L’entreprise autrement | Processus grippé, rêve brisé (VI)

L’omelette, appelée « Révolution tunisienne » a nécessité une montagne d’œufs et chaque unité utilisée a nécessité d’énormes sacrifices et nous a été fournie à prix d’or. Très peu d’acquis qui risquent de partir en fumée mais de lourdes pertes.

Tuer la poule aux œufs d’or. Tel est par ailleurs notre génie national, responsable pour une grande part de l’échec de la « Révolution ». Ici, tout et maintenant, résume une attitude commune à tous,  devenue comportement collectif et, chose grave,  à tendance suicidaire.

Attitudes et comportements  qui trouvent  leur explication dans la perte de confiance totale dans l’Etat et dans ses politiques publiques qui accumulent échec après échec depuis de longues décennies, mais aussi dans une seconde nature du Tunisien qui n’a jamais eu confiance dans l’avenir ni dans ses dirigeants . « Sers-toi le premier,  même s’il s’agit d’une raclée »,  dit notre proverbe.

Antagonistes de cette guerre civile à peine voilée qui secoue le pays, des populations qui n’ont aucune attente en dehors de celle leur permettant de survivre, de minables personnes assoiffées de pouvoir, des « chercheurs d’or » gonflés de cupidité, des formations idéologiques d’un autre temps voulant coûte que coûte concrétiser leurs idéaux.

Et aussi, opportunistes du type grenouilles voulant devenir bœufs, aventuriers de tout acabit, criminels politiques et économiques cherchant à se soustraire aux punitions, et antagonistes de taille, que certains et ils sont nombreux, essayent d’occulter,  la tête du régime déchu, avec ses multiple tentacules  cherchant  à prendre sa revanche, pire à se venger, etc.   

La liberté, grand acquis de la « Révolution », s’est, hélas, rapidement transformée en quasi-anarchie, alimentant conflits et violences, donnant ainsi naissance à une forte angoisse généralisée. L’avenir est ainsi devenu rapidement  flou puis confisqué par tant de déceptions. A défaut de liberté et de dignité, le peuple, tout comme l’économie souffrent aujourd’hui d’une grave dépression.  Face aux fortes  attentes, doublées de revendications pressantes,  d’un peuple voulant vivre décemment, l’Etat est faible, pauvre et rongé par la corruption, avec des gouvernements timorés, sans vrais programmes  et instables, un personnel  pour la plupart d’entre eux incompétents.

A force de vouloir éviter de retomber dans la dictature, l’on a été frappé de passivité, pire paralysés.  Et l’Etat est devenu l’otage de ceux ont su manier, à merveille, le racket. Par ailleurs et à force de vouloir récolter des voix, les politiciens ont plongé le pays dans le populisme et la manipulation des foules.Et la colère, puis la peur, qui s’est rapidement installée partout et chez tous, ont été le premier grand obstacle devant  toute action réfléchie et planifiée pour un changement positif. Laquelle action a, en effet, laissé sa place à la réaction, impulsive et intempestive souvent sous une forme qui ne peut être que destructrice.    

Le Tunisien a, en effet peur, plus que jamais, pour lui-même, pour son avenir, pour les siens, pour ses biens s’il en a, et pour le pays et cela dure depuis fin 2011 et jusqu’à aujourd’hui. Il exprime aussi sa colère parfois d’une manière violente. Et chose très grave, il est devenu habité par le rêve de quitter définitivement  le pays et certains font tout pour réaliser ledit rêve le plus tôt possible.  Résultat, un pays en décomposition, qui n’arrive plus à résoudre ses problèmes tant l’attentisme et l’esprit d’assisté sont devenus la seconde nature du Tunisien  et un Etat qui n’arrive même plus à payer ses fonctionnaires, que dire de financer le développement, sauf   en contractant dettes après dettes.

La situation est devenue encore plus infecte à cause des énormes dégâts, tous genres confondus, occasionnés par une réaction totalement erronée face à l’apparition, à nos portes début mars 2020, de la pandémie du Covid-19 et qui ne peut être qualifiée que de  vraie panique.

Comportement  qui est le fruit de décisions prises dans des conditions très difficiles avec, à l’horizon, la faillite totale qui risque d’emporter le pays. Situation elle-même due à plus de 60 ans de tâtonnements, d’improvisations et d’immaturité.

Cette nouvelle donne  va,  par ailleurs, rendre  toute analyse de la décennie 2011-2021, encore plus difficile à réaliser, surtout avec la survenue d’une crise politique sans précédent, qui semble s’éterniser entre les deux têtes de l’exécutif, un pouvoir judiciaire qui croule sous les affaires et une cour constitutionnelle qui tarde à voir le jour. L’évaluation d’une année Covid-19 semble, elle aussi, absente des préoccupations des décideurs.

Bref, une situation alarmante au vu  de la faillite à la fois morale, intellectuelle, politique et sociale qui est en train de nous livrer pieds et poings liés à la faillite économique et à la perte  de notre souveraineté, et dont les causes remontent à plus de 65 ans. Avant le 14 janvier 2011, nous étions au bord du précipice, nous avons avancé, depuis.   

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