La Conférence internationale sur les accords commerciaux avec l’Afrique, organisée récemment par le ministère de Commerce et du Développement des Exportations, en partenariat avec la GIZ, était une occasion pour discuter les traités relatifs aux relations commerciales intra africaines avec un focus sur la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf), dont fait partie la Tunisie. Nous avons rencontré Chaouki Jaballi, directeur de la coopération avec les pays africains et l’Union Africaine au ministère du Commerce. Il revient sur l’état d’avancement de la libéralisation du commerce dans le cadre de la Zlecaf mais aussi sur les difficultés qui freinent l’essor des exportations tunisiennes vers le marché africain.
Quel est l’état d’avancement de l’adhésion de la Tunisie à la zone de libre-échange Zlecaf? Quand est-ce que les opérateurs économiques pourront bénéficier, effectivement, de la libéralisation du commerce des produits dans cette zone?
Sur le plan juridique, la Zlecaf est entrée officiellement en vigueur le 1er janvier 2021. Mais sur le plan technique, il y a beaucoup de travail à faire et à accomplir. Il faut rappeler, à cet égard, que la Zlecaf n’est, effectivement, entrée en vigueur pour aucun pays d’Afrique, parce qu’il y a toujours un travail technique à finaliser. Les négociations entre États membres sont en cours. Et on ne peut pas donner une date préalable pour l’entrée en vigueur de l’accord Zlecaf pour la Tunisie. Le processus dépend des négociations avec les autres pays. En effet, chaque État membre doit préparer son offre de biens mais aussi de services. Dans une étape suivante, les pays devront négocier ces offres-là. Les premiers échanges commerciaux, dans la zone de libre-échange Zlecaf, ne démarreront qu’après la finalisation de ces pourparlers. A vrai dire, il faut s’attendre à ce que l’entrée en vigueur effective de la Zlecaf prenne un peu plus de temps.
La Tunisie est membre de la zone africaine de libre-échange Comesa depuis 2019. Est-ce qu’on commence à récolter les fruits de cette adhésion?
Absolument. Au moment où la pandémie a significativement impacté pratiquement tous les échanges commerciaux dans le monde, les échanges de la Tunisie avec le Comesa ont affiché une amélioration sensible par rapport aux chiffres de 2019. En effet, les exportations de la Tunisie vers le Comesa ont crû de 8%.Ce qui signifie que l’adhésion à la zone de libre-échange du Comesa avait apporté ses bénéfices aux exportateurs tunisiens même dans un contexte de crise économique.
Le transport, la logistique, le risque de change, etc. sont autant d’obstacles qui sont identifiés et qui freinent l’essor des exportations tunisiennes vers le marché africain. Est- ce qu’il y a une volonté réelle de les surmonter ?
Ces blocages sont un fait et un constat en Tunisie. Tout le monde s’accorde à le dire. Ces freins sont bien identifiés et connus par tous, que ce soit par le secteur public ou les opérateurs privés. On est bien conscient de ces défis. Mais l’ampleur de ces difficultés est, peut-être, plus ou moins importante parce qu’elle concerne plusieurs aspects, principalement le transport, le financement, l’assurance et la mobilité des hommes d’affaires. Ces difficultés touchent plusieurs structures à la fois, ce qui rend leur traitement assez compliqué et pas évident. Cela dit, la Zlecaf a développé plusieurs outils ou instruments opérationnels qui vont pouvoir aider les pays africains à surmonter certains défis. Par exemple, je cite le PAPSS (Pan-African Payment and Settlement System). C’est un système développé par la commission de l’Union Africaine avec Afreximbank qui est une banque panafricaine installée en Egypte. Le PAPSS va permettre aux pays africains de régler leurs échanges et leurs exportations en monnaies locales. Cela serait une avancée très importante puisqu’à ce jour, on a un problème au niveau du risque de change. En effet, lorsque le paiement est effectué en dollar ou bien en euro, cela génère des risques.
L’opérateur se trouve parfois contraint à subir les fluctuations de change ce qui va se répercuter sur le coût du commerce engendrant parfois des augmentations énormes des coûts. Le nouveau système PAPSS va aider les opérateurs à payer leurs importations en devise locale ce qui va leur permettre de s’affranchir de tous les risques liés au change.
Il y a aussi un autre instrument sur lequel la Zlecaf est en train de travailler. Il s’agit d’un outil qui va permettre aux exportateurs de se libérer des barrières non tarifaires (procédures administratives, douanières, etc) qui sont à l’origine des blocages récurrents des échanges au niveau du continent africain. Il y a une panoplie d’instruments développés en parallèle avec la Zlecaf dont l’objectif est de faciliter la mise en œuvre de cet accord.