La sous-secrétaire d’État américaine adjointe Wendy Sherman lors d’une rencontre en ligne avec les journalistes Tunisiens : « La démocratie et la liberté sont les principes de notre politique interne et externe »

Washington est clair. La consolidation du processus démocratique en Tunisie, le parachèvement des institutions telles que la Cour constitutionnelle, l’indépendance des instances et la liberté citoyenne et celle de la presse en particulier, seront les indicateurs qui vont déterminer le niveau des relations avec Tunis.

« La démocratie et la liberté sont les principes de notre politique interne et externe », a expliqué la sous-secrétaire d’Etat américaine adjointe Wendy Sherman lors d’une rencontre en ligne avec les journalistes tunisiens. Il est clair que l’administration Biden ne voit pas d’un bon œil l’état délétère des libertés en Tunisie marqué par des agressions multiples contre les médias et les acteurs de la société civile. Une régression qui a souvent pris comme contexte le climat social et économique détérioré à cause de la crise sanitaire mais où le recours à la répression musclée des forces de sécurité, les interpellations violentes et la mise en examen de plusieurs blogueurs et journalistes.

Les manœuvres politiques de part et d’autre sur un partage des  pouvoirs au détriment des principes démocratiques n’arrangera en rien les choses qui devraient aller, selon Washington, vers une meilleure consolidation des acquis démocratiques car les Etats-Unis considèrent « la Tunisie comme un partenaire privilégié ». « Les relations entre les deux pays se basent sur un engagement mutuel envers les principes démocratiques. Elever le niveau de la démocratie et les droits de l’homme sont parmi les centres d’intérêt dans notre politique interne et externe », a-t-elle souligné. Et même si « toutes les démocraties sont confrontées à des défis de temps à autre, mais notre démocratie est forte car nos citoyens cherchent à rendre nos pays plus libres et plus justes », a-elle martelé insistant sur le rôle citoyen et celui des journalistes en particulier pour défendre ce rempart démocratique encore jeune.

« Je veux focaliser sur l’importance des médias libres et indépendants et vous pouvez comptez sur les USA pour traiter avec les journalistes avec respect. Votre travail est très important pour booster la démocratie en Tunisie et dans le monde », a-t-elle asséné.

Rencontre avec Mechichi

Evoquant à ce propos son entretien avec le Chef du gouvernement, Hichem Mechichi, elle a affirmé avoir discuté de l’importance de persévérer dans les efforts de la consolidation du climat démocratique et de l’instauration de la Cour constitutionnelle et de garantir plus de respect des droits de l’homme et à la liberté de presse et de tout mettre en œuvre pour parvenir à  une société plus juste et plus inclusive. C’est pourquoi elle a souligné l’importance du dialogue entre les acteurs politiques pour que les parties intervenantes puissent convenir d’une sortie de crise qui ne fera que renforcer les pourparlers avec le FMI pour rallumer les moteurs de l’économie.

« C’est une question sur laquelle doit travailler Tunis afin que la démocratie qui vit plusieurs défis puisse en sortir victorieuse. Même aux USA, nous travaillons, malgré les divergences, avec les deux partis pour rapprocher les points de vue et pour que la démocratie soit renforcée par elle-même », a-t-elle encore souligné. « Je pense que vous êtes conscients des défis auxquels votre pays est confronté et de la nécessité de dépasser cet épisode pour se concentrer sur la relance économique et l’amélioration de l’atmosphère politique qui est l’un des objectifs auxquels aspire le peuple tunisien », a-t-elle martelé.

Et de rappeler qu’au cours des dix dernières années, « les Etats-Unis ont accordé un soutien financier et technique très important à la Tunisie pour qu’elle renforce sa démocratie et retrouve sa croissance économique. Cela englobe le financement, les aides sanitaires pour faire face à la pandémie de Covid-19 », a ajouté la sous-secrétaire d’Etat américaine adjointe Wendy Sherman.

« On a aussi passé beaucoup de temps à parler de la crise sanitaire dans le monde et on a exprimé notre volonté de faire tout ce qui est nécessaire à travers le MCC et les garanties américaines possibles pour soutenir le pays avec le FMI pour que la Tunisie puisse retrouver son dynamisme », a-elle expliqué.

« Au début de cette semaine, le président Biden a décidé de faire don de 55 millions de doses de vaccin anti-Covid. La Tunisie sera parmi les pays qui vont profiter de ce don à travers Covax ou à travers les dons directs à partir de la semaine prochaine », a-t-elle rassuré.

Dans ce cadre, elle a révélé que Washignton aspire à signer une convention Millennium Challenge Corporataion (MCC) qui porte sur 500 millions de dollars en faveur de la Tunisie pour renforcer le secteur du transport, du commerce ainsi que pour accompagner le pays dans  la gestion de ses ressources hydriques et l’emploi. « Ce programme favorisera le développement économique et aider à faire face aux changements climatiques. Nous travaillons aussi sur la transition énergétique dans le monde et aux Etats-Unis et on pense que le réchauffement climatique est un facteur de risque pour la Tunisie. C’est pourquoi les USA préfèrent le dialogue avec le gouvernement et les acteurs de la société civile pour connaître leurs soucis », a-t-elle souligné.

« Avec le FMI et les autres institutions, nous soutenons la Tunisie à travers notre ambassade et à travers d’autres mécanismes afin qu’on arrive à formuler des recommandations à la partie tunisienne mais la décision revient à la classe politique tunisienne qui doit évaluer les exigences du FMI. Certes,  nous pouvons apporter un soutien logistique et technique, mais il y a des décisions importantes et sensibles que doit prendre la Tunisie pour pouvoir mieux profiter  du MCC, qui a déjà servi deux milliards de dollars pour soutenir la Tunisie depuis 2011 ».

Crise en Libye

Abordant la question libyenne, elle a admis que Washington suit de près ce dossier. « Nous nous intéressons beaucoup à la Libye et il y a une conférence à Berlin qui est une occasion pour exprimer de nouveau notre disposition à soutenir les élections en Libye à la fin de cette année. Nous agissons en faveur de l’application de la décision des Nations unies pour le cessez-le-feu et la temporisation du conflit ainsi que pour l’évacuation des combattants étrangers pour garantir que les élections se déroulent dans les normes requises », a-elle affirmé. Et d’ajouter que « nos deux pays sont engagés dans ce rendez-vous pour les Libyens et nous ferons tout pour soutenir le peuple libyen dont la stabilité profiterait directement à la Tunisie et aura un impact positif sur sa situation économique et commerciale ». « Nous sommes d’accord que les combattants doivent quitter la Libye et la question est en cours de discussion à Berlin mais l’interrogation  demeure comment rendre cela possible », a indiqué la responsable américaine.

Une solution à deux Etats ?

Interrogé sur la position américaine sur la question palestinienne, la responsable américaine a répondu que « ce n’est peut-être pas le moment pour parler de la solution des deux Etats ». « Nous travaillions avec nos partenaires pour faire respecter le cessez le feu et pour qu’il y  ait une reconstruction à Gaza. C’est le seul moyen pour aller de l’avant», a-t-elle fait remarquer.

Mais elle a affirmé que les Etats-Unis soutiennent la solution des deux Etats car il est important pour les Palestiniens de vivre dans la dignité mais « c’est aussi le droit des Israéliens de vivre en sécurité et dans la stabilité », a-t-elle fait savoir.

D’autre part, la polémique sur la technologie 5G a été évoquée au cours de cette rencontre. « C’est une question d’une très grande importance pour nous. Nous voulons aider les pays à développer leurs capacités technologiques mais nous voulons être sûrs que la Chine ne dispose pas d’une infrastructure 5G qui peut présenter une menace pour ces pays à l’instar de la Tunisie », a-t-elle expliqué. « Nous croyons que les pays ont le droit de se développer à travers la technologie et nous n’avons pas l’intention de freiner les efforts technologiques chinois mais on pense qu’il faut faire face à la menace qui découle de la présence d’un seul joueur sur la scène qui peut compromettre la sécurité nationale technologique des pays.

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