Lettre ouverte au Chef du Gouvernement : La Covid-19 ne justifie pas tout !

Monsieur,

Un collectif d’associations de la société civile s’est constitué pour accompagner l’engagement de la Tunisie dans le Partenariat Mondial pour l’Education (PME). Nous travaillons sur la constitution du groupe local pour l’Education (GLE) depuis avril 2020. Les efforts conjoints de ce groupe, du ministère de l’Education et des représentants des pays du PME parmi les partenaires techniques et financiers ont permis d’élaborer une évaluation sectorielle conjointe et partagée, préalable nécessaire pour se conformer aux engagements de la Tunisie dans ce projet. Les délais imposés pour se conformer aux directives du PME sont dépassés et la période supplémentaire accordée pour finaliser une vision de ce qui est attendu du système éducatif à l’orée 2030 conformément aux engagements dans le cadre des Objectifs de Développement Durable (ODD4) ne sont pas encore finalisés.

Ce travail participatif, fruit d’un long parcours de mise en confiance partagée de tous les intervenants institutionnels, syndicaux et société civile, est un acquis fragile à préserver et consolider pour l’avenir d’un secteur vital pour les ambitions futures de notre pays.

Convaincus de la multiplicité des défis que rencontre notre système éducatif, nous sommes engagés pour faire valoir l’intérêt supérieur des enfants et des ambitions de développement durable de notre pays qui ne doit compter que sur ses ressources humaines pour relever les challenges que nous imposent les crises économiques, sociales et sanitaires.

Malheureusement, les habitudes nouvellement acquises d’un travail concerté et partagé amenant un engagement de tous les intervenants dans une action commune, appropriée par tous pour une synergie des efforts et un impact visible sur le terrain, sont fragiles et ne résistent pas au retour à des pratiques de décisions inopportunes, imposées défendant des intérêts sectaires.

Monsieur,

Les intervenants de la société civile auprès des enfants tunisiens relèvent une grande détresse, une recrudescence inquiétante des difficultés d’apprentissage, surtout chez les plus petits de nos élèves (écoles primaires). Ils sont incapables de s’adapter à ce nouveau rythme scolaire incompatible avec la pédagogie de l’acquisition du savoir, savoir-être et savoir-faire.

La révision des programmes a été tardive et instaurée à la fin d’un premier trimestre, elle n’a pas tenu véritablement compte de l’interruption scolaire depuis mars 2020 instaurée depuis le premier confinement général. Les perturbations causées par la grève prolongée du cadre administratif des collèges et lycées ont  été responsables d’un absentéisme chronique des élèves, impossible à chiffrer. Le phénomène des cours supplémentaires s’est amplifié devant l’irrégularité du rythme scolaire et des difficultés des apprentissages aggravant les inégalités, pesant lourdement sur la bourse des ménages, déjà fortement impactée par l’inflation.

L’absence de mesures d’accompagnement à ce nouveau rythme scolaire a fragilisé et mis à l’épreuve les mécanismes de protection amenant à plus de violence envers les enfants et émanant d’eux ! L’exploitation économique des enfants est une résultante naturelle de l’appauvrissement général de la population  et des enfants en particulier. Les inégalités régionales se creusent, exposant les enfants à une souffrance et une altération de leur santé mentale (20% des enfants dépriment et 3/100 000 se suicident).

Une première décision de raccourcir les vacances scolaires du printemps a été saluée laissant espérer une prise de conscience de ces difficultés.

Monsieur,

Nous sommes surpris et inquiets devant les dernières décisions prises  de fermeture des établissements scolaires, surtout les écoles primaires, devant les annonces faites du degré d’achèvement des programmes qui contrastent avec le constat sur le terrain des difficultés des enfants et le niveau des acquis !

Nous sommes désolés de l’interruption puis de la rupture de toute communication avec le ministère de l’Education après une étape enthousiasmante où nous pensions avoir instauré un rapport de confiance partagée pour l’intérêt national et un engagement dans un processus participatif pour l’élaboration d’une vision et d’une politique sectorielle consensuelle dans laquelle nous serions tous engagés. La réussite de l’engagement de la Tunisie dans le processus du PME est vitale à un moment où les défis à relever sont multiples et les ressources extrêmement limitées du fait de la conjoncture économique, sociale et sanitaire.

Nous appelons tous les intervenants à placer l’intérêt supérieur des enfants et de la Tunisie au-dessus de toute considération sectaire ou corporatiste, à faire valoir la raison, la recherche du consensus et à ne pas rompre les voies du dialogue.

Nous appelons à l’organisation d’une conférence nationale sur les conséquences de la pandémie Covid-19 sur le système éducatif et les mesures urgentes à prendre pour garantir le droit d’accès des enfants à une éducation de qualité conformément à la Constitution tunisienne et aux engagements de la Tunisie dans les ODD.

Nous sommes déterminés à protéger et consolider cette jeune démocratie participative pour l’intérêt des générations futures, pour l’engagement de la Tunisie dans le respect des ODD et réaliser les objectifs de notre peuple qui aspire à plus de Liberté, de Dignité et l’espoir d’un Travail décent.

 

Moez Cherif
Président de l’ATDDE

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