Quand la recherche s’allie à la startup ou à l’entreprise, les résultats escomptés sont impressionnants et l’impact en termes de développement durable est important. Pour Mohamed Ali Marouani, c’est justement la construction de ce lien entre le monde de l’entreprise et celui de la recherche scientifique qui va permettre de concrétiser l’innovation durable. Mais faut-il encore mettre en place les structures d’appui nécessaires qui vont accompagner, financer les chercheurs-entrepreneurs et les aider à mettre sur pied leurs projets.
Quel lien existe entre le monde de la recherche scientifique et celui des startup ? Et comment la recherche scientifique peut-elle contribuer à la dynamisation de l’écosystème des startup ?
La recherche scientifique permet d’avoir plus d’innovation de rupture,par rapport aux solutions proposées par les startup classiques. C’est une activité qui, potentiellement, génère des résultats beaucoup plus importants et qui est plus risquée et plus coûteuse. L’avantage de la recherche scientifique, c’est qu’on a des gens de haut niveau qui ont travaillé sur des thématiques depuis longtemps dans des laboratoires avec des financements importants que le startuppeur ne peut pas prendre en charge lui-même. Donc avoir à la fois cette expertise et ces moyens permet d’aboutir à des innovations beaucoup plus importantes et plus durables. Évidemment, ce n’est pas quelque chose de naturel, parce qu’il s’agit de deux mondes différents avec des cultures et des incitations différentes. Les chercheurs sont, à l’origine, tournés vers les publications qui leur permettent d’évoluer dans leurs carrières. Ainsi, motiver les chercheurs et les entreprises pour travailler ensemble est essentiel pour avoir une innovation durable. Ce travail incombe à des agents, connus sous le nom d’agents de transfert de la connaissance ou de la technologie. Ce sont des institutions qui vont permettre ce lien entre les deux mondes (de l’entreprise et de la recherche scientifique), qui n’est pas un lien naturel et qui nécessite beaucoup de connaissances. Il s’agit d’experts qui doivent savoir, par exemple, s’occuper des brevets, avoir à la fois des connaissances juridiques et économiques. Ils doivent également aider les chercheurs-entrepreneurs à trouver des marchés.
C’est un rôle d’accompagnement ?
Exactement, ils doivent accompagner les chercheurs dans leurs projets. Dans certains pays, ce travail d’accompagnement s’est développé grâce à ce qu’on appelait des technoparcs. C’est un concept similaire à celui des technopoles en Tunisie. En France, ce travail d’accompagnement était beaucoup appuyé sur les Satt qui sont des sociétés d’accélération du transfert des technologies. Ce sont des structures de l’Etat qui aident à la maturation des projets, un élément primordial pour la commercialisation. Il ne suffit pas d’avoir une recherche pour la commercialiser, il faut en revanche un certain niveau de maturation. Nous à l’Ird, on appuie les équipes de recherche et on essaie de contribuer à la valorisation de leurs travaux, et ce, grâce à l’appui d’Apis (Accompagnement et promotion de l’innovation scientifique durable). C’est un projet financé par le Fspi (Fonds de solidarité pour les projets innovants) du ministère des affaires étrangères français. A travers ce projet, on essaie de mettre en contact les chercheurs avec des startup ou d’autres organismes ce qui va permettre à la recherche scientifique d’avoir plus d’impact, notamment sur les thématiques auxquels on croit le plus, à savoir les questions de développement durable, par exemple sur le traitement des déchets, l’économie de l’eau, etc. Parce que notre mission, c’est justement d’arriver au développement durable par la recherche. Et donc le chaînon manquant, c’est ce lien entre la recherche et l’entreprise, et grâce à ce projet Apis, on essaie de combler ce manque et de contribuer à la construction du lien entre la recherche et l’entreprise.
Quelle est la nature de l’appui fourni par ce projet ?
C’est un appui financier et technique. On sélectionne les projets et on les appuie , en les aidant à trouver des bureaux d’études,à suivre les procédures nécessaires, à faire le contrat adéquat qui va protéger les droits du chercheur et ceux de son institution, etc. Donc il y a toutes ces dimensions juridique, économique qui sont importantes et sur lesquelles on intervient. Le projet dont le budget s’élève à 500 mille euros s’étale sur deux ans et prend fin en 2022.