Accueil Culture «L’Eloge du rien» de Boris Mitić : Par-delà les règles du cinéma…

«L’Eloge du rien» de Boris Mitić : Par-delà les règles du cinéma…

Avant d’écrire Madame Bovary, Gustave Flaubert a dit (à Louise Collet) qu’il allait écrire un livre sur rien. Plus d’un siècle et demi plus tard, le réalisateur serbe Boris Mitić a dit aussi qu’il allait faire un documentaire sur rien. Une réflexion sur le cinéma et un mariage heureux entre le texte et les images.

La chaîne Arte dans sa case «La lucarne», orientée plutôt vers l’art et l’essai, vient de diffuser le documentaire «L’éloge du rien» de Boris Mitić réalisé en 2017. Que nous dirait le “rien” s’il pouvait parler ? Comment le filmer ? Voici l’idée de départ du réalisateur qui ne paraissait pas facile au début, mais voici qu’il décide de relever le défi dans «une déflagration documentaire grandiose» comme il l’annonce dans la première pancarte du film. D’abord, le texte déclamé par la voix de Iggy Pop est en lui-même une trouvaille linguistique écrite avec des rimes sournoises et hilarantes, a-t-on envie de dire (des rimes juste pour faire la rime), qui nous rappelle parfois la gymnastique des poètes surréalistes et les trouvailles brillantes et étonnantes des écritures automatiques. Mais dans tout ce texte, il y a un sens où le Rien parle à la première personne, cherche à se définir et pose un regard désabusé sur l’humanité avec laquelle il a toujours vécu. Un rien qui dit «Je ne sais pas si je dois dire “je” ou “nous”, dès le début du film, mais il continue à parler à la première personne et montre à quel point il connaît la nature humaine à travers ce texte extraordinairement marié à de très belles images venant du monde entier. Car l’un des tours de force de ce documentaire, c’est que les phrases tombent sur les images comme une bague au doigt sans les décrire, sans les juger, mais en créant à partir de cette succession de plans une association d’idées heureuses et pétillantes dans l’esprit et au regard du spectateur… Du troisième degré et de l’humour noir si fin qu’il faut parfois prendre l’ascenseur cérébral pour y accéder… Cette succession de plans très différents les uns des autres devient alors une sorte de chapelet que le fil du texte relie et nous raconte cette fabuleuse aventure du RIEN. Une réflexion sur le cinéma également et sur la manière de raconter différemment une histoire. Le RIEN le dit d’ailleurs dans l’une de ses phrases «Jouons donc par-delà les règles du cinéma». Cocasses et philosophiques sont également les réflexions du RIEN qui joue avec le spectateur…

«On dit qu’on ne peut que me deviner sans apparaître, contrairement aux autres choses qu’on ne peut pas connaître. Mais je suis pourtant présent dans tous les plans tournés, si tu fais l’effort de me chercher.» Des plans tournés dans le monde entier avec les caméras de 62 complices dans le monde.

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