Projet de loi sur l’égalité successorale: le forcing de la dernière heure

Le projet de loi sur l’égalité successorale, adopté le 22 novembre 2018 lors d’un Conseil des ministres exceptionnel, est destiné à faire diversion et à détourner l’attention des véritables enjeux auxquels fait face le pays, s’obstinent à clamer les détracteurs au moment où le président de la République  Béji Caïd Essebsi, sur les traces du chef suprême de la nation Habib Bourguiba, s’engage pleinement pour l’adoption de ce projet. Il en a fait même son cheval de bataille. Ce sera en quelque sorte l’apothéose de sa carrière politique dans la Tunisie post-révolution. Toutefois, le temps presse pour le vieux routier de la politique mais pas pour le parti islamiste Ennahdha qui prend tout son temps et affiche de plus en plus son refus à cette initiative.
Le président du parti Ennahdha, Rached Ghannouchi, avait, rappelons-le, refusé de rencontrer les membres de la Commission des libertés individuelles et de l’égalité (Colibe), selon la déclaration de Bochra Belhaj Hmida en août 2018. Quelques mois après, et plus précisément en septembre de la même année, Bochra Belhaj Hmida a reçu  le prestigieux prix 2018 de l’héroïne de la campagne globale contre l’extrémisme et l’intolérance qui lui a été décerné aux Etats-Unis par la Fondation Global Hope Coalition. Une consécration à l’extérieur pour cette militante de longue date contre une campagne de dénigrement à l’intérieur du pays qui n’a épargné aucun membre de la Colibe.
Comme attendu, le  dirigeant du parti islamiste, Noureddine Bhiri, a, depuis peu, opposé sur les ondes d’une radio privée,  un refus catégorique à ce projet de loi  et son refus aussi à l’ouverture des cafés durant le mois de ramadan. Un avant-goût de ce qui va changer au cas où ce parti s’emparerait à nouveau du pouvoir.
Certes, tout le monde ne l’entend pas de cette oreille et les propos  du ministre de la Justice, Mohamed Karim Jamoussi sont venus confirmer une position bien neutre et qui n’est pas de nature à plaire aux partisans de l’amalgame entre religion et politique. «Le projet de loi sur l’égalité successorale n’est pas en contradiction avec la Constitution et les lois et nul n’est besoin d’avoir recours à un référendum», a-t-il déclaré en substance  lors de son audition par la Commission de la santé et des affaires sociales. « C’est au ministre des Affaires religieuses de statuer s’il y a réellement conflit avec certains versets coraniques », a ajouté Jamoussi.
Le verdict est tombé. C’est on ne peut plus clair mais le projet suscite toujours la réticence et l’opposition  du parti Ennahdha  qui a pourtant acté sa mue en parti civil en 2016 lors de son 10e congrès mais n’a pu se débarrasser de ses anciens réflexes et s’adapter à ce nouveau statut.
Le projet de loi sur l’égalité successorale sera vraisemblablement renvoyé aux calendes grecques en raison de l’approche des vacances parlementaires. Après la période estivale, les partis politiques fourbiront leurs armes pour les élections législatives et la présidentielle. Ce n’est pas si urgent. Entre-temps, la femme tunisienne sera toujours privée de ce droit  et nos politiques, toutes tendances confondues,  ne cesseront de fanfaronner dans leurs discours en confirmant, chaque année à la date du 8 mars, que la femme est l’égale de l’homme.

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