Le mineur de Sidi Hassine, impitoyablement tabassé avant d’être déshabillé par des policiers, l’encerclement de Shems FM par une bande de malfrats, commandité par le maire d’El-Kram, et le viol collectif d’une femme devant son mari et ses enfants, entre autres… Ce ne sont-là que des crimes odieux disant autant sur le chemin qu’a emprunté la Tunisie nouvelle.
Ces dérives successives, loin d’être des cas isolés comme le laissent entendre certains commentateurs, renseignent autant, non seulement sur la descente aux enfers d’une nation, mais aussi sur le dangereux ensablement de nombreux Tunisiens dans les luttes intestines.
Ces atrocités commises à répétition ces dernières années et cet ensauvagement qui a atteint son dernier degré seraient l’aboutissement logique de politiques à peu près identiques, pendant cette décade. Des politiques ressemblant à un camaïeu de gris, étant l’«œuvre» de politiciens qui s’égarent en cherchant des explications à des événements chaotiques, quand ils ne versent pas dans la paranoïa.
Cet ensauvagement qui inquiète serait, de surcroît, le couronnement d’élections régies par une synarchie financière et médiatique et le résultat d’une pure chevauchée politique.
A l’origine du mal, on trouve également des médias qui matraquent en permanence des non-sujets, des journalistes corsetés dans un costume de craintes. Il y a aussi des Tunisiens faisant preuve d’un cynisme aveugle et irrationnel envers des sujets et des machines capables de modifier la conscience tout comme le font les drogues.
Cela fait plus de dix ans que le théâtre d’ombres persiste. Cela fait des années que politique-spectacle et information-spectacle poursuivent leur absurde duo.
Analystes, économistes avérés et journalistes respectueux de leur métier ont souvent mis en garde contre une économie aux pulsions suicidaires. On a, à maintes reprises, tiré la sonnette d’alarmes quant au rassemblement des gens dans des bulles idéologiques. On a souvent répété, après Camus, que «toute vie dirigée vers l’argent est une mort ». Pourtant, on a eu droit au même spectacle, le même qui dure depuis il y a 10 ans : des politicards et des serviteurs à la solde d’une oligarchie dont les coups bas pleuvaient et pleuvent partout.
Ces mêmes acteurs occupant le devant de la scène tiraient et tirent encore gloriole de « réalisations » incomplètes pour ne pas dire illusoires.
Cela fait des décennies que l’école tunisienne n’éduque que médiocrement et ne forme que passablement. Cela fait des années que l’on est gouverné par des crétins, que la barque tunisienne est menée par des matelots qui naviguent à vue.
On a fini par s’installer dans le précipice. Pourtant, l’on s’attache encore à des régimes qui réverbèrent la géographie des inégalités économiques, éducatives et culturelles.
La Tunisie n’a jaumais eu autant besoin du réveil de ses enfants valeureux pour trouver le chemin du salut. Elle a aujourd’hui besoin de ses vrais penseurs pour corriger sa trajectoire. Elle a aussi besoin d’un vrai journalisme. Un journalisme qui a le devoir de dire la vérité aux Tunisiens s’il entend se situer à la hauteur des jugements de l’histoire.