Une nouvelle cargaison de déchets présentant des « aspects graves » bloquée au port de Salerne en Italie

Environ 600 conteneurs de déchets destinés à une cimenterie tunisienne pour la production de combustibles alternatifs, ont été bloqués par les autorités italiennes, après la détection « d’aspects graves », à Salerne, port ayant déjà servi à l’acheminement de conteneurs de déchets ménagers vers la Tunisie, a indiqué à l’agence TAP, une source tunisienne proche du dossier.

Alors que l’affaire des 282 conteneurs de déchets importés illégalement, d’Italie en 2020, n’a pas été définitivement résolue, les autorités italiennes dans la province de Campanie, déjà embarrassées par cette affaire, ont détecté « des aspects graves, heureusement découverts à l’avance » dans ce nouveau trafic entre les deux pays, selon une correspondance d’une conseillère régionale de cette province (côte sud-ouest de l’Italie), a précisé la même source, qui suit de près l’affaire du commerce « illégal » de déchets entre l’Italie et la Tunisie.
La réglementation européenne oblige les Etats membres à contrôler chaque chargement de déchets à transporter et sanctionne toute infraction, rappelle cette conseillère régionale de Campanie, Maria Muscara, sur son blog personnel.
« Il convient de noter qu’une autre société en Campanie, avait demandé une exportation supplémentaire de déchets non dangereux code « Cer 191210  » (déchets combustibles ou RDF: déchets consacrés à l’incinération ou co-incinération), vers la Tunisie pour une autre usine de valorisation située dans un autre lieu (….) « , lit-on dans cette correspondance, dont une copie est parvenue à l’Agence TAP.
« Un préavis de rejet de la demande d’exportation a été communiqué et les faits ont été rapportés aux autorités judiciaires compétentes italienne et tunisienne », selon le même document.
Importation autorisée par l’ANPE
A préciser que l’importation de combustibles alternatifs d’Italie, avait été autorisée par le ministère des Affaires Locales et de l’Environnement, à travers l’Agence nationale de protection de l’environnement (ANPE).
« Bien que le recours aux combustibles alternatifs, soit une aubaine pour la transition énergétique des cimenteries tunisiennes, leur importation n’est pas la solution idéale, car elle ne résout pas le problème de l’accumulation des déchets en Tunisie, mais plutôt les problèmes des pays européens, dont l’Italie, d’autant plus que le choix de les produire localement est possible », selon Hamdi Chebâane, expert en gestion de déchets.
En effet, en Tunisie, un système pilote de traitement des déchets solides municipaux (DSM), destinés à la production du combustible solide de récupération (CSR ) par le séchage biologique, a été déjà mis en place par une société tunisienne, au sein de la Faculté des sciences de Sfax.
En 2014, l’ANPE avait donné son feu vert pour la réalisation d’un projet de production de combustibles alternatifs au sein de la décharge contrôlée de Zaghouan. Il s’agit de produire du RDF qui fait référence à des combustibles solides, préparés à partir de déchets non dangereux, mais le projet est toujours bloqué par l’ANGED, selon son promoteur, Mohamed Dalbah.
Dalbah estime par ailleurs, qu’une seule cimenterie en Tunisie est prête à utiliser ces combustibles alternatifs. Les 8 autres cimenteries devraient auparavant adapter leurs fours à ciment, à cette alternative ».
Ceci pourrait poser un problème de stockage de combustibles alternatifs provenant de l’Italie, en Tunisie, étant donné l’incapacité actuelle de la plupart des cimentiers, de les utiliser.
A ce sujet, Chebâane s’interroge « pourquoi, être le dépotoir des déchets des pays européens, destinés à produire des combustibles alternatifs, alors que 1 million de tonnes de grignons d’olive, produit chaque année en Tunisie, peut servir à cet effet? ».
En Tunisie, un travail de fond a été fait depuis 2016, pour la production des combustibles alternatifs à partir des déchets, sur le plan règlementaire et au niveau des cimenteries tunisiennes. Le décret 2010-2519 a été amendé pour ouvrir la voie à l’utilisation des combustibles alternatifs, mais rien de concret n’a été réalisé pour créer une véritable filière de valorisation des déchets.
La version amendée de ce décret aligne les limites d’émission de polluants atmosphériques issus de la combustion, sur les valeurs européennes et permet ainsi, de développer davantage la production des combustibles dérivés de déchets, par les fours à ciment en Tunisie.
Au niveau des cimenteries, les industriels tunisiens ont signé, le 16 avril 2019, la charte sur le développement durable et la responsabilité sociétale, qui prévoit l’exploitation de nouvelles énergies et des combustibles alternatifs produits à travers la valorisation des déchets.
Cette nouvelle approche visait l’amélioration de la compétitivité du secteur et la réduction du coût d’importation du Pet coke (un combustible solide pour centrales thermiques ou cimenteries comparé au charbon) estimé à 350 millions de dinars en 2019.
« Le secteur a besoin d’importer les combustibles alternatifs pendant la période de mise en place de l’activité de valorisation, et ce, en vue de démarrer immédiatement la formation et la maîtrise du processus dans les cimenteries selon les meilleures pratiques d’utilisation de ces combustibles », avait déclaré, à l’époque, l’expert auprès de la GIZ, Seif Derouiche.
Malheureusement, la Tunisie a opté pour l’importation, sans développer une filière de production de combustibles alternatifs.
De son côté, « l’Italie semble avoir des stocks de RDF et en exporte une partie, faute de débouchés suffisants pour la valorisation énergétique sur place », selon une analyse des combustibles solides de récupération en Europe, accessible sur le lien suivant: https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/directions_serviees/etudes-et-statistiques/Analyses/2019-02-analysecombustiblesolidesrecuperation.pdf.
Pour mémoire, le scandale d’exportation illégale de déchets italiens vers la Tunisie, a mené à des poursuites judiciaires contre 26 personnes en Tunisie, y compris des cadres de la douane et l’ancien ministre de l’Environnement, Mustapha Aroui. Huit personnes sont en prison et une autre est en fuite: le gérant de la société importatrice.
Ces déchets ménagers, dont l’exportation est interdite par la législation tunisienne et par les conventions internationales, se trouvent toujours, au port de Sousse depuis l’été 2020.
Pourtant, les autorités de la province italienne de Campanie ont sommé la société italienne exportatrice de récupérer ses conteneurs dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter du 9 décembre 2020.

L’agence TAP a tenté en vain, de contacter le président de la chambre nationale des producteurs de ciment, Andrea Salinelli et Salah Mhamdi, secrétaire général de la chambre, pour des éclairages sur ce sujet.

Laisser un commentaire