L’éducation à l’ère de la covid-19 : Faut-il arrêter de diaboliser l’école privée ?

Depuis le déclenchement de la crise sanitaire liée à la Covid-19, les regards accusateurs continuent de se tourner vers le secteur de l’enseignement privé. Apporter des réponses à cette question peut changer notre fusil d’épaule : dans ce contexte particulier, qu’est-ce qui est en jeu, l’avancée dans le programme, l’école, les élèves, leur santé ou leur avenir ?

Ce que la Covid-19 a changé…

Certes, la pandémie liée au coronavirus a eu un impact boule- versant sur le système éducatif tunisien, qui souffre, depuis quelques années, de défaillances qualitatives majeures, qui est, aujourd’hui, au plus bas de son échelle et qui risque d’anéantir plus d’une génération puisque depuis le déclenchement de cette crise sanitaire et durant ces deux dernières années scolaires, les enfants ont été privés d’apprentissage et de scolarité pour plu- sieurs mois.
Mais en réalité, cette situation ne concerne que l’éducation publique et ‘’gratuite’’. Et comme on dit souvent : le malheur des uns fait le bonheur des autres. Cette situation a profité à l’éducation privée qui est l’un des rares secteurs qui ne souffre pas de la crise sanitaire, voire qui en bénéficie avec une augmentation remarquable du nombre de demandes cette année et une hausse encore plus importante l’année prochaine. Mais à ce niveau-là, il faut rendre à César ce qui est à César car cette avancée est méritée : il est vrai que cette crise sanitaire continue toujours de frapper l’enseignement public, qui ne cesse de perdre du terrain face à l’éducation privée. Mais là encore, on ne peut pas comparer ce qui n’est pas comparable, ni tomber dans le piège qui consiste à lever des slogans aussi vides de sens que nous entendons au quotidien. Il faut arrêter la diabolisation du secteur de l’éducation privée, qui a pu s’adapter à cette crise sanitaire et se réinventer grâce aux nouvelles technologies et à l’apprentissage à distance. Ces établissements ont réussi à mettre en place et à identifier les outils les plus adaptés pour assurer la continuité pédagogique à travers

des réponses numériques et des solutions en ligne pour permettre aux enseignants de continuer leurs missions et aux élèves de rejoindre les classes à distance. A cela on ajoute le respect total des mesures d’hygiène, de la distanciation socio-physique, des prélèvements obligatoires de la température aux entrées de ces établissements, du port obligatoire et correct du masque, de la désinfection de ces espaces… et de toutes mesures préventives sanitaires qui ont été prises et répandues partout dans tous les établissements privés. Certainement, le fruit de ce travail sera à découvrir dans un futur proche !

Le casse-tête de l’école publique

De l’autre côté, que fait le secteur d’éducation publique pour nos enfants en cette période difficile? Rien que de faire recours à des demi-mesures qui ne constituent que des palliatifs absolument insuffisants et qui font plus de mal que de bien à nos enfants puisque c’est

l’avenir de toute une génération qui est menacé. Commençons par le commencement, depuis le début de l’épidémie et à nos jours, dans les écoles publiques, les enseignants sont encore bloqués et n’arriveront pas à achever le pro- gramme même après avoir élaboré un nouveau calendrier scolaire réaménagé, qui devrait s’adapter à la situation actuelle, mais qui peine à s’adapter aux enjeux actuels et au contexte d’incertitude dominante qui s’impose encore. Par ailleurs, à lui seul, le système d’enseignement par alternance, adopté depuis le début de cette année scolaire, pose aussi des problèmes graves. Il met les enseignants dans une situation délicate et inconfortable à l’égard des élèves puisque c’est une connaissance qu’ils essaient d’injecter d’une manière ou d’une autre à l’heure où tout le monde est conscient que le débit de l’apprentissage et de l’assimilation n’est pas le même d’un élève à un autre. Et là, c’est encore l’enfant qui paie le prix de ce qui ne fonctionne pas et qui va en souffrir.

Sur un autre plan, sur terrain et faute de moyens financiers et de manque de conscience, il existe beaucoup d’inquiétudes sur le degré de l’application et du respect du protocole sanitaire dans ces établissements, pour une raison ou une autre. Et la goutte d’eau qui fait déborder, encore une fois, le vase, c’est la suspension totale des cours dans les établissements publics, puisqu’il n’existe pas une possibilité d’assurer un enseignement à distance, vu la difficulté d’accès des enfants à l’outil informatique, à l’heure où dans toutes les structures privées, les enfants continuent à avoir un enseignement à distance…On ne comprend pas l’utilité de ces mesures ou plus correctement de ces demi-mesures qui ne peuvent pas résoudre ce problème même en partie, étant donné que sur le terrain, on ne fait rien pour redresser la situation. Et si on veut protéger nos enfants, il faut appliquer le même régime à tout le monde et les structures privées ne doivent pas échapper à l’Etat, ce qui n’est pas le cas dans la Tunisie d’aujourd’hui.

Faire changer tout le système éducatif ?

Face à une telle situation, de sérieuses inquiétudes s’imposent sur le sort de cette année scolaire et l’année prochaine, sur le niveau des élèves, sur comment s’assurer

que la pandémie n’aggrave pas la situation d’un système éducatif déjà en crise…et sur l’impérieuse nécessité de réfléchir ensemble sur les mesures à prendre pour faire réussir et sauver cette année scolaire ou ce qui reste de cette année. Sinon, le niveau des élèves va baisser de plus en plus, le nombre des enfants qui fuient l’école va augmenter, l’abandon scolaire va toucher des niveaux historiques… tout cela, faute de clarté sur les règles sanitaires, de contrôle parental, du manque de plus en plus de rigueur dans les établissements scolaires publics… Pour toutes ces raisons, l’Etat doit intervenir avec des mesures doc- trines pour mettre terme à cette situation et réussir à instaurer la justice sociale afin d’assurer une école gratuite qui garantit l’éga- lité des chances et qui doit res- ter comme elle a toujours été un ascenseur social. C’est une priorité et cette crise sanitaire du corona- virus ne doit pas interrompre l’ap- prentissage coûte que coûte parce qu’il faut penser aux générations futures… Sinon, les parents n’au- ront de choix que de mettre leurs enfants dans des écoles privées — et ils ont raison de le faire — car c’est l’avenir de leurs enfants qui est mis en péril. Même si c’est un choix très coûteux, l’école privée reste la seule alternative et, à ce niveau-là, adieu l’école publique.

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