Baisse remarquable des apports en eau dans les barrages et conséquences désastreuses : Les agriculteurs appelés à renoncer aux cultures d’arrière-saison

Les ressources en eau sont tellement faibles qu’elles ne peuvent pas répondre aux besoins des cultures maraîchères d’arrière-saison

Après deux années de sécheresse, les barrages sont à leur niveau le plus bas. Au 31 Aout 2021, les apports en eau aux barrages ont été de 804 millions de m3 contre 790 Mm3 pour l’année précédente. De ce fait, la campagne agricole 2021-2022 démarre avec un stock d’eau dans les barrages de 762 Mm3 ce qui représente un taux de remplissage des barrages de 33%, soit 250 Mm3 de moins que le stock de l’année précédente à la même date.

Depuis le mois de juin, l’alerte a été donnée par les commissariats aux développement agricoles (CRDA) et aux Groupements de Développement Agricoles (GDA) des gouvernorats de Monastir, Mahdia et Sousse qui sont alimentés par le barrage Nebhana situé au gouvernorat de Kairouan qui présentait un stock d’eau de 3,7 Mm3. Au cours du mois d’Aout, même le gouvernorat de Jendouba et de Nabeul ont subi les mêmes restrictions à cause de l’indisponibilité de l’eau dans le barrage de Sidi Salem dont le stock d’eau est estimé au 31 Aout 2021 à 131 Mm3. De ce fait, les communiqués adressés par les CRDA obligent les agriculteurs à ne pas pratiquer les cultures maraîchères d’arrière-saison conduites sur les périmètres publics irrigués a souligné Raoudha Gafrej, experte en ressources en eau et adaptation au changement climatique. A cause de la sécheresse, la saison s’annonce désastreuse pour les régions de Jendouba, Béja, Sousse, Monastir, Mahdia et Kairouan qui concentrent le plus grand nombre de zones agricoles publiques irriguées à partir des eaux de surface. « L’orientation du Ministère de l’agriculture est de fournir seulement 20% des besoins de l’arboriculture afin de ne pas perdre le capital  en eau», ajoute l’experte en ressources en eau.

Les épisodes de sécheresse vont s’accentuer

Les ressources en eau se trouvent également bien en deçà de la moyenne des apports enregistrés chaque année dans tous les barrages. Le barrage de Sidi Salem (gouvernorat de Béja) est rempli à 22% de sa capacité ; les apports en eau des barrages de Ben Mtir et Bouhartma (gouvernorat de Jendouba)représentent uniquement 18% de leurs  capacités respectives. Les cinq barrages du gouvernorat de Nabeul (Bezirk, Chiba, Lobna, El Abd, El Masri) contiennent à peine 7 millions de m3, soit le niveau le plus bas jamais enregistré en termes d’apport en eau. Quant au barrage d’El Haouareb, qui a été spécialement conçu pour alimenter les nappes phréatiques du gouvernorat de Kairouan, il se trouve quasiment à sec. « C’est le résultat de deux années de sécheresse consécutives, explique Raoudha Gafrej. Sur les dix dernières années, nous avons eu deux années moyennes, trois années humides et cinq années sèches en termes de pluviométrie. Nous allons, d’ailleurs, observer, au cours des prochaines années, une intensification des épisodes climatiques extrêmesà cause des changements climatiques. Notre pays est menacé par la soif et nous risquons un jour de ne plus avoir d’eau dans nos robinets. Il est temps que le gouvernement déclare l’Etat d’urgence et mette en place une politique de bonne gouvernance des ressources en eau qui doit être axée, entre autres, sur la réduction des pertes d’eau, des superficies agricoles irriguées et des cultures qui nécessitent des besoins importants en eau d’irrigation. Cette politique doit être accompagnée par la sensibilisation des citoyens afin de les inciter à revoir leurs modes de consommation et éviter le gaspillage du pain et de la nourriture.».

Abandon des cultures d’arrière-saison : un choix difficile

Pour l’heure, les agriculteurs, qui ont été appelés à renoncer à la culture des légumes qui consomment beaucoup d’eau (pommes de terre, tomates, piments) à cause de la baisse remarquable des quantités d’eau dans les retenues, risquent de ne pas l’entendre de cette oreille d’autant plus qu’ils n’ont reçu aucune promesse du ministère de tutelle leur permettant de bénéficier d’une aide financière afin de faire face aux pertes et au manque à gagner considérables qui découleront de l’abandon des cultures d’arrière saison.

La situation s’annonce d’autant plus difficile pour eux surtout que la priorité est accordée à la Société Nationale d’Exploitation et de Distribution des Eaux pour les besoins en eau potable au détriment des quotas en eau d’irrigation attribués aux exploitants agricoles. Comme d’habitude, ces derniers auront, alors, recours aux subterfuges comme l’achat d’eau potable auprès des particuliers surtout pour l’irrigation des serres, le branchement illicite sur le réseau de la Sonede ou l’exploitation illégale des forages, en passant par l’utilisation des eaux usées…. Tous les moyens sont bons, en effet, pour sauver la saison mais on verra sûrement les prix des légumes d’arrière-saison flamber l’année prochaine et des besoins d’importation plus importants surtout pour la pomme de terre.

« Les conséquences des sècheresses sont désastreuses sur l’alimentation en eau potable par l’assèchement de certains forages gérés par la Sonede à cause d’un manque de recharge par la pluie et aussi par la surexploitation due à l’irrigation. La détérioration de la qualité de l’eau est attendue ce qui aura pour conséquence des coûts de traitement plus élevés. Des mesures d’urgence doivent être prises à haut niveau pour éviter la paralysie totale en termes d’alimentation en eau potable surtout en cette période de pandémie Covid-19 dont la protection est fortement tributaire de l’eau », conclut Raoudha Gafrej.

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