« Hak el melh » : La gratitude dans toute sa splendeur

« Hak el melh », dont la traduction littérale «  le droit du sel » ou encore «  la contrepartie du sel », résume la dualité du sacrifice et de la gratitude. La dernière semaine de Ramadan représente le compte à rebours dans l’attente de l’Aïd, mais aussi dans l’attente d’un présent amplement mérité par les femmes mariées.
En effet, «  Hak el melh » s’aligne parmi les traditions sociales tunisiennes, perpétuées à l’occasion de Ramadan. Cette tradition ancestrale consiste à récompenser les femmes mariées, qui se sont appliquées un mois durant à assouvir les caprices gourmands de leurs familles et de leurs époux en particulier, et ce, en dépit de la fatigue et du manque de tonus engendrés par le jeûne. Des épouses et des mamans qui n’ont pas hésité, tout au long du mois saint, à dorloter les membres de leurs familles en dressant, à chaque rupture du jeûne, un festin, quotidiennement renouvelé et improvisé non sans amour, pour régaler les papilles des jeûneurs, quitte à opter pour les recettes les plus compliquées et les moins concoctées au cours de l’année.

Pour l’amour de la famille
Mais «  Hak el melh » ne s’appuie pas uniquement sur cette tâche quotidienne. Soucieuses de préparer le dîner spécial rupture du jeûne à la perfection, nos aïeules — et probablement certaines ménagères d’aujourd’hui — s’adonnaient à sacrifier un tant soit peu l’irréprochabilité de leur jeûne en daignant goûter — à peine — à certains plats afin de s’assurer de leur juste parfaite salinité et de rejeter par la suite la minuscule quantité d’aliments qui vient, avouons-le, donner goût à la bouche sans pour autant étancher la soif et encore moins rassasier le ventre creux…Et c’est bien à ce geste de sacrifice consenti, qui pousse la femme à sacrifier, en partie, le rituel religieux et par conséquent le « thoueb » ou la bénédiction au profit de l’intérêt de sa famille, que revient l’appellation «  hak el melh ».

L’or en guise de «  merci »
Reconnaissant et courtois, le mari, qui a su apprécier la générosité d’une épouse et d’une maman aux petits soins de sa famille, juge ainsi bon qu’un cadeau à l’image de son mérite serait convenant. Et qu’y a-t-il de plus précieux et de plus prisé par les femmes que l’or ! Aussi, la tradition de « hak el melh » consiste-t-elle, depuis des siècles, à finir Ramadan en beauté. Après avoir effectué la prière de l’Aïd à la mosquée, le mari retourne chez lui pour prendre son petit-déjeuner qui se compose généralement de café et de « hlow » ou de délices amoureusement préparés par sa femme. Après avoir terminé son petit-déjeuner, le mari ne remet aucunement la tasse et la petite assiette garnie de « hlow el aïd » vides ! Et c’est en y plaçant un bijou en or — sinon en argent notamment pour les maris à moyens revenus — que la tradition de «  hak el melh » est accomplie. Il s’agit d’un « merci », non pas verbalisé mais concrétisé par un présent aussi précieux que l’amour et la reconnaissance d’un homme envers son épouse. Il faut imaginer la joie que ressent une femme qui sert le café à son époux et qui, pour débarrasser la table, revient à la cuisine un bijou à la main…

Une leçon pour la vie
Certes, la tradition de «  hak el melh » nous ramène à une époque où l’or faisait partie incontournable des présents que recevaient les femmes tout au long de leur vie conjugale et où le prix de l’or était tout de même assez accessible pour la classe moyenne surtout que les dépenses facultatives n’alourdissaient point les charges des pères de famille. Toutefois, il y a mille et une raisons, de nos jours, de pérenniser cette tradition, quitte à substituer l’or par un cadeau nettement moins cher, et ce, afin de continuer — en dépit de l’angoisse qui taraude les esprits des pères de famille et les difficultés financières qui touchent de plus en plus les ménages — à faire preuve de reconnaissance. Un cadeau offert avec amour et gratitude effacerait, d’un trait, autant de fatigue et de corvées. Il aurait aussi pour effet d’inculquer aux jeunes générations le sens de la gratitude et de la générosité ainsi que de leur apprendre à semer la joie au sein du couple.

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