« Mall Integrity » ou forum d’intégrité, cette manifestation annuelle que l’ONG nationale « I Watch » a eu l’initiative d’organiser après la révolution, est quasiment consacrée à la thématique de la corruption dans toutes ses formes. Exceptionnellement, à cause de la pandémie, sa 5e édition aura lieu, cette fois-ci, à distance, mais interactive. Pourquoi la guerre anticorruption, la vraie, n’a-t-elle pas encore été déclarée. 

Le débat en ligne s’ouvrira, à partir d’aujourd’hui samedi, pendant deux jours, sur le site réunion.tn, auquel s’invitent plusieurs intervenants, issus d’horizons divers, pour se pencher sur un phénomène aussi galopant et ravageur que la corruption. Soit un danger bien réel qui continue à ronger le corps de l’Etat et l’administration tunisienne. Au total, une dizaine de questions y étroitement liées seront remises sur le tapis.

Sous nos cieux, corrupteurs et corrompus courent toujours, sans scrupule. Dans l’impunité totale. Pourtant, aucun gouvernement n’a osé prendre son courage à deux mains pour juguler ce mal que l’on n’arrive pas à éradiquer. Bien que des affaires louches et des marchés suspects soient conclus au grand jour. D’autres s’arrangent tacitement, avec mille et une manières bien détournées. Parlons-en ainsi, la lutte contre la corruption semble d’autant plus rude et acharnée que la guerre antiterrorisme. Car, au-delà des personnes, les doigts sont pointés vers tout un système de malversation et de mauvaise gouvernance. Tous les indices montrent que le tribut est assez lourd. L’ex-président de l’Inlucc, lui, limogé par l’ancien chef du gouvernement Elyes Fakhfakh pour des soupçons de corruption, Chawki Tabib, avait déclaré que le coût en Tunisie est estimé à plus de 50% du PIB. Soit un manque à gagner qui aurait dû renfler la caisse de l’Etat et propulser la dynamique du développement dans plusieurs régions.

La corruption frappe de plein fouet

Cette hydre si tentaculaire n’a épargné aucun secteur. Justement, cinq intervenants évoqueront ses retombées sur la santé publique, créant, de la sorte, une vraie crise au sein de nos hôpitaux. Ce qui a gravement affecté les équilibres matériels et financiers des services de soins. A cela s’ajoutent, bien évidemment, la pénurie quasi-persistante des médicaments et la migration d’un grand nombre de médecins. Lors de ce forum virtuel, l’accent sera également mis sur les perspectives de réforme et des solutions qu’il faut apporter à la santé. Monopole et économie de rente, deux thèmes à traiter, et dont l’un dépend de l’autre, comme deux faces d’une même pièce. Chacun d’eux se limite à amasser le butin et réaliser ses propres profits. Autre secteur, aussi, jugé corrompu, celui des médias. Leurs liaisons « dangereuses » avec des lobbies politiques ont, visiblement, inversé la tendance. Faute d’objectivité et d’intégrité, certaines entreprises de presse ont failli à leur rôle essentiel qu’est l’information. Celles-ci se mêlent, gratuitement, aux joutes politico-partisanes. Et parfois, elles se passent pour des alliées  et des opposantes. Sur la scène, il y en a plein d’exemples édifiants. Sur ce thème vont débattre un membre de la Haica et des patrons des médias, mais pas des journalistes les représentant. Ces derniers ne sont, dans des cas, que des courroies de transmission. Et parfois des boucs émissaires, à tort. 

Dénonciateurs, victimes de la vérité

Autre thématique et non des moindres, « la classification des informations et la limite de leurs secrets dans le secteur de la défense». Certes, il existe bel et bien une loi d’accès à l’information dont le contenu demeure encore controversé. Et les réserves émises contre certains points litigieux dont l’accès aux  données sécuritaires et militaires n’ont cessé de nourrir la polémique. Et là, on ne sait pas quelle donnée peut-on considérer comme un secret dont la divulgation menace la sûreté de l’Etat. Par ailleurs, MM. Ramy Salhi et Badreddine Gammoudi, respectivement directeur de l’Euromed du Maghreb à Tunis et président de la commission parlementaire chargée de la lutte contre la corruption, auront à répondre à la question qui leur taraude l’esprit dix ans après la révolution : « Crise d’un système ou de gouvernance ?». Encore une fois, la fameuse loi 52 portant sur la consommation des stupéfiants revient au débat, tout en focalisant sur ses causes, ses conséquences et les alternatives à proposer. I Watch l’a inscrite à l’ordre du jour de cette édition, de par le bruit qu’elle a suscité depuis l’initiative de son amendement en 2017. Jusqu’alors, cette loi est jugée liberticide et anticonstitutionnelle. De la même ampleur, l’impact de la corruption a également touché l’art et culture, la sécurité informatique et bien d’autres métiers de demain.

Dans la foulée, l’Inlucc a célébré, hier, à son siège aux Berges du Lac dans la banlieue nord de la capitale, la Journée nationale du dénonciateur de la corruption, sous le signe « Dénonçons la corruption, protégeons le pays ». Bien qu’il y ait une loi en vigueur, ces lanceurs d’alertes ne sont guère à l’abri de la violence et du harcèlement. Dire la vérité sur un tel ou tel dossier suspect relève, aujourd’hui, de grande aventure. Dans tous les cas de figure, l’Etat semble n’avoir ni la volonté de contenir le fléau de la corruption ni le pouvoir de protéger ses dénonciateurs. Du reste, ce « mall integrity » aura-t-il à apporter les solutions appropriées ?

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