Accueil Culture «Abou Leila» d’Amin Sidi-Boumediane et «Salvation Army» d’Abdallah Taia: Un cinéma maghrébin audacieux

«Abou Leila» d’Amin Sidi-Boumediane et «Salvation Army» d’Abdallah Taia: Un cinéma maghrébin audacieux

Sélectionné en compétition officielle lors de la semaine de la Critique au festival de Cannes de 2019, «Abou Leila» du jeune Amin-Sidi Boumediane a chamboulé le cinéma maghrébin par sa portée esthétique et politique. En 2013, le long-métrage marocain d’Abdallah Taia «Salvation Army», mis en ligne récemment par son auteur en accès libre, a bousculé les mentalités autour des tabous sociaux.

«Abou Leila» d’Amin Sidi-Boumediane : entre onirisme et réalité 

La décennie algérienne des années 90 n’a cessé d’imprégner le cinéma algérien jusqu’à nos jours. Ce contexte historique critique de l’histoire offre souvent des perspectives de repenser l’époque, de questionner notre présent et de mieux appréhender l’avenir. «Abou Leila», du jeune réalisateur Amine Sidi-Boumediane, a bousculé la vision des spectateurs, notamment autour de ce pan caduque de l’histoire maghrébine. Nous sommes en 1994, et le film s’ouvre sur l’assassinat d’un intellectuel en plein Alger. Commence alors une ruée effrénée dans le désert de deux amis à la recherche de ce terroriste redoutable nommé «Abou Leila». Aussi simpliste que le synopsis l’annonce, l’histoire demeure complexe et visuellement puissante et épuisante. L’un des deux protagonistes est sous antidépresseurs et mentalement épuisé, hanté par des visions violentes, et des cauchemars presque réels, tandis que son acolyte est bienveillant, il le traite bien, le protège et le soigne. Les deux sont flics et amis, partis traqués ce terroriste. Un périple à haut risque est entamé…

A travers leur ruée trépidante dans le désert, toute cette décennie noire algérienne est racontée autrement à travers la folie et la paranoïa de l’un des deux héros. Pari risqué, mais étonnement bien relevé : cette violence politique et idéologique est si tragique qu’elle plonge le peuple dans une noirceur sans fin : un peuple pulvérisé, fragilisé, au bord du gouffre. La musique porte l’action et ces plans nature bercent le spectateur de bout en bout. Ce cheminement se veut lumineux et solaire, tant sur le plan psychologique, qu’esthétique et narratif. Les spectateurs n’en sortent pas indemnes après 2h20 de bousculades et d’étirement entre le réel insoutenable et l’imaginaire onirique.

«Salvation Army» d’Abdallah Taia : transgresser les tabous

Réalisé en 2013, le film d’Abdallah Taia «L’armée du Salut» (titre en français) a été mis en ligne sur la plateforme Aflemuna pendant quelques jours. L’occasion pour les spectateurs de le revoir. Le long métrage de 80 min est une fiction qui brise le dissimulé autour de l’homosexualité masculine au Maroc, vécu en cachette. Ce film est largement inspiré d’une autobiographie, celle du jeune Marocain Abdallah, qui vit dans un quartier à Casablanca en vivant pleinement un quotidien d’été, fourré de péripéties relationnelles et de vécu tabou.  Le jeune Abdallah a grandi en étant témoin des violences subies par sa mère: son père respectif la battait. Un père brutal, aux prises à des démences graves et qui finit par se donner la mort. Délivré de ce supplice familial, l’adolescent livré à lui-même, continue à se familiariser avec la rue, son environnement, sa nature, l’ambigüité des relations humaines, sexuelles et écume les expériences, à la recherche de son soi.

L’anatomie d’un pays et de sa culture profondément attaché à la masculinité, et à la suprématie du mâle dominant, est décortiquée et illustrée. Au-delà du cocon familial nocif, la sexualité du jeune garçon est montrée d’une manière plus frontale, débridée, et ce, jusqu’à ce qu’à ce qu’il évolue. Techniquement, les plans larges, longs et lents filment l’ennui et la morosité vécus dans un contexte marocain pauvre et conservateur, spécialement au niveau des mœurs.

Une faiblesse se fait sentir au niveau de la direction d’acteurs : les échanges, les scènes de groupes et le jeu d’acteur manquent souvent de crédibilité. Un film engagé, bien intentionné et structuré, mais qui traîne quelques faiblesses cinématographiques.

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