Couvre-feu nocturne: Comment les Tunisiens passent-ils leurs soirées ramadanesques ?

La crise liée au coronavirus s’étire. La Covid continue à s’immiscer dans la vie privée des Tunisiens, en les forçant à changer d’habitudes et de modes de vie. Frappés d’une sorte de stupeur, leur seul souhait est que l’épidémie se termine et que leur quotidien retrouve ses couleurs.


La Covid a, une fois de plus, bousculé les habitudes ramadanesques des Tunisiens. Les mesures de lutte contre la propagation du virus, instaurées par le gouvernement, ont assommé les familles tunisiennes. Avec un pincement au cœur et des nerfs à vif, tout le monde est suspendu aux lèvres des responsables, craignant à chaque déclaration médiatique, à chaque conférence de presse, des mesures encore plus rigides, plus contraignantes et plus restrictives. Tiraillé entre l’obligation de préserver la santé des citoyens et l’impératif de maintenir un tissu économique au bord de l’effondrement, le gouvernement est tombé dans le piège des mesures dilatoires. Les Tunisiens, eux, ne savent pas à quel saint se vouer. Le couvre-feu instauré à partir de 22h00 avec interdiction de circulation des véhicules de 19h00 (heure de rupture du jeûne) à 5h00, a quasi confiné les familles et surtout les jeunes dans leurs quartiers. Fini les rassemblements entre amis, les veillées familiales tardives, les dîners et le S’hour dans les restaurants et les cafés lounges, le lèche-vitrine, les activités sportives après la rupture du jeûne, les événements culturels et les festivals ramadanesques… Bref, tous types d’activités distractives qui peuvent nous extraire du rythme infernal de notre quotidien morose. Mais la mort a déjà toqué à la porte de nos proches, amis et familles. Covid oblige, les rassemblements sont à éviter, pour se protéger et protéger nos aimés et nos aînés. Toutefois, les mesures qui ont été, récemment, décidées par le gouvernement ont provoqué la risée des internautes qui se sont amusés à lancer et partager les quolibets. “La Tunisie est le premier pays à instaurer un confinement pour les véhicules”, lit-on sur certaines pages Facebook branchées. D’autres ont posté des messages tels que “ Vivement nos vélos” ou encore “Vivement nos chevaux”. “Il vaut mieux en rire qu’en pleurer. Cela fait plus d’un an qu’on joue avec nos nerfs. Je ne sais pas quand est-ce que ce cauchemar va finir, mais on est à bout de nerfs. Et si on continue sur cette lancée, ça va barder! Je sais que, sur un autre plan, la situation épidémiologique est dangereuse. Je connais des familles entières qui sont terrassées par ce vilain virus”, lance Amine, 29 ans, célibataire.

Converser virtuellement

D’habitude, les soirées d’Amine durant le mois de Ramadan consistaient à rencontrer des amis de longue date, qui habitaient loin de son quartier, autour d’un café et de gâteaux traditionnels. Depuis l’année dernière (le premier confinement), le groupe de jeunes n’est pas resté longtemps les bras croisés et a créé un groupe sur le réseau Facebook pour converser virtuellement comme s’ils étaient dans le café du coin. Une manière de s’adapter et de perpétuer leurs habitudes. “Sur ce groupe, on s’adonne aussi à des jeux virtuels. Parfois on passe la nuit à jouer et des fois à converser”, lâche le jeune homme. Imen, 32 ans, mère d’une fillette de 3 ans, avoue, elle aussi, avoir abandonné son rituel après la rupture du jeûne. “Avant l’avènement de la Covid, nous avions, mon mari et moi, notre rituel durant le mois saint. Nous avions l’habitude de sortir flâner dans les parcs pour profiter de l’air frais et jouer avec la petite. Là où j’habite, il n’y a aucun espace vert, aucun endroit où je peux sortir avec ma fille pour faire une marche”, affirme la trentenaire. Elle ajoute : “Si mon mari se rend à la cafétéria du coin pour siroter un café express et fumer une cigarette, je me retrouve seule à débarrasser la table et à regarder les feuilletons ramadanesques”. Myriam, 27 ans, jeune mariée est mordue de sport. Avec un horaire de travail très contraignant, elle n’arrive pas à s’adonner à ses activités sportives préférées après la rupture du jeûne, puisque les cours collectifs ont été suspendus. “Le sport c’est ma bouffée d’oxygène. Je télétravaille depuis mars 2020. C’est la seule chose qui permet de reprendre du souffle et de me libérer de la charge mentale. Maintenant, avec l’interdiction de la circulation des véhicules à partir de 19h00, je ne peux plus me rendre à la salle de sport après la rupture du jeûne. Je croise les doigts, pour qu’avec l’accélération de la campagne de vaccination, tout rentre dans l’ordre et que nous puissions reprendre nos vies en main”, explique-t-elle. Pour Manel, 21 ans, étudiante, la Covid n’a pas beaucoup changé ses habitudes ramadanesques. Elle avoue qu’une fois la table débarrassée, elle s’isole dans sa chambre pour visionner en ligne les feuilletons ramadanesques égyptiens.

Pour les Tunisiens, il s’agit d’un deuxième Ramadan sans saveur. Ou presque. Un an auparavant, ils étaient appelés à “cohabiter” avec le virus. Il semble que la cohabitation est en marche. Les soirées ramadanesques se résument , désormais, à une petite promenade dans les parages, une rencontre entre potes à la va-vite dans le café du coin, un rassemblement familial autour de la télé pour regarder les feuilletons ramadanesques ou tout au plus à des conversations virtuelles sur les réseaux sociaux.

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