Point de vue: Digital dance Days

La dernière journée du digital Dance Days a été marquée par la représentation en live streaming du spectacle «Joudhour» de Ilyès Gharbi, une recherche des origines, des liens qui se tissent entre la terre et les hommes, la recherche d’ancrage et la quête de soi. Interprété par Ilyès Gharbi, Tarek Bouallagui, Mohamed Ali Ben Naji, Yasser Madi, Zied Sellim, Kousay, Aziz Barhoumi , Lotfi Ben Slimen, «Joudhour» fait partie d’un projet basé sur la transmission chorégraphique, produit par le Théâtre de l’Opéra de Tunis et mis en œuvre par le Centre chorégraphique tunisien du pôle ballet et art chorégraphique.

C’est quoi au fait une transmission chorégraphique ? Il s’agit encore une fois de liens et de ponts qui relient deux ou plusieurs visions, ce regard sur le monde qui diffère d’une personne à une autre. La pièce «Roots» du chorégraphe franco-algérien Kader Attou se voit réécrite par de jeunes Tunisiens. Lui, il cède la conception, la musique, l’univers et l’idée et leur donne la liberté d’en faire leur propre version. Une version qui se nourrit des individualités, du groupe, des sensibilités et du vécu. Les choses ne sont pas les mêmes, des deux côtés de la Méditerranée, mais le questionnement des racines est un questionnement permanent.

Kader Attou passe la main aux danseurs tunisiens, pour donner une autre coloration à sa pièce et voir les choses d’un autre point de vue, une sorte de relais d’une pièce chorégraphique dont la transmission à des danseurs tunisiens a été conduite par Ilyès Gharbi.

«Depuis une vingtaine d’années, ma danse s’est façonnée dans le frottement des esthétiques, danse hip-hop, danse Kathak (une danse pure et narrative, traditionnelle du nord de l’Inde. Elle fait partie des dix danses classiques de l’Inde), danse contemporaine.

Ce qui m’importe dans cette relation-là, c’est de construire des ponts, créer du lien, du dialogue dans la différence. Cette recherche m’a conduit à essayer de mieux comprendre ce qui était du ressort du corps ou de l’émotion. Comment, à partir d’une technique, d’un mouvement mécanique, d’un code, avec la virtuosité, naît cette émotion. Cette question fonde The Roots», explique le chorégraphe.

The Roots, c’est avant tout une aventure humaine, un voyage. Onze danseurs hip-hop d’excellence en sont les interprètes et m’accompagnent dans cette aventure. Tableau après tableau, la performance transforme, ouvre vers un ailleurs, emmène vers un autre.

L’univers est celui du quotidien, ordinaire, une table… un vinyle craque sur un tourne-disque, souvenir d’enfance. La musique joue là un rôle important, évocateur, la masse des danseurs lui répond. Brahms, Glazunov, la musique électro notamment, ouvrent des portes à cette humanité qui danse.

Dans cette version tunisienne, la pièce emprunte le pas de Kader Attou, se nourrit de sa réflexion, et partage la même démarche pour s’interroger à son tour. Faire appel à l’histoire de chacun, de chaque danseur avec leurs richesses et leur singularité est la ligne à suivre.

La comparaison entre la version originelle et la tunisienne n’est pas de mise, c’est juste un parallèle qui met en lumière les sensibilités et les écritures. La réalité de la danse n’est pas la même entre le centre et la périphérie, et entre le nord et le sud. «Joudhour» est une manière aussi de poser un regard sur l’autre et sur soi, une interpellation des espaces, la recherche de la lumière.

Dans le hip-hop, les pistes sont multiples, les corps, qui s’efforcent pour la meilleure et la plus forte des prouesses techniques, se laissent entraîner par la musique classique. Les corps tendus donnent à voir une forme de hip-hop apaisé, qui veut raconter plutôt qu’impressionner. C’est ce que nous retenons de Joudhour, les autres imperfections sont rattrapables avec le travail, l’acharnement et la régularité. Pourvu que nos structures publiques arrivent à défendre ces projets et offrent aux danseurs la possibilité d’exercer leur métier.

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