Il y a une certaine réticence sous réserve que telle ou telle information pourrait porter atteinte à la présumée « sécurité nationale ». Un terme flou qui ne justifie nullement les manœuvres dilatoires auxquelles a recours l’administration.
Droit d’accès à l’information, dites-vous ! La loi l’organisant, bien qu’adoptée il y a cinq ans, pose toujours problème. Jusque-là, le journaliste, premier concerné, n’y trouve pas encore son compte. Pourtant, la question n’a cessé de susciter, à chaque fois, un débat pour renvoyer la balle dans le camp de l’administration. Pas plus tard qu’hier, une table ronde, tenue à l’initiative de l’association Bina, en partenariat avec le site Kashf Média et le Snjt, est revenu sur ce droit d’accès à l’information, cinq ans après son entrée en vigueur. Entre le texte et la pratique, il y a un hiatus. Voire une certaine réticence sous réserve que telle ou telle information pourrait porter atteinte à la présumée « sécurité nationale ». Un terme flou qui ne justifie nullement les manœuvres dilatoires auxquelles a recours l’administration.
La liberté d’expression en jeu
Journalistes, Snjt, société civile sont unanimes sur ces difficultés qui sapent, en quelque sorte, l’exercice journalistique, allant jusqu’à faire assumer l’entière responsabilité à l’Etat, représenté par son administration. Car, celle-ci n’a pas encore saisi que les choses ont changé et que tout ce qu’on croyait être « tabou » ou classé « top secret » est révolu. Parlons-en ainsi, la liberté d’expression est un acquis révolutionnaire irrévocable qu’on doit défendre bec et ongle insiste Mohamed Yassine Jelassi, président du Snjt. Et d’ajouter que certaines structures publiques ont profité de cette conjoncture sanitaire dictée par la pandémie pour ne pas donner suite aux demandes d’accès à l’information déposées par les journalistes. Un tel revirement incompris est de nature à renvoyer ce droit aux calendes grecques. « Mais, il n’en est pas question ! On ne lâchera pas prise », ainsi réagit-il.
Ne touche pas à mon droit !
Pris à témoin, Aissa Zyadia, journaliste au site Inkifada, a dénoncé les atermoiements de l’administration qui n’hésite point à mettre des bâtons dans les roues. Sinon, elle verse dans la désinformation. Sous l’emprise d’une bureaucratie de trop, fustige-t-il, avoir une information semble quasi impossible. Soit une denrée rare. « Or, on a, plus que jamais, besoin de l’information », martèle-t-il. Elle est telle que son absence cèderait la place à des « fake news », un phénomène qui compromet toute vérité. Face à quoi la profession a trop perdu de son crédo. Et là, c’est une autre menace bien réelle qui pèse sur l’image de nos médias. Un vrai problème déontologique auquel s’ajoute la pression des lobbies et des politiques aux intérêts étriqués. Cela dit, la liberté d’expression ne peut, en aucun cas, être soumise au chantage.
Qu’en est-il de l’Instance nationale d’accès à l’information (Inai) ? Bien qu’elle ait réalisé des succès, en termes de nombre des d’affaires tranchées par la justice, cette instance n’a pas, semble-t-il, le vent en poupe. « Son rôle n’est plus ce qu’il était, vu les difficultés institutionnelles et de restructuration qu’elle continue à subir», juge Karim Belhaj Aissa, directeur du « programme Transparence » à l’Article 19. Jusqu’ici, précise-t-il, l’Inai n’a pas de président, suite au départ, il y a deux ans ou presque, de son chef précédent M. Imed Hazgui, lors de sa désignation à la tête du ministère de la Défense. Elle connaît aussi un vide juridique, sans organigramme. Et encore moins un statut régissant ses agents. Du côté de l’administration, poursuit-il, il y a un certain blocage qui empêche à avoir accès à l’information. Alors qu’il s’agit, bien évidemment, d’un droit inaliénable. C’est là que le bât blesse !
Quel journalisme d’investigation espère-t-on voir, dans la foulée de ces contraintes posées à l’avenir du métier ? Article 19, indique-t-il, fait de son mieux pour fournir aux journalistes des formations suivies d’accompagnement à toute demande d’accès à l’info. « Entre ce droit d’accès à l’information et le travail journalistique à jour, il faut faire la part des choses», souligne M. Belhaj, en conclusion. D’ailleurs, notre collègue au journal Essabah, Monia Arfaoui, était du même avis.