Mes odyssées en Méditerranée | «Chkobba» : quand un jeu de cartes cache l’histoire de la Méditerranée

Combien de fois avons-nous entendu dans un café des jeunes et des moins jeunes jouer à la «Chkobba» ? Avec une chicha et un thé, les Tunisiens passent les meilleurs moments.


Mais d’où ça vient ce jeu et avec quelles cartes se pratique-t-il ?

Malheureusement, l’histoire de ce jeu n’est pas très documentée, il y a des manuscrits du XVIIe siècle qui attestent sa présence en Espagne et des documents qui parlent de ce même jeu au sud de l’Italie et notamment en Sicile au début du XVIIIe siècle. Mais à part la Sicile, la Sardaigne et la ville de Naples, on retrouve aussi les mêmes cartes dans le Roussillon français. Des images similaires, enfin, nous les avons dans la version marocaine de Cadix qui dérive toujours de la version de la «baraja española» venant de la «baraja de Sevilla», qui date de 1400 et dont le symbolisme ressemble à celui d’aujourd’hui.

En Sicile aussi on joue à la «Chkoupa», avec des cartes siciliennes et ce n’est pas certain que ces cartes soient entrées en Europe directement suite à la conquête musulmane de la Sicile commencée en 827 pour s’achever en 902 avec la chute de la ville de Taormine, dernière grande forteresse byzantine de l’île. Toutes les théories et les suppositions revendiquées jusqu’à présent concordent toutefois sur un fait : ces cartes ont été introduites initialement en Espagne par les Arabes lors de la conquête musulmane qui a duré environ sept siècles et plus particulièrement par les Mamelouks égyptiens autour du XIVe siècle.

De l’Espagne, toujours grâce à l’influence arabe, ce jeu de cartes est arrivé jusqu’au sud de l’Italie, à Naples et plus particulièrement en Sicile. Mais comment?

Dans les rares manuscrits on peut lire que la «Chkobba», fait partie des jeux les plus anciens pratiqués par les pirates dans les ports espagnols et italiens. Le premier port de la péninsule italienne où l’on retrouve ce jeu et ces cartes, c’est Naples. La «Chkobba» est décrite avec des règles et des mécanismes assez précis de jeu, très semblables à ceux du jeu moderne, même si, pendant longtemps, on ne lui a pas attribué un vrai nom. Dans certains ports, le jeu est appelé d’une manière, dans d’autres il est appelé différemment et joué avec des règles aussi différentes.

Dans tous les cas de figure, les cartes appartenant à la soi-disant «baraja española» ont trouvé plus d’un terrain florissant pour se répandre et se développer. Au XVIIe siècle, en Espagne, il était pratiqué un jeu appelé «Escoba» et nous savons aussi que, au siècle suivant, «l’Escoba» était très répandue parmi les militaires espagnols, mais aussi dans l’Italie méridionale, où elle prendra le nom de «Scopa» (en sicilien chkoupa). En Tunisie, pays où le jeu de la «Chkobba» ou «Chkoubba» est très populaire, on ne connaît pas trop la date exacte de son introduction, mais très probablement ce jeu de cartes s’est répandu grâce aux migrants siciliens. En Tunisie, d’ailleurs, même si le jeu est pratiqué avec des «cartes françaises», l’étymologie est tout à fait sicilienne.

En Sicile, ce jeu se compose de 40 cartes, dix par chaque enseigne et même si le jeu initial des Mamelouks comprenait 52 cartes, parmi elles, il était possible de trouver les Jawkân ou bâtons, les Darâhim ou deniers, les Suyûf ou épées et enfin les Tûmân ou coupes, exactement comme dans les cartes siciliennes. En français, «Scopa» signifie le balai, c’est-à-dire capturer toutes les cartes sur la table en un seul pli.

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