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Le professeur d’économie à l’université de Tunis, Moez Soussi, a exposé, ce jeudi 27 février 2025, les enjeux de l’indépendance de la Banque centrale. Selon lui, cette indépendance implique que l’institution dispose d’un conseil d’administration chargé des décisions stratégiques et, surtout, qu’elle soit libre de définir ses politiques monétaires et de respecter ses engagements sans ingérence externe.
Intervenant sur les ondes de Mosaïque Fm, Moez Soussi a détaillé que l’indépendance de la Banque centrale permet de prendre des décisions en fonction des besoins économiques du pays, et ce, de manière autonome, en particulier pour la mise en œuvre des politiques monétaires, telles que la gestion du taux de change. Il a ainsi insisté sur le fait que cette liberté de décision est essentielle pour faire face aux défis économiques internes et externes.
Le professeur a également souligné la nécessité de revoir la conception selon laquelle la lutte contre l’inflation incomberait exclusivement à la Banque centrale. Il a plaidé pour une approche plus collaborative, où la politique de ciblage de l’inflation serait mise en place en concertation avec toutes les parties prenantes, notamment le gouvernement et les autres acteurs économiques.
En ce qui concerne les relations de la Banque centrale avec le gouvernement, Soussi a expliqué que l’indépendance de l’institution ne doit pas se limiter à ses choix monétaires, mais doit aussi s’étendre à son interaction avec les politiques publiques. Il a averti que, sans cette indépendance, un déficit budgétaire pourrait entraîner un financement direct de la Banque centrale sans les autorisations nécessaires, créant ainsi un conflit potentiel entre les priorités économiques de l’État et la gestion autonome des finances publiques.
“En Tunisie, un tel recours à la Banque centrale ne s’est produit que par délégation explicite du Parlement”, a précisé Soussi.
Il a en outre précisé que le rôle de la Banque centrale ne se réduit pas à la gestion de l’inflation. Il inclut également des responsabilités cruciales pour garantir la stabilité financière du pays et préserver la valeur de la monnaie nationale, le dinar. Soussi a également abordé les mécanismes de nomination et de révocation du gouverneur de la Banque centrale, soulignant que ces décisions doivent respecter des principes d’indépendance, sans interférence politique.
Cependant, il a rappelé que l’indépendance de la Banque centrale n’est pas une notion absolue, mais doit s’inscrire dans une dynamique d’équilibre, où les décisions sont prises avec discernement et dans le respect des impératifs économiques du pays.
Le professeur a ensuite commenté le projet de loi relatif à la révision de la loi fondamentale de la Banque centrale, qu’il considère comme une “réaction aux politiques de la Banque centrale établies par la loi de 2016”. Selon lui, cette initiative vise particulièrement à modifier la composition du conseil d’administration de la Banque centrale et à en affaiblir l’indépendance. En effet, le projet prévoit que ce conseil soit désormais contraint de consulter la commission des finances de l’Assemblée des Représentants du Peuple, et en cas de désaccord, de soumettre les décisions au président de la République. Soussi a qualifié ces démarches de série complexe et peu cohérente avec l’esprit d’une gestion indépendante.
“Une telle évolution entraînerait une perte totale d’indépendance pour la Banque centrale, la rendant alors directement impliquée dans les politiques économiques de l’État, notamment en matière de soutien à l’investissement, à l’emploi et à la croissance”, a conclu le professeur.