Auteur-compositeur de plusieurs succès musicaux, Adel Bondka propose un nouveau spectacle « Al Khouloud lil Fanen », produit avec la collaboration du ministère de la Culture et du Théâtre de l’Opéra. La première sera donnée demain, 13 janvier, au Théâtre des régions à la Cité de la culture. Entretien.
En quoi consiste votre nouveau spectacle « Al Khouloud lil Fanen » qui sera présenté à la Cité de la Culture ?
« Al Khouloud lil Fanen » (L’artiste éternel) est un spectacle entre la comédie musicale et l’opéra. Il ne raconte pas une histoire à proprement parler. Il est composé de plusieurs éléments artistiques : chant, musique, danse, poésie et projection vidéo représentant du dessin sur le sable.
Entre un mouvement et un autre, il y a un solo d’instrumentiste qui sert d’introduction au mouvement suivant. Il y a un mouvement de valse avec accordéon musette, le cha-cha-cha avec un morceau de violon, des « andalousiat » avec flûte et guitare classique.
Est-ce une création originale ou des reprises d’anciennes mélodies ?
Il s’agit bien d’une création originale : paroles de Habib Lassoued, composition de Adel Bondka, arrangement de Chadi Ben Othman, danse par Amna Bouneb et dessin sur le sable par Ali Yahyaoui.
Quel style de musique avez-vous adopté pour ce spectacle ?
C’est de la musique classique occidentale multi-trimbale et polyphonique. Certains mouvements sont de la musique classique, d’autres de la musique tunisienne. L’écriture musicale de tout le spectacle est classique.
Depuis 2006, j’ai entamé une expérience avec l’Orchestre symphonique allemand avec lequel j’ai présenté une «wasla» bédouine, une autre andalouse et une «wasla de rouhanihayet». Un spectacle que nous avons joué au festival de musique symphonique d’El Djem en 2006. En 2019, j’ai donné un spectacle avec le même orchestre en Allemagne.
La musique classique m’a ouvert des portes à l’international et de nouvelles perspectives à l’étranger. Cette musique requiert une partition écrite qui permet à n’importe quel musicien de l’exécuter. Il n’y a pas besoin de déplacer tout un orchestre. Il suffit aux musiciens sur place de jouer sur partition.
Quels sont les critères de choix des chanteurs : Amina Baklouti, Noha Rhaïem, Mounir Mehdi et Seïfeddine Tebini ?
Amina Baklouti est prof de chant lyrique et soprano, Mounir Mehdi a déjà eu une expérience avec moi. Sa prestation était très satisfaisante, sans compter les affinités qui nous lient. Noha Rhaïem a participé dernièrement dans The Voice et a donné un plus au spectacle avec sa très belle voix. Quant à Seïfeddine Tebbini, il est professeur de musique. Il a une remarquable voix bédouine et maîtrise bien le registre bédouin. Il a participé, notamment, au spectacle « 24 parfums » de Mohamed Ali Kamoun, présenté au festival de Carthage de 2018. Chacun d’eux chantera dans son propre registre. Par ailleurs, j’ai tenu à enregistrer la musique bien que le spectacle soit live.
Comment avez-vous préparé le spectacle techniquement ?
Au niveau de la lumière, j’ai tenu à ce qu’elle soit une simulation en 3D, de même pour la poésie. On a travaillé en amont pour éviter les mauvaises surprises lors des représentations. La composition et les arrangements ont pris beaucoup de temps.
Avez-vous bénéficié d’une aide du ministère de la Culture ?
J’ai obtenu une aide de 60 mille dinars du Fonds d’encouragement à la création artistique et littéraire avec l’aide aussi du Théâtre de l’Opéra. Le budget global est estimé aux alentours de 100 mille dinars.
Comment situez-vous votre musique sur la scène nationale ?
L’important pour un compositeur est que le public retienne ses refrains, par exemple « Bicha Bicha » qui rappelle aux personnes âgées leur jeunesse, « Khoudhoui » de Najet Attia, « Nesmet Chalha » de Alya Belaïd, « Kounti Lella » d’Anis Khemassi et d’autres succès que le public a aimés et qui ont profité aux chanteurs. A l’instar des grands maîtres qui nous ont précédés, comme Hédi Jouni, Tahar Gharsa, j’ai donné un plus au répertoire de la chanson mélodique.
D’autre part, je peux dire que je suis l’homme à projets. J’ai participé au festival de Carthage plusieurs fois grâce à un nombre de succès. J’ai collaboré à des spectacles avec l’orchestre allemand depuis plus de 14 ans. J’estime que j’ai incité plusieurs musiciens à entreprendre ce genre de projets musicaux.
Selon vous, qu’est-ce qui entrave l’épanouissement de la musique tunisienne ?
Le hic principal qui affecte la musique tunisienne est la diffusion. Les médias audiovisuels ont contribué grandement durant ces dix dernières années à la détérioration de la chanson de variétés. Tout ce secteur a été marginalisé. Le politique a porté un coup dur au secteur. Certains politiciens associent ce style musical au régime de Ben Ali. Pour eux, la nouvelle musique est le rap, ainsi que les graffiti qu’ils considèrent comme les nouvelles formes culturelles de la révolution. Ils nous ont stigmatisés. Pour preuve, le festival de la chanson a été abandonné et n’a repris que l’an dernier.
Que souhaiteriez-vous voir changer sur la scène musicale tunisienne ?
Je le répète encore une fois, le maillon manquant est la diffusion. Après la dissolution de la troupe musicale de la radio nationale, la situation peu enviable de la télévision nationale, on est arrivé à un point de non retour où l’ensemble des médias ne sont pas informés de ce qui se passe sur la scène musicale tunisienne. Dans les talk-shows ou les variétés télévisées, l’artiste n’est pas sollicité pour sa musique, mais pour créer le buzz en invoquant une dispute. La Cité de la culture grouille de spectacles, mais ils restent non médiatisés.
Quels sont vos prochains projets ?
Un spectacle avec Nabiha Karaouli qui devait être présenté au festival de Carthage de 2021, mais ce dernier a été annulé à cause de la situation sanitaire. J’ai d’autres projets avec Karim Chouaib et Bochra Saïd, produits en partie par le ministère de la Culture.