La nouvelle démocratie électorale moderne: Le scrutin à vote multiple digitalisé

Par Taoufik Touil

Le système électoral actuel entre défaillance et échecs épouvantables

La Tunisie post-révolution 2011, et malgré trois élections législatives, deux présidentielles et une élection municipale, est plongée dans des déchirements politiques et crises socioéconomiques assez critiques et sans précédent. Pourquoi ? Pourquoi nos élus ne sont pas parvenus à développer le pays et réaliser les rêves des jeunes pour l’emploi, la liberté et la dignité ?

Les Tunisiens sont trop inquiets du fait que leur pays n’arrive pas encore à trouver son équilibre. Leurs attentes électorales d’apporter de solutions aux problèmes socioéconomiques des citoyens, au développement de régions et donner espoir aux générations de la révolution se sont échouées. Pire encore, le pays sombre dans une série de crises et d’échecs consécutifs. Causant des déficits budgétaires publics inédits et un endettement colossale l’Etat, au point de menacer, à moyen terme, la souveraineté de la nation. 

Est-ce la faute des Tunisiens, incapables de sauver leur pays ? Est-ce du fait du mode de scrutin  adopté durant les six élections précédentes ?  C’est la question pertinente  à laquelle notre étude est consacrée.

• Le scrutin piège à vote unique

En Tunisie, la loi électorale n° 2014-16 du 26 mai 2014 relative aux élections et référendums telle que modifiée et complétée par la loi n° 2019-76 du 30 août 2019 attribue à l’électeur tunisien le droit de voter en choisissant un seul et unique candidat. En effet, les dispositions de l’article 108 de la loi stipule : «L’électeur choisit l’une des listes de candidats sans biffage ni modification du classement des candidats» C’est dire que l’électeur n’est autorisé de s’exprimer que pour un seul et unique candidat, quels que soient le nombre de candidats et les programmes électoraux. C’est dire également la privation d’électeur d’émettre son opinion politique personnelle à l’égard de l’ensemble des candidats aux élections. En conséquence, le taux de participation aux élections en 2011, en 2014 puis en  2019 est de plus en plus faible et un taux d’abstention de plus en plus élevé. De coup, les résultats des suffrages des dernières élections législatives du 6 novembre 2019 ont révélé une faible majorité à l’ARP de l’ordre de 24%. Ne représentant que 10 % de la masse des électeurs tunisiens inscrits au registre national de l’Isie, puisque le taux de participation était de 41,7 % ! C’est-à-dire  que 90 % des Tunisiens ne sont pas concernés par cette fausse représentation. Une fausse majorité qui est, de l’avis de tous les experts et observateurs, à l’origine de toutes les crises politiques et les échecs économiques du pays. C’est le résultat inévitable d’un scrutin à vote unique. Le scrutin piège. Un scrutin piège outil d’une démocratie de forme, qui  viole les fondamentaux de la démocratie.

Il est fortement prévisible qu’une nouvelle aventure électorale au scrutin à vote unique donnerait inévitablement une nouvelle fausse majorité, qui plongera définitivement le pays dans une impasse politique et sociale imprévisible. C’est dire l’urgence d’arrêter l’application de cette démocratie électorale déficitaire et repenser une nouvelle démocratie électorale moderne rapportant une  majorité consistante qui sera réellement représentative des électeurs. 

• Le nouveau mode du suffrage universel à vote multiple digitalisé SVMD

Le suffrage universel au scrutin libre et démocratique est un droit intact protégé par le texte suprême de la constitution. Ce droit civique entier et absolu devrait être garanti par l’application  démocratique.  Et il ne devrait en aucun cas être réduit ou minimisé. Par voie de conséquence, le mode du suffrage, les conditions de candidature, le mode de scrutin et toute technique directe et/ou indirecte appliquée dans le processus des élections devraient être en mesure de garantir ce droit universel et constitutionnel. Tout choix injuste  au niveau du mode du suffrage et/ou de candidature constitue une atteinte à la démocratie, et un risque majeur pour l’avenir de la nation.

Paradoxalement, dans le scrutin à vote unique, l’opinion non favorable de l’électeur n’est pas prise en compte dans les résultats des suffrages, puisque le vote non favorable n’est pas prévu dans  le bulletin de vote. L’électeur ne peut exprimer qu’un vote favorable par ‘’oui’’ mais jamais le vote non favorable, tel que le vote par ‘’non’’, par ordre de préférence, par vote partiel, ou par  abstention. Ce qui revient à limiter le choix de l’électeur et le priver de son droit  absolu, en tant que citoyen,  de s’exprimer sur tous les candidats. Une situation inconstitutionnelle puisqu’elle constitue une atteinte  à sa liberté de choisir et d’exprimer  son opinion  à l’égard de tous les candidats.

L’objet de ce travail de recherche était de trouver le mode de suffrage le mieux représentatif des électeurs. Comment le citoyen pourrait-il choisir ses élus de la manière la plus démocratique, conforme à ses attentes politiques, économiques et sociales ? Comment remplir son bulletin de vote en toute sécurité ? Ce questionnement pertinent était  l’objet fondamental de notre travail de recherche, en vue d’instaurer une démocratie électorale moderne à participation inclusive.

• Les attributs de la nouvelle démocratie électorale moderne et ses acteurs principaux

L’acteur principal est incontestablement l’électeur lui-même. Ainsi que la qualité et l’innovation des programmes électoraux des candidats aux élections. C’est pourquoi nous avons pensé à modifier le cœur du processus de l’opération électorale, par le biais de la mise en place d’un mode de suffrage où  l’électeur est roi. Roi pour évaluer les programmes électoraux de tous candidats aux élections. Repenser le nouveau mode de suffrage inclusif permettant de mettre en valeur les opinions, toutes les opinions de tous les électeurs. C’est-à-dire comment l’électeur procédera-t- il pour choisir, librement, ses candidats dans son bulletin de vote ?  Sans risque de négliger son opinion politique, ou d’abandonner une portion des électeurs. Autrement dit, repenser à inventer un nouveau mode de suffrage à vote multiple.  Moyennant une solution scientifique fondée sur des notions mathématiques. En utilisant des moyens de calcul évidents et de critères d’évaluation objectifs permettant au peuple d’exercer souverainement son pouvoir. Il s’agit du scrutin à vote multiple digitalisé tel qu’il est développé et détaillé dans notre travail de recherche.

• Le vote multiple et  le choix de candidats par ordre de vote

Le scrutin à vote multiple digitalisé SVMD consiste à permettre à l’électeur d’exprimer son opinion politique personnelle à l’égard de tous les candidats aux élections. Le SVMD donne à l’électeur le droit d’évaluer tous les candidats sans exception. L’électeur les évalue, dans son bulletin de vote, suivant leurs programmes électoraux pour l’économie, la santé, l’éducation, la culture, l’environnement, la sécurité, etc. Il choisit ses candidats par ordre de vote. L’électeur vote pour tous les candidats dans un ordre de vote. Il les classe dans son bulletin de vote, indépendamment du nombre de sièges de la circonscription à pourvoir par les élections.

• Le mécanisme du scrutin à vote multiple digitalisé, notamment les conditions de candidature, le support du bulletin de vote et les critères d’évaluation des candidats 

Le mécanisme de cette nouvelle invention portant  scrutin à vote multiple digitalisé repose sur cinq nouvelles propriétés, à savoir la forme de la candidature, le mode du suffrage, le bulletin de vote  digitalisé, les mesures d’évaluation des candidats et le calcul des résultats des suffrages. En effet, la forme de candidature peut être individuelle ou par liste ouverte de candidats. De façon que le candidat est libre de présenter son programme électoral dans le cadre d’une liste de candidats, s’il parvient à s’entendre avec le programme électoral d’autres candidats, ou de se présenter individuellement. 

Le mode de suffrage : l’électeur déclare son choix politique en évaluant tous les candidats par voie de vote multiple. Il fait son choix en les classant dans un ordre de vote successif. Il les classe suivant son choix, sa préférence et son évaluation de leurs programmes électoraux relatifs à l’économie, l’agriculture, la santé, l’éduction, l’environnement, etc. Il est libre de voter pour autant de candidats qu’il souhaite dans son bulletin, abstraction et indépendamment du nombre de sièges à pourvoir par les élections.

Le bulletin de vote : le bulletin de vote est numérique, moyennant un écran tactile. L’électeur choisit son ou ses candidats par une simple touche tactile sur l’emblème de (s) candidat (s). L’ordre de vote de candidats dans le bulletin de vote s’effectue numériquement. 

Les mesures d’évaluation des candidats : chaque candidat est évalué suivant deux critères, à savoir le critère du score de son classement dans les bulletins de vote  et celui du quota des électeurs ayant voté pour lui.

• Le score de classement (SC). Le  candidat obtient un score de  classement calculé suivant son ordre de classement dans le bulletin de vote. Score numérique allant de zéro (pour le candidat non voté et donc non classé) jusqu’au score maxi qui correspond au nombre total de candidats (pour le candidat voté et classé premier). Le candidat classé deuxième obtient le score maxi moins un (1). Et ainsi de suite jusqu’au dernier score attribué au dernier candidat dans le classement.

• Le quota des électeurs (QE). Le candidat obtient un quota correspondant au nombre des électeurs  ayant voté pour lui dans la circonscription.

– La méthode du calcul des résultats
de suffrages
 

Les résultats des suffrages universels à vote multiple sont calculés suivant les deux critères du suffrage susmentionnés. En l’occurrence  le critère du score de classement et celui de la représentation électorale obtenus par chacun des candidats. Ces deux critères qui forment le système d’évaluation comparatif entre les candidats de la même circonscription sont exprimés en deux indices :

• L’indice de suffrages du candidat par score de classement (ISC).  Il est égal  à la division du score  de classement du candidat par  le score général  de ladite circonscription. Le score général de ladite circonscription (SG) est la somme de tous les scores obtenus par tous les candidats de ladite circonscription. ISC =  SC / SG.

• l’Indice de suffrages du candidat par quota (ISQ).Il est égal  à la division du quota du candidat par  le nombre total des électeurs inscrits  dans ladite circonscription (TEI ).ISQ = QE /TEI.

La moyenne de deux indices de suffrages constitue le résultat de suffrages par candidat.

D’où le résultat de suffrages par candidat = {ISC + ISQ}  / 2 x 100 .

Ce résultat de suffrages est exprimé en nombre de points. Le candidat ayant le nombre de points le plus élevé remporte tous les sièges. Et ce par l’application du mode de scrutin majoritaire, puisque chaque candidat a été doublement évalué par 100% des électeurs.

– Le nouveau mode du suffrage universel comptabilise la totalité  de 100% des opinions des électeurs inscrits

L’électeur est libre de ne choisir aucun candidat.  Il est électeur sans candidat. Il remet dans l’urne son bulletin de vote blanc. Lequel bulletin blanc, avec zéro score de classement pour tous les candidats, sera légalement comptabilisé comme tout autre bulletin. Par conséquent, tout vote blanc est comptabilisé dans les résultats de suffrages. Y compris celui des électeurs abstentionnistes qui ne votent pas le jour des élections. Parce qu’ils ne sont représentés par aucun candidat.  Ces électeurs sans candidats sont également comptabilisés comme étant des électeurs potentiels ayant choisi librement le vote de sanction. Il en résulte que le scrutin à vote multiple comptabilise toutes les opinions de tous les électeurs inscrits dans le registre national des électeurs, y compris celles exprimant le vote blanc et le vote de sanction. Le SVMD enregistre la voie de tous les électeurs inscrits dans le registre de l’Isie sans aucune exception ni restriction. Soit le 100 % de la masse des électeurs de la nation.

– L’urne ainsi que le bulletin de vote en support papier sont maintenus en mode digital

En parallèle avec le bulletin numérique, une impression papier du bulletin sera éditée au moment du vote. Il servira à l’électeur de vérifier son vote avant de le déposer dans l’urne.  Également, les bulletins de vote en support papier serviront, le cas échéant, aux examinateurs des élections pour  recoupement du comptage des voies lors du résultats des suffrages. En somme, un suffrage universel libre, direct, économique, sécurisé et transparent.

– Les avantages multiples du scrutin à vote multiple digitalisé.

Le SVMD permet de dépasser tous les inconvénients du scrutin à vote unique manuel, les réparer, en tirant des avantages multiples de l’exercice du suffrage universel.  Des avantages aux niveaux politique, économique, t social, à savoir :

1- Toutes les opinions personnelles politiques de tous les électeurs inscrits sont exprimées dans le suffrage universel. D’ou un taux trop élevé de participation active aux élections.

2- Tous les candidats aux élections sont évalués et jugés par tous les électeurs inscrits au registre national des élections. D’où les opinions de vote de 100% des électeurs inscrits sur le registre sont comptabilisées dans les résultats du scrutin. 

4- La candidature peut être individuelle ou par liste de candidats. D’où la valorisation de la qualité des programmes électoraux des candidats aux élections.

5- Les risques politiques du fait d’une faible représentativité des élus seront écartés.

6- La prise en compte de votes blancs, ainsi que les votes de sanction. 

7- La rapidité de la collecte, le dépouillement et la déclaration instantanée des résultats du suffrage grâce à l’outil numérique. Mode économique et efficace.

8- La baisse des infractions électorales, l’assurance et la sécurité de l’acte du suffrage.

9- La constitution d’une base de données numériques des élections nationales..

Des avantages multiples au bénéfice de l’économie et la stabilité politique de la nation.   Et ce quels que soient la catégorie, la nature ou l’objet des élections. Elections législatives, présidentielles, municipales et/ou régionales. 

 

– Des exemples de bulletins de vote, ainsi que de résultats de suffrages suivant le    nouveau mode du suffrage à vote multiple digitalisé

Les exemples ci-après illustrent une série de 4 bulletins des 4 électeurs. Vote suivant le mode de suffrage à vote multiple, portant 10 candidats pour 6 sièges,  relatif  aux élections législatives. Les bulletins sont  édités sur support papier suite au scrutin digital.

Le candidat n° 10 a obtenu le meilleur résultat, avec 22,25 points. Il remporte tous les 4 sièges.

Comme le candidat n° 10 est une liste de 2 membres. Donc il ne garde que 2 sièges. Les deux candidats n° 5 & n° 3 qui sont des candidats individuels  et ayant obtenu successivement 20,4 points et 13,68 points, chacun d’eux remporte  1 siège.

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