La généralisation de la vaccination aura un effet positif sur les acteurs économiques, même si le rythme de l’opération reste très lent. Plus vite les pays vaccineront, plus vite ils pourront rouvrir leur économie pour permettre aux gens de reprendre leur activité normale, c’est-à-dire de travailler, de consommer, de dépenser…

Petits commerçants, artisans, propriétaires de taxis… se révoltent depuis le début du reconfinement. Même si nous comprenons leur colère, nous comprenons aussi la nécessité de cette mesure pour stopper la pandémie. Forcés de baisser le rideau une nouvelle fois, certains commerçants ont poussé un cri de colère. Une colère légitime pour le sociologue M. Ben S. Ce dernier comprend toutefois également la nécessité de ces mesures qui tentent «d’éteindre les liens sociaux» pour lutter contre la propagation du virus. Pour lui, il y aura un «après-pandémie» et qu’«il faut commencer à l’organiser aujourd’hui».

Le sociologue explique : «Ce sont les commerçants qui le disent le plus, mais il y a aussi certains élus qui les soutiennent fermement. Ailleurs dans le monde, on voit des jeunes qui s’opposent à ces mesures restrictives. Ce n’est pas majeur, mais il est clair que la société est plus rétive à ce nouveau confinement. Pourtant, d’après un recueil rapide des réactions des Tunisiens sur les réseaux sociaux, ces derniers semblent plutôt favorables à ces nouvelles mesures. On peut dire qu’à la fois les gens sont favorables parce qu’ils ont peur, mais en même temps, ce confinement leur est défavorable».

Un vrai sentiment d’injustice

Même si l’on parle d’une seconde vague plus violente que la première…, le sociologue remarque un changement de ton. «La première fois, on a été sidéré. C’était tellement inimaginable qu’on nous enferme chez nous, qu’on est resté sidéré. Au fond, on ne savait pas quoi en penser et ce qu’on allait vivre. Là, pour ce deuxième confinement, on est dans une répétition. On sait déjà ce que cette période nous a apporté. Pour certains, le confinement avait été un bonheur, pour d’autres, il était source d’angoisse et je pense notamment à ces petits patrons qui ont vu leurs entreprises s’effondrer».

La décision de fermer les petits commerces a fait ressortir un vrai sentiment d’injustice, surtout chez les gens qui ont été obligés de fermer leur boutique parce qu’ils vendent des produits dits «non essentiels». «Je trouve qu’on explique extrêmement mal pourquoi on ferme les petits commerces et pas les grandes surfaces. D’ailleurs, c’était une erreur d’employer les termes «essentiels» et «non essentiels». Pour certains, le livre est essentiel, pour d’autres, c’est le fait de se retrouver avec des amis dans un café pour se déconnecter qui importe le plus… Il n’y a donc pas de norme. En employant ces termes, on dirait qu’il y a un mode de vie qui s’impose à tous les groupes sociaux, c’est ça qui est insupportable et difficile à entendre», nous dévoile un libraire.

Selon le sociologue, les gens sont intelligents, il faut leur expliquer les choses telles qu’elles sont. Pour ce reconfinement, il faut dire qu’il est différent de celui du printemps dernier. Que le travail continue, que pour stopper la pandémie, le gouvernement a décidé de supprimer les interactions entre les personnes sur toutes les sphères qui relèvent du plaisir. Parce que ça, on peut s’en passer pendant quelques mois. En revanche, on ne peut pas se passer de nourriture…

Pour lui, le gouvernement était dans l’obligation de fermer les commerces dits «non-essentiels». «D’une certaine façon, je comprends très bien la colère des petits commerçants, et en même temps, je comprends la logique et la volonté d’essayer d’éteindre les liens sociaux pour lutter contre la propagation du virus. Ce que les commerçants oublient, c’est le trajet qu’effectue le client pour venir jusqu’à sa porte. Ce n’est pas forcément quand on est dans la librairie qu’on prend le plus de risques, parce qu’effectivement, il y a des règles mises en place, mais c’est l’ensemble du système qui peut être dangereux. Parce que l’on sort, on rencontre des personnes, on parle avec elles… Et, c’est dans ce lien social de proximité que l’on trouve la maladie».

Un engagement véritable

Un économiste nous déclare, quant à lui, que la solution pour s’en sortir reste la vaccination. «Le vaccin anti-covid va, sans doute, créer un climat de confiance pour les acteurs économiques et participe, entre autres facteurs, à la relance de l’économie nationale. L’année décisive pour imaginer une sortie de crise est 2022-2023. L’impact de la vaccination sur l’accélération de la relance économique sera fort». Selon lui, la généralisation de la vaccination aura un effet positif sur les acteurs économiques, même si le rythme de l’opération reste très lent.

Ce climat de confiance est essentiel à la reprise de l’économie. «La vaccination va créer un climat moral pour les acteurs économiques, que ce soit pour l’investisseur, le producteur, le consommateur ou même les ménages, c’est ce climat de confiance qui impacte le comportement des acteurs économiques. Si un investisseur sent que les prévisions de cette année et de l’année suivante sont positives, il va nécessairement se projeter et  employer ses ressources dans l’élargissement de ses capacités productives, car tout ce qu’il attend c’est une augmentation de la demande, aussi bien intérieure qu’extérieure», explique l’économiste.

Selon lui, la relance économique durable est liée à la création de ce climat de confiance, même si d’autres facteurs peuvent intervenir.  Et comme nous vivons dans des économies ouvertes, la Tunisie n’est pas un pays isolé, la vaccination est une stratégie mondiale pour combattre la maladie et assurer une reprise rapide. Ainsi, l’économiste estime que la vaccination est un facteur qui aide, mais qui doit avoir une continuité. Autrement dit, «les efforts ne doivent pas s’arrêter afin d’atteindre un point de non-retour». Il est donc important d’augmenter la cadence de la vaccination. Car une bonne gestion de la situation sanitaire est déterminante pour la sortie de crise de chaque pays.

Pour l’économiste, le soutien que doit apporter le gouvernement  aux entreprises impactées par la fermeture ou le ralentissement de leur activité ne passe pas uniquement par les aides financières et les mesures fiscales, «il faut miser sur un effort stratégique plus important qui est la vaccination, si nous espérons une reprise sûre et solide de notre activité économique», explique-t-il.

Sur le plan mondial

A l’échelle mondiale, le déploiement des vaccins se conjugue à d’autres facteurs, comme les aides massives publiques et les gestes barrières pour donner une impulsion à la croissance. D’ailleurs, le Fonds monétaire international se veut optimiste et anticipe un rebond de l’économie mondiale de 5,5% en 2021, contre -3,5% l’an dernier. Selon les prévisions, le redémarrage sera lent en ce début d’année, mais il retrouvera sa vigueur au deuxième semestre.

Les campagnes de vaccination contre le covid-19 ont démarré à des rythmes différents dans tous les pays et vont s’accélérer ces prochains mois, avec l’objectif de créer une immunité collective.

À l’heure actuelle, les évolutions les plus préoccupantes concernent les mutations du virus et les retards de vaccination. D’après certains analystes économiques, la plus grande inquiétude, à moyen terme, porte sur le risque de séquelles économiques, c’est-à-dire la possibilité que la production ne se rétablisse jamais parce que ceux qui ont perdu leur emploi pendant la pandémie ne parviennent pas à retrouver du travail. Beaucoup d’entre eux estiment que cette éventualité existe si les déficits d’éducation et de formation ne sont jamais comblés, si les investissements productifs sont remis sine die, ou si les ressources restent immobilisées dans des secteurs en déclin plutôt que d’être réaffectées à des secteurs en expansion.

Dans un tel contexte, l’accélération de la production de vaccins revêt une priorité absolue. C’est essentiel pour le monde entier. Investir dans ce domaine se révèlera payant. Bien entendu, l’accélération de la production de vaccins devra s’accompagner chez nous de leur distribution rapide au niveau national, afin que les doses soient administrées aux populations. Plus vite les pays vaccineront, plus vite ils pourront rouvrir leur économie pour permettre aux gens de reprendre leur activité normale, c’est-à-dire de travailler, de consommer, de dépenser.

L’Etat tunisien n’a pas les moyens d’injecter de l’argent pour sauver des emplois. Au moins doit-il tout faire pour accélérer la vaccination et cesser de nous abreuver d’informations floues et contradictoires.

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