La guerre déclenchée, ces derniers jours, entre la Russie et l’Ukraine ne sera pas sans répercussions néfastes sur notre cher beau pays. Les pronostics le disent: un fâcheux contretemps soufflera sur une économie mondiale, déjà en berne, donc sur la nôtre, déjà à genoux. Quand on apprend que la Russie est le premier producteur mondial de blé (l’Ukraine est cinquième), on ne peut que s’alarmer. D’autant que le pays de Vladimir Poutine est un des plus importants exportateurs de pétrole et qu’il fournit environ 40% du gaz européen. Il va sans dire qu’il produit d’importantes quantités de métaux. Le pays est, de surcroît, le premier producteur de palladium, utilisé pour la construction des pots catalytiques des voitures notamment, le deuxième producteur d’aluminium et de nickel, et le septième producteur mondial de cuivre. L’Ukraine, quant à elle, est le premier producteur mondial de maïs.
Conséquences directes de la guerre opposant les deux pays : le prix du baril de pétrole s’est vu franchir les 100 dollars (plus de 280 TND) par baril, la tonne de blé a atteint un niveau record à 344 euros (plus de 1.000 TND) la tonne et le prix du gaz naturel a bondi de 40%, en une journée.
Dire que la tonne de blé a atteint plus de 1.000 dinars en raison de la guerre, c’est prédire sans ambages les difficultés à affronter par un pays, pris à la gorge.
Mais que peut-il y avoir de pire, pour un pays, que de récolter très rapidement les fruits de l’amateurisme et de l’inertie de ses gouvernants successifs ?
De la nécessité de comprendre
le monde qui nous entoure
Aujourd’hui que les bourrasques continuent à alterner avec les orages sous un ciel chaotique tunisien, une chose est sûre : les 45 mille ha de terres domaniales toujours inexploités ou—dans le meilleur des cas —sous-exploités relèvent d’un crime passible de la plus dure des sanctions. Car, il ne faut point badiner avec son autosuffisance alimentaire, dans un monde de plus en plus déréglé.
Pis encore. Le programme d’exploitation de ces terres domaniales, lancé en mars 2018 par le gouvernement de l’époque, dirigé par M. Youssef Chahed, mais resté lettre morte, l’est toujours, bien qu’il y ait péril en la demeure.
La guerre intervient donc là où l’on nage dans des eaux troubles. Insolvabilité, effondrement des systèmes bancaires, hospitalier et éducationnel, vertigineuse dépréciation de la monnaie nationale, appauvrissements en masse et, par ricochet, criminalité croissante. Quelle autre avanie nous réservent encore ceux qui ont tenu et qui tiennent le sort du pays ?
Dans la grisaille et face au danger aussi réel qu’imminent, il faut rappeler que le déficit alimentaire du pays est de 806,9 millions de dinars au premier semestre 2021, en aggravation inédite de 489%, qui équivaut presqu’à cinq fois par rapport à la même période de l’année précédente, selon l’Observatoire national de l’agriculture (Onagri).
Les données statistiques montrent, elles, que le déficit alimentaire est causé essentiellement, par l’accroissement du rythme des importations des céréales de 20,9%. D’autant plus que les cours des produits céréaliers (blé dur, blé tendre, orge et maïs), ont connu, en particulier, des hausses soutenues.
Autosuffisance alimentaire,
un mot d’ordre, une cause
nationale
Ces chiffres illustrent la dépendance quasi-totale du pays qui souffre d’un déficit alimentaire chronique, notamment ces dernières années. D’ailleurs, durant la période 2008-2018, la dépendance aux importations a été en moyenne de l’ordre de 57.35%, toutes céréales confondues. Ces dix dernières années, la demande intérieure en blé tendre est assurée en moyenne à 84.21% par les importations. Quant au blé dur et à l’orge, ils sont dépendants des importations, respectivement, à raison de 40.69% et 50.81% pour la même période 2008-2018, selon un rapport de l’Observatoire tunisien de l’économie (OTE) intitulé, «Les limites d’une politique de sécurité alimentaire : le cas de la filière céréalière ».
Les besoins nationaux en céréales varient entre 28 et 30 millions de quintaux par an, selon les données du ministère de l’Agriculture.
Le secteur céréalier constitue, au demeurant, un axe stratégique de l’agriculture tunisienne, en représentant 13% de la valeur ajoutée agricole. Pourtant, les timoniers de la barque tunisienne continuent à reléguer au second plan la question de l’autosuffisance alimentaire. Ils s’adonnant encore à un si grave amateurisme pour ainsi accélérer le naufrage collectif.
C’est fou ce qu’on pourrait en dire encore !