Nous sommes en plein mois de Ramadan : sacré pour les uns, ventres creux pour les autres. C’est-à-dire pour le plus grand nombre, après la mise à plat de l’économie nationale, le démembrement de l’Etat de droit, les libertés que l’on croyait vraiment acquises (après des décennies de dictature), et pourtant, remises en question, et même confisquées, au fur et à mesure que l’on avance vers ces impitoyables élections qui ne disent rien de bon.
Neuf ans après cette fausse révolution qui nous est tombée du ciel, le bon peuple ne mange plus à sa faim et la machine humaine ne produit plus d’énergie. Cela sent l’usure et l’abandon de toute velléité d’action qui lui permettrait de remettre en marche son moteur grippé, faute de nourriture et de retour vers un bon état d’esprit. Oui,un esprit sain dans un corps sain.
Et au lieu de cela, la vie des Tunisiens, qui n’ont presque plus conscience de rien, est dictée par une sorte de pouvoir divin — un faux semblant de pouvoir et de divin — rythmant l’année par des manifestations excessivement religieuses qui nous préparent peut-être à un Etat islamique plus redoutable que ceux qui ont prévalu jusqu’à ce jour.
Et que remarque-t-on durant ce mois saint de Ramadan, ajouté au spectre de la famine dont sont victimes les jeunes chômeurs (pourtant bardés de diplômes !), les paysannes fourgonnées, comme du bétail humain, pour aller trimer dans les champs pour quatre sous ? Les vieux travailleurs qui mendient leur maigre retraite ? Les commerçants désabusés et qui ferment boutique ? Les bureaucrates qui baillent aux corneilles d’avoir trop veillé? Les retards dans les transports ? Les hôpitaux malsains qui grouillent de malades ?
Les ramdams sonores et les veillées tardives des jeûneurs qui s’empiffrent jusqu’à l’aube ? Les «fattaras» (plutôt ventres creux) que l’on «gestapote» de partout ?
Singulière Tunisie, dont les citoyens n’ont plus le droit même de disposer de leur propre vie, de vivre comme ils l’entendent, avec un «traité social» à l’appui, voté et reconnu à l’ARP et que l’on a bafoué purement et simplement.
J. Jacques Rousseau s’interrogeait déjà sur ces magistrats (malfaisants) qui avaient droit de vie et de mort sur les citoyens, selon les humeurs de leur souverain (mais lequel dans notre pays ?). Il disait : «A-t-on jamais dit que celui qui se jette par une fenêtre pour échapper à un incendie soit coupable de suicide ?».
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