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Cyber-mendicité : On ose tout quémander !

 

La mendicité est un phénomène en expansion et complexe qui peut prendre différentes formes, allant de la demande d’aumône sur la voie publique à la sollicitation d’aide via les réseaux sociaux.

Alors que certaines personnes nécessiteuses utilisent ces plateformes pour solliciter un soutien financier, la cyber-mendicité reflète une des stratégies alternatives mises en œuvre par des escrocs, afin de soutirer de l’argent à des étrangers par des moyens électroniques. En profitant des fêtes religieuses où la «Zakat» est une obligation pour tout croyant et des occasions particulières comme la rentrée scolaire ou les catastrophes naturelles, cette activité est considérée, par ceux qui la pratiquent, comme un moyen idéal pour se faire de l’argent facilement et rapidement.

On cherche à susciter la pitié !

Les mendiants en ligne sont désormais innombrables et la communauté virtuelle est sans cesse sollicitée par ces gens qui se disent sans ressources. Un grand nombre de publications est en rapport avec des problèmes sociaux avec au premier plan : femmes divorcées ou veuves avec des enfants en bas âge, pères de famille sans emploi ou dont l’état de santé est précaire, collecte de dons pour des frais d’hospitalisation et autres soins médicaux… Faute de moyens économiques pour payer les frais de scolarité, des étudiants se trouvent également dans l’obligation d’emprunter cette voie.

Cependant, certaines annonces vont au-delà des nécessités vitales pour oser mendier des services dont on peut se dispenser, ce qui les fait toujours affronter à des réponses bourrées d’insultes et d’humiliations. On peut citer en exemple une femme qui demande de l’aide pour payer le trousseau et l’esthéticienne à une nouvelle mariée qui n’en a pas les moyens ou encore un homme qui souhaite collecter des dons afin de réaliser les finitions de sa maison avant la date prévue pour son mariage. Une agence d’excursions a lancé un appel pour payer des sorties à des enfants pauvres, incluant l’argent de poche des petits et les frais de l’agence elle-même. Ces personnes considèrent pourtant que leurs demandes sont légitimes et, comme elles sont actuellement incapables de les satisfaire quels que soient leurs efforts, elles espèrent susciter la pitié des âmes charitables et toucher leur sensibilité afin d’avoir leur soutien.

Des outils de haute technologie

Chaque mendiant doit se montrer créatif avec des arguments pour attendrir sa cible. Les annonces de demande d’aide financière ne sont pas toujours déposées de manière anonyme ou via un faux profil. Devenues leur gagne-pain, ces mendiants s’exposent de manière flagrante sur les réseaux sociaux. Plusieurs techniques sont alors mises en avant avec des innovations performantes apportées par des outils de la haute technologie de l’informatique et de la communication.

Quand la plupart préfèrent afficher leur handicap, réel ou fictif ou leurs conditions de vie misérables, ils prennent des photos, se font filmer ou lancent des vidéos en direct où l’on voit leur situation extrêmement précaire, avec parfois une musique religieuse en fond, afin de susciter la pitié. Ils montrent même leurs enfants et les forcent à participer à la vidéo. Jugée déplorable par nombre de Tunisiens, cette pratique, humiliante, assure pourtant une vie «décente» aux mendiants qui ne se plaignent pas et profitent des initiatives de solidarité et de partage venant de la communauté virtuelle.

Cependant, la qualité de l’image et du son ainsi que la mise en scène supposent la détention de téléphones coûteux avec une bonne connexion internet. Comment trouvent-ils, en dépit de la misère extrême, les moyens de se payer ces équipements ?

Escrocs ou nécessiteux ?

Plusieurs éléments peuvent expliquer le nombre de mendiants qui augmente de façon exponentielle, comme le taux du chômage et la détérioration du pouvoir d’achat. Ce n’est pas toujours l’argent facile qui pousse à tendre la main. Il s’agit du dernier recours de ceux qui n’ont plus rien pour assurer leur quotidien. Le simple utilisateur des applications prend alors des initiatives pour venir en aide et faire preuve de générosité et de solidarité citoyenne. Ramadan, mois de jeûne et de charité, est une haute saison pour les mendiants, l’aumône étant un des cinq piliers de l’islam. En plus des mendiants permanents, d’autres, qui l’exercent d’une façon occasionnelle, commencent à se manifester.

A mesure que l’utilisation d’internet pour demander une aide financière continue de croître, il est souvent difficile de déterminer si le besoin est légitime et si les dons vont réellement à la satisfaction de la nécessité exprimée. Certains postent les mêmes textes de groupe, se cachant derrière de fausses identités avec des histoires poignantes qu’ils ont inventées ou copiées. D’autres utilisent les photos ou vidéos trouvées sur internet de personnes malades ou qui ont un handicap et font des appels à dons en leur nom. Les aides peuvent même être collectées au nom d’associations caritatives fictives ou réelles, mais elles finiront par être détournées pour usage personnel au lieu de servir des causes nobles.L’image de ce business très lucratif est nourrie par les médias qui ont rapporté, à plusieurs reprises, le cas de mendiants millionnaires avec des chiffres relatifs au revenu probablement exagérés et fantaisistes. En raison du nombre élevé d’escrocs utilisant la mendicité en ligne comme moyen de profiter de la sympathie de toute personne susceptible de lire leurs publications, il est très important de prendre toutes les mesures préventives pour vérifier les affirmations des inconnus avant de faire un don.

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