Tribune | Aimons notre pays et travaillons un peu plus pour lui !

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Par  Boubaker BENKRAIEM*       

«Le courage n’est pas l’absence de peur, mais la capacité de la vaincre».  (N. Mandela)
« La valeur d’un homme ne se mesure pas à son argent, son statut, ou ses possessions. La valeur d’un homme  réside dans  sa personnalité, sa sagesse,  sa créativité,  son courage, son indépendance et sa maturité ».  (Mark. W. B. Brinton)

Les peuples, d’une manière générale, ne jugent leurs gouvernants et ne sont pas intéressés seulement par les performances économiques réalisées, par le rayonnement diplomatique de leur pays, par les dénouements scolaires ou universitaires de leurs enfants, par les relations du pays avec tel ou tel bloc, par le plan de développement présenté, par le nombre de touristes qui ont visité leur pays, par la programmation des centres sanitaires à créer ou par la réforme de l’enseignement. Au fait, les citoyens sont essentiellement sensibles à deux  exigences  qu’ils jugent fondamentales sinon vitales pour eux et pour leurs familles :

1 — la pérennité de leur emploi

2 — la baisse du coût du couffin ou du panier de la ménagère.

Pour tout le reste, ils font, généralement, confiance aux chefs politiques et aux spécialistes en la matière ou ils n’en ont cure.

Sur le plan emploi, la question est toute simple : comment , d’une part, faire pour maintenir les emplois actuellement tenus par les centaines de milliers de nos concitoyens et, d’autre part, que faire pour attirer davantage d’investisseurs étrangers et tranquilliser les investisseurs tunisiens pour continuer à investir dans le pays et, ainsi, créer de nouveaux emplois, les tranquilliser au vu de ce qui s’est passé sur les sites d’extraction de phosphate, autour des stations de pompage de pétrole et, qui sait, demain, sur quel autre site économique ou  entreprise ?

Nonobstant la légitimité des différentes revendications sociales, les abus enregistrés, particulièrement dans le bassin minier et les sites pétroliers au Sahara, dix ans après la révolution, dans une situation socioéconomique très dégradée, mettent l’intérêt collectif, la sécurité nationale même, en jeu et ne sont plus supportables. Compte tenu de la précarité de notre économie, nous avons des centaines de milliers de chômeurs et ce nombre risque, malheureusement, d’augmenter si on ne prend pas le taureau par les cornes et si on n’applique pas les mesures salutaires qui ont été, depuis longtemps, bel et bien instituées par les lois du pays. Autant les demandes des dizaines de milliers de diplômés  ou non en chômage sont légitimes, autant les méthodes de protestation ou de réclamation sont inacceptables car, telles qu’elles étaient présentées, elles seraient tout simplement contre-productives pour le pays: elles décourageraient autant les investisseurs locaux qu’étrangers et, par conséquent, il ne peut y avoir de nouvelles créations d’emplois même si on institue des  mesures plus incitatives. 

Je ne veux rien insinuer ou rappeler puisque nous avons nos lois et nos règles dans pareils cas. Mais ne craignons-nous pas qu’en laissant faire et en laissant aller comme on l’a souvent fait, nous encourageons, en quelque sorte, d’autres jeunes à faire autant, au risque de voir beaucoup d’hommes d’affaires, nationaux et étrangers, qui investissent chez nous, pour gagner de l’argent mais qui, quand même, nous rendent un sacré service, celui de faire travailler nos jeunes, mettre la clé sous le paillasson ? Dans cette hypothèse à laquelle beaucoup de sit-ineurs n’y ont probablement pas, pensé, croient-ils qu’en agissant de la sorte, ils vont améliorer les finances du pays ou veulent-ils multiplier par trois ou cinq le nombre de chômeurs et mener le pays à la faillite, faillite qui peut nous surprendre à tout moment? 

J’appartiens à la génération de l’indépendance et j’aime, j’adore, comme les gens de mon âge, mon pays, la Tunisie, pour moi le plus beau pays du monde, non pas parce qu’il m’a tant donné, mais parce que j’ai vécu le colonialisme avec ses misères, ses dénuements, ses malheurs et ses tracasseries et malgré le peu de moyens dont nous disposions, nous avons participé à la construction d’un Etat moderne avec toutes ses composantes, un Etat respectable et respecté. Je ne veux pas voir s’évaporer tout ce que tant de générations ont réalisé, avec très peu de  possibilités  et parfois dans des conditions beaucoup plus difficiles que celles de ces dernières années. N’est-ce pas une honte que notre pays, connu comme étant l’un des plus grands producteurs de phosphate du monde (classé 5e mondial), importe du phosphate pour faire fonctionner ses usines en vue de satisfaire les clients étrangers d’une part et produire les quantités d’engrais nécessaires à notre agriculture d’autre part ! Est-ce que l’intérêt de quelques demandeurs d’emploi, qu’ils soient dix ou cent mille, prime sur l’intérêt national, celui du pays tout entier ? N’est–ce pas scandaleux pour notre pays que de laisser condamner nos usines traitant notre phosphate, les pourvoyeuses de devises, prendre le risque de payer des dommages et intérêts à leurs clients, en cas de non-respect des contrats qu’elles ont avec eux !! N’est-ce pas lamentable, en agissant de la sorte, de perdre des clients traditionnels qui, s’ils partent, ne reviendront probablement plus parce qu’ils ne nous feront plus confiance ? Et n’est-ce pas plus honteux que le gouvernement ainsi que la justice laissent faire sans intervenir pour lever, interdire et  punir les acteurs de pareil sit-in et leurs commanditaires car la loi ne dit-elle pas qu’il est formellement interdit d’empêcher les gens de travailler? N’avons–nous pas le courage nécessaire pour utiliser la force Publique pour dégager ces malfaisants ?  

Aussi, ces sit-ineurs ne sont-ils pas manipulés ? Qui les soutenait en plein Sahara, de surcroît en zone militaire, dont tout accès est soumis à autorisation ? Qui leur a fourni tout ce ravitaillement et ces moyens logistiques durant toute cette longue période ? 

Evidemment, il ne s’agit nullement de mettre en cause ou négliger ni le droit de manifester, ni les revendications mêmes des sit-ineurs. Il s’agit plutôt de prendre en compte et préserver l’intérêt général tout en considérant l’intérêt particulier. Ignorent-ils la situation économique et les difficultés que connaît, actuellement notre pays ? Ont-ils conscience des conséquences de pareil  acte ?

Si nous voulons que notre pays reprenne confiance pour recouvrer la place qui était la sienne parmi les nations en développement, dont certaines qui étaient loin derrière nous sont aujourd’hui, bien loin devant nous, les blocages de routes, les entraves, les empêchements des travailleurs de rejoindre les sites de travail ne doivent plus être de fait tolérés, et tout siège ou blocus de lieu, de poste ou d’infrastructure doit être, immédiatement, levé, au besoin par la force publique et sanctionné, évidemment, toujours dans le respect de la loi.

C’est grâce à pareille mesure courageuse qui doit être mise à exécution d’urgence que l’Etat se fera respecter. Assez de populisme et soyons fermes quant à l’application de la loi lorsque l’intérêt du pays l’exige. C’est ainsi, et ainsi seulement, que les opérateurs tunisiens et étrangers seront assurés et rassurés sur leurs projets et peuvent penser, sans crainte, au développement de leurs affaires et recruter des personnels. Cela encouragera les opérateurs étrangers, hésitants et en attente, à nous faire confiance, à s’engager davantage et à investir. 

Que nos concitoyens comprennent, une fois pour toutes, que l’Etat ne se laissera pas intimider et qu’il a les moyens nécessaires pour faire appliquer la loi et surtout qu’il est déterminé à la faire respecter. 

Compte tenu de tout ce qui s’est passé au Parlement (insultes, offense, insolence, outrage, incorrection, impolitesse et même voies de fait envers des adversaires politiques) un bon nombre de députés ont fait preuve non seulement d’inaptitude mais encore d’insolence et d’incorrection et ne peuvent, de ce fait, représenter nos concitoyens. Ayant fait preuve de leurs limites, leur départ est vraiment recommandé, pour le bien du pays. 

Je pense que, compte tenu de tout ce qui se passe au sein de l’une de nos principales institutions, les chefs des partis politiques doivent s’engager et assumer  leur responsabilités  pour que la raison, la sagesse et surtout l’intérêt national l’emportent, en vue d’assurer et de garantir la stabilité, la sécurité et la place de notre pays au sein du concert des nations car il ne peut plus supporter pareille pagaille, semblable démagogie et désolant spectacle que nous présentons au monde entier, synonymes, si cela perdure encore, de catastrophe historique pour la Tunisie.

Aussi, n’avons-nous pas, déjà, perdu trop de temps car, en fait, qu’avons-nous réalisé pour le pays depuis ce fameux 14 janvier, depuis  dix ans ? Dix ans, cela ne suffit pas ?

Monsieur le Président de la République, qui a pris, le 25 juillet dernier, des mesures tout aussi courageuses que salutaires, est prié de maintenir le cap, tout le temps qu’il faut, pour que notre pays reprenne le droit chemin, se remette, sérieusement au travail comme il l’a toujours été et ne pense qu’à produire beaucoup plus et beaucoup mieux. C’est ainsi que nous retrouverons notre cher et beau pays que nous aimons et que nous avons toujours considéré  comme étant parmi les meilleurs, que nous avons servi avec sincérité, avec notre sueur, avec notre sang et avec nos tripes, que nous avons toujours sauvegardé dans toutes les situations, que nous avons défendu sans hésitation ni murmure et auquel nous avons tout donné sans jamais rien demander.

Que Dieu veille et protège la Tunisie éternelle, l’héritière de Kairouan et de Carthage.

B.B.

* Ancien sous-chef d’état- major de l’Armée de Terre, ancien gouverneur.        

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