L’Art Rue présente « Métamorphose #1 » de Essia Jaïbi : Explorer le champ des possibles

Une figuration narrative et expérimentale qui explore différentes pistes, rend fines les frontières entre les arts, crée une sorte de mise en abîme et vient, ainsi, réhabiliter l’aspect vivant des arts de la scène.

Dans le cadre de la programmation digitale « Dpdw » de l’association L’Art Rue, nous a été dévoilée, le 26 février dernier en live Facebook, la nouvelle création de Essia Jaïbi, produite lors d’une résidence d’artiste. Intitulée « Métamorphose #1 », elle inaugure une série de performances qui explore l’idée du changement à la lumière du contexte actuel et à travers la réinterprétation de mythes fondateurs.

Le travail est présenté par sa créatrice comme « Une fausse vraie performance vivante et virtuelle » dans laquelle elle partage la scène avec Med Osman Kilani. La scénographie et les costumes sont signés par Selima Ben Chedli.

Pour « Métamorphose #1 », elle invoque le duo Echo et Narcisse les confrontant dans un espace limité par le cadre de la caméra… Le travail vient figurer, à bien des égards, les mutations que nous vivons ou subissons, actuellement insufflées, entre autres, par la pandémie du coronavirus et ses conséquences.

Narcisse (Osman Kilani) et Echo (Essia Jaïbi) se donnent la réplique face à face sur une scène (5/3,5 mètres) contrastée, délimitée horizontalement en deux espaces (à la caméra cela donne un effet split-screen). Lui, baignant dans une eau tout en reliefs, faite de bouts de plastique bleu et, elle, évoluant sur un tapis de verdure et de fleurs. L’on assiste, en direct, à leurs métamorphoses contemporaines (dans une version 2.0 du mythe), communiquant via texto et smartphone, le tout capté par une caméra plongeante (placée en haut). Pour ce qui est du récit, celui que propose Essia est plus réconciliant, portée par un élan de passion et de vie, Echo finit par trouver écho à sa voix auprès de Narcisse. Les frontières abolies, ils finissent par se rejoindre dans une ultime danse…

Une nouvelle approche scénique qui donne toute sa force et son éloquence à cette performance, de près de 16 minutes, que vient accompagner en boucle un fragment de 5 minutes, tiré d’un magnifique Mix du Tunisien Omar Aloulou, avec en leitmotiv, la phrase inaugurale «Tout art a pour but la liberté». La métamorphose se fait sentir et dans la forme et dans le fond : invoquer l’intemporel des mythes pour questionner nos réalités actuelles, invoquer le digital, le cinéma, les arts visuels pour se jouer des codes. L’on pourrait presque parler d’une œuvre d’art totale qui fait se rencontrer différentes esthétiques. Une figuration narrative et expérimentale qui explore différentes pistes, rend fines les frontières entre les arts, crée une sorte de mise en abîme et vient, ainsi, réhabiliter l’aspect vivant des arts de la scène.

«Ce travail repose sur deux axes et explore différentes métamorphoses en rapport avec un contexte social et politique au niveau local et international. Le premier axe est lié aux changements qui sont en train de survenir, cela nous a ramenés à l’idée des mythes qui sont toujours d’actualité. Le deuxième axe est celui de la forme, du traitement scénique avec l’idée de contextualiser le mythe», explique Essia, lors d’une conversation qui a suivi la représentation et qui était modérée par Hajer Boujemaa et Haïthem Haouel.

Ces nouvelles pistes explorées sont celles du digital qui s’est imposé depuis la pandémie comme l’Alternative invoquée par tous. A la question du rapport spectateur/digital posé par H. Haouel, la metteuse en scène explique que le digital fait, justement, partie de ces métamorphoses. «Le digital oui ! Mais en l’interrogeant, en jouant avec et en apprenant à l’employer comme outil de création et non uniquement comme support», poursuit-elle.

Cette nouvelle approche scénique a présenté différents défis à ses protagonistes, ces derniers ont appréhendé la scène comme un espace de jeu. Un nouveau rapport à l’espace s’est établi avec la prise en considération du cadre de la caméra et les exigences techniques du format digital.

A la question de la rentabilité du digital, abordée par Hajer Boujemaâ, Essia a insisté sur l’importance de créer un écosystème complet et approprié.

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