Clubs de lecture en Tunisie: Booking Mania

Ils s’organisent en communauté et ont émergé spontanément entre férus de lettres et de littérature classique et moderne, arabe, française et anglaise. Jeunes et adultes également : des clubs de lectures communautaires, privés ou actifs voient le jour dans des espaces publics. Les enfants sont initiés en bas âge, et le dialogue entre adultes, seniors et jeunes est établi dans des espaces d’échanges réels ou virtuels, dans un XXIe siècle marqué par la Toile et par les réseaux sociaux.

l’ère de l’information instantanée et brève, l’inconscient collectif dresse souvent un constat alarmant concernant le rapport de moins en moins fort des personnes aux livres et au papier : on lit de moins en moins, on achète de moins en moins de livres. Ce rapport au papier cède la place au contact avec les écrans, à l’ère où les tablettes, les smartphones, les applications, le PDF, et les réseaux sociaux explosent : les livres de qualité son boudés, jugés souvent chers. Mais au milieu de ce tourbillon décisif qui impacte directement la pérennité des livres, leur sacralité, cette passion pour le savoir est entretenue via des cellules de lecture, appelées couramment des clubs de lecture. Les plus actifs et visibles sont ceux qui sont dans l’air du temps : qui usent des plateformes en ligne, principalement d’Instagram, de Facebook et de Youtube pour assouvir leur existence dans le temps, fédérer leur audience, l’agrandir et consolider les échanges en ligne via vidéo, dans des groupes fermés ou à travers des commentaires et des échanges de livres. On assiste bel et bien à un Clubbing de lecture 2.0 pour tous les âges, de 7 à 77 ans : tout le monde peut y trouver son compte.

Des initiatives fructueuses

«Literaly» est l’un des groupes virtuels les plus actifs  du moment : il fédère plus de 2.300 membres autour d’une même passion : la lecture. Un groupe interactif  principalement visible en ligne via une adhésion à un groupe privé sur Facebook du même nom.

 Des publications en rapport avec la lecture, dans son sens le plus général, défilent d’une manière récurrente : en français, anglais et arabe. Les échanges et contenus se veulent multilingues, ouverts sur les civilisations et les littératures du monde. Les rendez-vous littéraires incontournables du moment y sont partagés afin de favoriser les échanges. Henda Bouzayen, sa fondatrice, est professeure d’anglais et a lancé l’initiative spontanément : la sauce a pris sur le long terme. Le groupe est désormais entre les mains de leurs lecteurs.

Mais la folie des clubs de lecture n’est pas récente : elle a accompagné de nombreux jeunes après le 14 janvier 2011. Des membres ont tiré profit de cette liberté d’expression acquise et en ont fait une cause noble.

Le Book club de Tunis est parmi les toutes premières initiatives qui ont vu le jour. Riche d’une large audience en ligne, il a soutenu bouquinistes, attiré plusieurs amis du livre, favorisé échanges et rencontres et s’est vu fréquenter et même lancer par des écrivains autrefois en herbe, devenus incontournables au fil des années comme Khaoula Hosni, Samy Mokaddem, Atef Attia et d’autres… Des écrivains tunisiens, qui font de la littérature de jeunesse pour un lectorat tunisien qui se veut ouvert sur le monde, universel. Deux d’entre ces écrivains cités ont fondé leur propre maison d’édition, « Pop Libris », et qui, eux-mêmes, tendent la main à cette jeunesse montante.  Ils organisent ventes, évènements littéraires, donation de livres, aide aux bouquinistes en péril.

D’autres clubs de lecture, comme celui de La Marsa,autrefois, ont organisé des évènements life-style, plus décontractés et insolites : ce club, dans diverses occasions, a organisé speed booking, baignades ou pique-niques littéraires. La tendance est également  entretenue d’une manière classique dans des lieux privés, publics, dans des librairies ou foires, et toujours via les réseaux sociaux, nécessaires dans le maintien de cet aspect communautaire. Ces réseaux servent même de socles à une jeunesse qui a soif de lettres et d’histoire. 

Plus de 11.200 membres sont présents sur l’un des groupes les plus anciens en la matière : «Les Bookers» qui, non seulement,  font office d’échange de culture et de book club, mais incitent les membres et les plumes méconnues et amatrices à écrire. L’échange des livres est de mise et la publicité pour des raisons personnelles est souvent chassée.

Les textes et écrits diffusés doivent être littéraires, les opinions politiques, religieuses sont acceptées avec des pincettes, à condition d’en parler dans un esprit d’ouverture, d’union, de partage. Les droits d’auteur des textes partagés en ligne sont du ressort des utilisateurs, responsables de leurs publications et écrits. Une base de données désormais large favorise l’essor d’autres cellules de «booking mania».

Le Nabeul Book Club a été actif et marquant. Ce noyau est la preuve même que cette activité peut voir le jour et perdurer en dehors de la capitale : il suffit de la maintenir avec une volonté collective de fer, entretenant ainsi  cette passion.

Balzac, Zola, œuvres russes, grands classiques français et arabes ont défilé au sein des réunions book à Nabeul. Une effervescence grandissante en ligne et en vrai. Les derniers rendez-vous se font dans un espace titré «Jeeleen Arts et Events Home». Le 14 février un débat autour de Kafka a passionné petits et grands. Plus de 25 clubs de lecture voient le jour sur le territoire tunisien, sans compter d’autres initiatives de lecture fermées. Il y en a beaucoup qui sont restés, et d’autres qui périssent. Par ailleurs, et face à la pandémie, la reconversion en ligne de la plupart de ces clubs s’est faite de la manière la plus aisée et pratique, fédérant toujours autant les passionnés du livre et cassant avec cette idée très présente, qui affirme que les jeunes d’aujourd’hui lisent moins. Ces clubs vont à contre-courant : ils luttent via leur passion à sacraliser le savoir.

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