Derrière cet exploit, sans doute rarissime dans les annales du 2e sport le plus populaire dans nos murs, il y a des hommes, une structure, une stratégie. Mais, sur le terrain, un joueur, de l’avis unanime des observateurs avertis, a fait la différence. Il s’agit de Mohamed Amine Ben Ghanem qui a dominé, 60 minutes durant, adversaires et partenaires.
Excellent dans le double rôle d’architecte et de maçon, il ne s’est pas contenté de diriger les opérations offensives avec une belle vision du jeu et d’interminables passes lumineuses à ses coéquipiers qui en raffolaient. Mais il a dépassé ses «prérogatives» de constructeur pour marquer pas moins de cinq buts décisifs et sur des actions personnelles. Des buts les uns aussi beaux que les autres qui ont laissé pantois le gardien adverse, Idriss Idrissi, ce pourtant très bon keeper, qui n’oubliera pas de sitôt la sale corvée que lui avait causée le maestro de Sakiet Ezzit !
Le bourreau de l’Espérance !
«Pour cette mémorable finale de la coupe, se souvient Amine (Aminos pour les intimes), nous étions, mes camarades et moi, prêts à nous couper en quatre pour frapper un grand coup. Certes, y participer constitue déjà en soi une sacrée fierté, s’agissant d’une première dans l’histoire de notre club.
Mais, nous étions résolument décidés à nous surpasser à tout prix pour prouver que nous n’avons pas peur de l’ogre espérantiste qui balayait, jusque-là, tout sur son chemin. Et passée la première mi-temps on commençait à y croire de plus en plus fort. In fine, nous eûmes, Dieu merci, le dernier mot. Ah, cétait comme dans un rêve». Bourreau d’un jour de l’Espérance, Amine n’était pas à sa première «Intifadha» contre le seigneur de notre handball.
Déjà en 2015, il battit, à lui seul, l’équipe «sang et or», lors de la finale de la Coupe de Tunisie des juniors remportée par la JSK (32-31), ce qui lui vaudra, dans la soirée même, une convocation en sélection qu’il conduira jusqu’au championnat du monde de la catégorie au Brésil. A-t-il, par hasard, une… dent contre le club de Bab Souika, dont il est devenu l’éternel tombeur. «Non, répond-il, j’ai toujours respecté toutes les équipes sans distinction. Cependant, l’EST m’inspire le plus, me pousse à me surpasser, m’incite drôlement à me distinguer». Et s’il y atterrissait un jour? «C’est, explique-t-il, le rêve de tout handballeur d’endosser ce maillot glorieux. Je ne dirais donc pas non à une offre qui garantirait mes intérêts et ceux de mon club actuel que j’ai servi, pendant trois saisons, avec dévouement, abnégation et générosité, loin des surenchères et de la tricherie».
Le petit Kairouanais devenu grand
Comment cette étoile qui monte a-t-elle explosé dans la sphère de notre handball? «Tout a commencé, raconte “Aminos”, en 2003, lorsque mon père, Si Abderrahman, me fit signer ma première licence au profit du club de ma ville natale, la Jeunesse Sportive de Kairouan». Fou de handball, il développait déjà un talent inné qui lui permettra, en un temps record, de devenir la pièce maîtresse de l’équipe minime locale. Et c’est grâce à lui que celle-ci réussit à remporter le championnat de Tunisie à la salle de Sfax.
Deux ans après, il fit ses premières dents de lait avec l’équipe senior des Aghlabides qu’il mènera d’un succès à un autre. «Au bout du compte, indique-t-il, j’ai eu la conviction que ma bonne étoile m’attendait ailleurs, et que mon enthousiasme et mes ambitions légitimes me dictaient la quête d’autres horizons». D’où son passage en 2016-2017 à Sakiet Ezzit. Là où, aux commandes de l’équipe, il fera des prodiges, en tant que métronome-buteur par qui tout se décidait, tout se dessinait. Depuis, commença le conte de fées : deux titres arabes et une coupe de Tunisie. «On ne pouvait rêver mieux» s’exclame-t-il. Et de souligner : «C’est là franchement un joli palmarès que nous envient les grands clubs eux-mêmes qui nous sont largement supérieurs, sur les plans humain, financier et historique. Mais, notez bien que, malgré tout, nous n’avons cédé ni au triomphalisme ni à la folie des grandeurs, en gardant les pieds sur terre, persuadés que nous sommes que notre équipe a désormais suffisamment d’atouts pour poursuivre la conquête d’autres titres».
Aux portes de la sélection
Oui, Mohamed Amine Ben Ghanem est bien parti pour relever de nouveaux défis. 24 ans (le 7 septembre prochain), évoluant dans un environnement familial favorable, le premier objectif qu’il a mis dans son collimateur, c’est la sélection. «J’y tiens et j’y arriverai, inchallah» jure-t-il. Effectivement, tous les puristes le disent comme un seul homme : «Ce joueur de talent, et qui a fait sensation cette saison, est incontournablement sélectionable». L’entraîneur national Toni Gerona, toujours à la recherche d’autres cordes à son arc, est sans doute le premier à ne pas dire le contraire.
Mohsen ZRIBI