% fixés dans le plan. A défaut d’investissements suffisants, la Tunisie n’a réussi à enregistrer que 109 mille emplois pour la période 2016/ 2018, alors qu’on aspire à gagner pas moins de 400 mille emplois au bout de cinq ans.

Pis encore, les projets envisagés ne trouvent aucune assise budgétaire ou logique. Aussi, aucune visibilité ne garantit-elle leur réalisation, surtout que la majorité des méga-projets sont ou en phase d’étude ou en phase de recherche d’éventuels financements !

Il faut dire que la Tunisie se trouve à la croisée des chemins : elle se doit de sauver son économie en modifiant savamment sa politique développementale et en misant sur son potentiel et sur les secteurs les plus prometteurs. Mais pour y parvenir, il lui est impératif de se délester de multiples obstacles entravant sa relance ; des obstacles qui forment une liste exhaustive. Dans le présent rapport, on pointe du doigt une réglementation hostile aux mécanismes des marchés, une capacité concurrentielle bien réduite, une logique de recherche de rentes, une qualité de services qui laisse à désirer, une productivité minime, une politique industrielle qui n’incite aucunement aux activités à forte valeur ajoutée et bien d’autres lacunes aux conséquences lourdes. Ainsi, la croissance économique et la création d’emplois deviennent les principales devises d’une stratégie nationale de sauvetage et de développement durable, car fondée sur des principes nouveaux et prometteurs. Dans le présent rapport, une série de pistes sont recommandées dans l’optique de donner aux différentes politiques sectorielles un souffle nouveau, au diapason des exigences actuelles et à même — surtout — de contribuer efficacement à l’augmentation de la croissance et de l’emploi.

Promouvoir les PME via le financement

En effet, sur le plan financier, monétaire et bancaire, l’heure est à la promotion des PME, qui assurent un potentiel d’embauche nettement plus élevé que celui des grandes entreprises. Aussi, les banques sont-elles appelées à instaurer un mécanisme de financement destiné aux PME tout en limitant le risque. De son côté, la Banque centrale doit, désormais, réussir le maintien de la stabilité des prix afin de réduire l’inflation. Elle doit aussi opter pour la méthode de refinancement d’une partie des crédits octroyés par des banques internationales au profit des entreprises œuvrant dans des secteurs prometteurs et garantissant une forte employabilité.

Pour ce qui est de l’industrie, il est important à souligner que son faible rendement revient aussi bien aux activités assurées par une main-d’œuvre non qualifiée et dont la valeur ajoutée demeure des plus faibles. D’où la nécessité désormais de miser sur l’innovation et sur la promotion des secteurs prometteurs, à même de garantir l’emploi des diplômés du supérieur et une valeur ajoutée nettement plus élevée. D’autant plus qu’il devient impératif de combler le déficit budgétaire, ainsi que les dettes internes et externes, en misant sur la réforme aussi bien de la politique que de l’administration fiscale, de manière à encourager à l’investissement dans les projets publics de priorité, notamment ceux pro-croissance et pro-emploi.

S’agissant de la politique commerciale, les recommandations sont orientées vers l’intégration de ce volet stratégique dans un cadre élargi, touchant tous les domaines. La Tunisie doit rompre avec l’échange aux principes statiques pour opter pour «l’alternance et le dosage de l’ouverture et du contrôle» et «instaurer des mesures non tarifaires plus strictes», et ce, afin de mieux contrôler l’importation des produits de consommation, susceptibles de nuire à la santé humaine, animale et végétale.

Secteurs novateurs et compétences

Les réformes qui urgent concernent aussi plusieurs secteurs, dont la rentabilité et l’efficience doivent être redoublées. Parmi les secteurs phares à booster, figure celui des services. En dépit de son importance, ce secteur demeure bien en-deçà des réalisations requises, et ce, en raison de la lourdeur des obstacles qui entravent son essor. Le secteur des services se trouve, en effet, accablé par une législation restrictive et par un déséquilibre au niveau du rapport qualité/ prix. Pis encore, il s’agit d’un secteur qui a trait aux secteurs stratégiques par excellence, notamment la santé, l’éducation, le transport, les télécommunications, ce qui enfonce le clou. Il convient donc d’améliorer la qualité des services et d’encourager l’investissement dans ce secteur.

S’agissant de l’industrie, les recommandations convergent vers la promotion des secteurs novateurs et prometteurs, et la rupture avec le modèle industriel désuet, fondé sur l’assemblage et la sous-traitance ; un modèle qui a cessé de porter ses fruits depuis 20 ans !

Place aux niches des produits prometteurs !

Par ailleurs, et en ce qui concerne l’agriculture, il devient plus que nécessaire de  substituer la production des produits continentaux peu concurrentiels et à faible valeur ajoutée, comme le blé, par la production des produits méditerranéens. Ces derniers sont caractérisés par un nombre important de main-d’œuvre, une exploitation nettement moins colossale des terres et une forte valeur ajoutée. Parmi les produits qui méritent le pari, figurent l’huile d’olive, les agrumes, les pêches, les figues, etc.

Outre la substitution des produits cultivés massivement, le secteur agricole peut devenir le point de départ d’une stratégie sectorielle, fondée sur le principe des niches de produits prometteurs. Il s’agit d’une approche qui ne cesse de prouver son efficacité à travers le monde. L’objectif étant de cibler les sous-secteurs à très haut potentiel ( comme les produits méditerranéens ),  d’établir une stratégie bien ficelée et de s’engager dans cette expérience en tablant notamment sur la collaboration plus qu’essentielle entre le secteur public et privé.

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