
Les données récentes de la Banque centrale de Tunisie (BCT) font état d’une baisse considérable, à hauteur de 94 %, de l’utilisation des chèques depuis l’entrée en vigueur de la plateforme électronique TuniChèque. Selon les statistiques communiquées par la Banque centrale jusqu’au 6 mars 2025, le nombre de chèques traités et validés sur la plateforme a atteint 94 333 chèques. Cela équivaut à une moyenne quotidienne de 3 930 chèques depuis le lancement de la plateforme, le 2 février 2025, jusqu’au 6 mars 2025. À titre de comparaison, durant la même période l’année précédente, la moyenne quotidienne de chèques échangés était de 68 055, ce qui traduit une baisse de 94,2 %.
Ce recul spectaculaire est directement lié à la mise en place de TuniChèque, une plateforme numérique qui centralise et sécurise les opérations de traitement des chèques. La loi n° 41 de 2024, entrée en vigueur en août 2024, a introduit des réformes majeures en matière de régulation des chèques, incluant un plafonnement des montants à 30 000 dinars, ce qui a conduit à une réduction notable du volume des transactions.
Les raisons de cette baisse
Le professeur en droit bancaire, Mohamed Nkhili, explique que plusieurs facteurs contribuent à cette chute de l’utilisation des chèques. En premier lieu, la limitation du montant des chèques à 30 000 dinars a entravé de nombreuses entreprises, particulièrement celles impliquées dans des transactions commerciales avec la douane ou des fournisseurs étrangers. Cette restriction a particulièrement impacté les grandes entreprises, qui ont dû se tourner vers d’autres moyens de paiement.
En second lieu, Nkhili évoque les difficultés liées à la plateforme TuniChèque. Bien qu’elle ait permis une numérisation des chèques, des problèmes techniques persistent et compliquent l’utilisation de cette technologie, ce qui incite certains utilisateurs à se détourner de cette méthode de paiement.
Enfin, le processus de validation des chèques sur la plateforme semble peu adapté aux besoins des grandes entreprises, qui réalisent un grand nombre de transactions quotidiennes. Le manque de fluidité et de rapidité dans ce processus a poussé certaines sociétés à abandonner l’utilisation des chèques en faveur d’autres options de paiement.
Face à cette situation, Mohamed Nkhili propose plusieurs réformes pour redynamiser l’utilisation des chèques en Tunisie. Il suggère, notamment, que la plateforme TuniChèque soit dotée d’une fonction de lecture automatique des montants des chèques, grâce à l’intelligence artificielle, afin de simplifier et accélérer le processus de validation. Il plaide également pour la suppression du plafond de 30 000 dinars, soulignant que cette mesure freine l’activité des entreprises, particulièrement celles du secteur privé.
Par ailleurs, le professeur Nkhili insiste sur la nécessité de renforcer la formation des agents bancaires pour mieux informer les clients sur le fonctionnement de la plateforme et de mettre en place une meilleure coordination entre la Banque centrale et les banques. De plus, il appelle les institutions publiques à adopter pleinement la plateforme numérique et à utiliser les chèques de manière plus systématique, afin de garantir l’application des réformes législatives.
Dans le contexte actuel, où la majorité des transactions se font avec des institutions publiques, le manque d’acceptation des chèques par certaines administrations complique davantage la situation. Pour Nkhili, il est impératif que l’État applique ses propres lois et que les institutions publiques intègrent pleinement le système plafond de 30 000 dinars, soulignant que cette mesure freine l’activité des entreprises, particulièrement celles du secteur privé. L’objectif est de faciliter la transition vers un système de paiement entièrement numérique, en phase avec les enjeux de modernisation de l’économie tunisienne.