Agriculture biologique: Démarches pour de nouvelles reconnaissances mondiales

La Tunisie est positionnée au 23e rang mondial sur la liste du secteur de l’agriculture biologique et au premier rang mondial en termes des superficies oléicoles ainsi qu’au premier rang en Afrique en termes de superficies certifiées et produits exportés.


Depuis 1999, tous les textes réglementaires régissant le secteur de l’agriculture biologique ont été mis en place. Une organisation institutionnelle couvrant tous les maillons du secteur a été établie et un système de contrôle et de certification a été renforcé, ce qui a permis de multiplier les superficies bios de 20 fois entre 2001 et 2020, le nombre des intervenants de 24 fois entre 2001 et 2020 et la valeur des exportations de 6 fois entre 2013 et 2020.

Ces chiffres ont permis de positionner la Tunisie au 23e  rang mondial dans le secteur des produits biologiques, au premier rang mondial en termes des superficies oléicoles et au premier rang en Afrique en termes de superficies certifiées et produits exportés. Malgré cette position très importante, l’évaluation des différentes stratégies, mises en place depuis les années 2000, met en exergue les faiblesses et les menaces qui freinent le développement de ce secteur prometteur de l’économie nationale.

Des encouragements insuffisants

Dans ce contexte, Mme Zohra Ben Ammar, sous-directrice du contrôle, suivi et audit à la Direction générale de l’agriculture biologique (DGAB), a révélé que depuis son institution, la filière des produits bios en Tunisie a bénéficié d’une série d’encouragements, mais qui s’avèrent de plus en plus peu adaptés et restent limités face à un développement important du secteur. Les connaissances technologiques, mises à la disposition des opérateurs bios par le centre technique de l’agriculture biologique, la Direction générale et les divisions régionales de l’agriculture biologique, ne sont pas suffisantes pour développer de grandes superficies bios. Le travail mené par les fournisseurs d’intrants autorisés selon les cahiers des charges bios doit s’adapter à la demande et aux exigences croissantes du marché et aux effets du changement climatique.

Mme Ben Ammar a ajouté également que les vertus des produits biologiques sur la santé, prouvées scientifiquement de par le monde, sont multiples. En effet, les produits bios renforcent nos défenses immunitaires et rendent notre organisme moins vulnérable à certaines maladies, y compris la Covid-19. D’où une demande du marché international de plus en plus forte. Pourtant, le consommateur tunisien reste peu sensible à cette réalité, et nos producteurs peu outillés pour répondre à cette opportunité très importante du marché.

Les produits bios tunisiens sont compétitifs à l’échelle internationale dans la mesure où la Tunisie exporte des produits biologique vers plus de 20 destinations avec une valeur des exportations de près de 700 millions de dinars enregistrés en 2020. Une politique en faveur  des produits bio tunisiens a été élaborée. En effet, cette politique est basée sur une réglementation reconnue équivalente aux exigences internationales et un système de contrôle et de certification relevant des organismes de contrôle et de certification accrédités par des instances internationales et agréées par le ministère de l’Agriculture. Afin de préserver cette crédibilité de la qualité des produits biologiques, la Direction générale de l’agriculture biologique en tant qu’autorité compétente a instauré un système de contrôle officiel.

Reconnaissance européenne

Cette politique a permis à la Tunisie d’obtenir la reconnaissance européenne du système tunisien adopté en agriculture biologique qui est équivalent au système européen depuis 2009. De plus, ce système bénéficie de la reconnaissance de la Suisse depuis 2011 et du Royaume-Uni après le Brexit. Et la DGAB continue ses démarches pour accéder à de nouvelles reconnaissances sur des marchés à grand potentiel pour les exportateurs tunisiens, comme le marché des USA, du Canada et de la Chine et la mise en place de politiques commerciales et de marketing adaptées aux différents produits bio.

De son côté, Mme Nourhene Ben Ayed, sous-directrice de la vulgarisation, de l’encadrement et de la programmation à la Direction générale de l’agriculture biologique, a expliqué que l’agriculture biologique est un processus de valorisation durable de l’activité agricole et rurale. L’agriculteur biologique est au centre de cette valorisation, mais il est appelé à passer d’un simple agriculteur à un agriculteur averti, formé, convaincu et maîtrisant les exigences des produits bios.

Les petits agriculteurs sont aussi concernés par ce secteur. La restriction de l’utilisation des produits chimiques de synthèse en agriculture biologique donne l’opportunité à l’agriculteur bio de préserver directement sa santé, celle des ouvriers, et des consommateurs, en plus de la réduction au niveau de son coût de production. La fertilisation organique permet de bons rendements et une durabilité des sols de l’agriculteur. Le marché des produits bios offre une meilleure marge bénéficiaire pour l’agriculteur et une garantie de marché.

Il est clair que le prix des produits biologiques est élevé au niveau du marché local par rapport aux produits conventionnels, mais faut-il savoir aussi que le non-recours aux traitements chimiques (désherbants…), l’utilisation de fertilisation organique et les différentes techniques culturales exigent un recours très important et plus fréquent à la main-d’œuvre qui est coûteuse et exige des travaux supplémentaires.

La consommation des produits bios contribue à préserver la santé humaine et l’environnement. Elle réduit le recours  aux médicaments (santé publique) et aux coûts liés à la pollution environnementale. Donc, les prix actuels des produits bios englobent le gain réalisé au profit de la santé publique et de l’environnement. 

Une baisse des prix des produits bios pourrait être envisagée si ces derniers seraient plus disponibles et diversifiés et si les circuits de distribution seraient plus développés. La stratégie nationale de développement du secteur de l’agriculture biologique à l’horizon 2025 intègre le développement des produits biologiques dans une approche quadripartite basée sur l’amélioration de la rentabilité économique des projets, la protection de la santé, la préservation de l’environnement, ainsi que l’assurance d’une équité tout au long de la chaîne de valeur.

En effet, en considérant l’agriculture biologique comme alternative durable pour une économie locale et nationale dynamique et diversifiée, la stratégie nationale prévoit le développement des filières à travers la diversification de la production, l’amélioration de la compétitivité du produit bio, le développement du marché local ainsi que le soutien des exportations des produits bios tunisiens sur le marché mondial.

La stratégie prévoit aussi l’intégration de produits biologiques dans une filière d’agritourisme bio, durable et équitable qui crée de la valeur ajoutée économique, sociale et environnementale pour les territoires tunisiens, ce qui permettra de soutenir la diversification agricole de manière qualitative et de proposer une offre variée plus respectueuse de l’environnement. Il va sans dire que l’agriculture biologique est une source de préservation de l’environnement et la protection de la santé. Plusieurs  programmes seront mis en place visant la réduction de l’utilisation des pesticides et la dégradation des terres en encourageant l’introduction des produits bios dans la restauration des établissements de la santé, les cantines scolaires, etc.

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