Accord Tunisie-FMI: Eviter de rendre les mesures correctives encore plus douloureuses

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L’ampleur des déficits budgétaires et sectoriels successifs  et les impératifs sociaux, l’absence d’un plan de relance à moyen terme pour rétablir la confiance des agents économiques  indiquent que les perspectives pour cette année restent fortement défavorables. Et si les politiques publiques actuelles ne seront pas ajustées, le pays se dirigera alors vers une crise plus profonde en 2023, avec le risque de compromettre l’indépendance économique du pays.

De plus, tout report des réformes ne fera qu’aggraver cette récession et rendre les mesures correctives qui sont incontournables encore plus douloureuses pour la population. Pour éviter cela, il n’y a d’autres alternatives que de mener dès maintenant des politiques cohérentes sur les plans macroéconomique, structurel et sectoriel. Ces politiques forment un tout et doivent s’inscrire dans le cadre d’un plan à moyen terme. Les mesures doivent être progressives, bien articulées, ciblées et doivent faire l’objet d’un suivi rigoureux. Tout retard dans la mise en œuvre des réformes aura  un coût élevé pour la collectivité nationale. Il remettra en cause le début de relance et aura des conséquences incalculables sur la stabilité politique et sociale du pays.

Le spectre de l’endettement

Fortement endettée depuis des années, la Tunisie a du mal à se sortir de cette spirale. Le budget de l’année 2022, en l’occurrence, prévoit un endettement de près de six milliards d’euros pour relancer l’économie. Le déficit budgétaire prévu cette année va atteindre 8.5 milliards de dinars (2,6 milliards d’euros), ce qui représente 6,2% du PIB.

Le budget prévoit également un endettement de près de 20 milliards de dinars (5,7 milliards d’euros) pour couvrir les dépenses et les besoins de la trésorerie. Avec ces crédits, le niveau de la dette publique atteindra 82,6% du PIB, contre 85,6% en 2021. Cet endettement se déclinera sous forme de crédits extérieurs de 12.6 milliards de dinars (3,9 milliards d’euros) et d’emprunts intérieurs de 7.3 milliards de dinars (2,3 milliards d’euros).

En 2021, la dette extérieure avait atteint un pic de 100 milliards de dinars (environ 30 milliards d’euros), soit 100% du PIB. Pour renflouer les caisses de l’Etat et relancer l’économie, le gouvernement compte conclure un accord avec le Fonds monétaire international (FMI), dont les négociations reprendront au cours du premier trimestre de l’année 2022, selon la ministre des Finances et le gouverneur de la BCT.

Pour accéder aux financements internationaux, la Tunisie doit mener «des réformes très profondes», notamment pour réduire le poids de la fonction publique qui atteint l’un des niveaux «les plus élevés au monde», estime Jérôme Vacher, représentant du FMI en Tunisie.

Et de rappeler, dans une interview accordée à l’AFP,  que la Tunisie a connu, à cause du covid-19, «sa plus grave récession depuis l’indépendance». Il souligne cependant que «les maux du pays étaient préexistants, en particulier les déficits budgétaires et la dette publique (près de 100% du PIB fin 2021) qui se sont aggravés».

Vacher a dû présicer que le taux de croissance, qui a atteint 3% en 2021, reste toutefois «faible et très largement insuffisant» pour résorber un taux de chômage qui dépasse les 18%.

Dès sa formation en octobre, le gouvernement de Najla Bouden, qui a demandé au Fonds monétaire international (FMI) un nouveau programme d’aide, se dit optimiste sur la possibilité d’un accord du FMI avant la fin du premier trimestre 2022. Mais, selon Vacher, les discussions n’en sont qu’à un stade préliminaire et le FMI veut s’assurer de l’engagement de la Tunisie dans la réalisation des réformes économiques structurelles qui traînent encore.

Parmi les contraintes,  Vacher mentionne le «poids important» de la fonction publique (16% du PIB), la masse  salariale des 650.000 fonctionnaires absorbant plus de la moitié des dépenses annuelles de l’Etat, «sans compter les collectivités locales et les entreprises publiques».

Cette «situation particulière» de la Tunisie, où «la masse salariale de la fonction publique est l’une des plus élevées au monde », constitue une entrave pour le pays pour gérer «ses dépenses d’avenir, d’investissements, d’éducation et de santé», déplore M. Vacher.

Le représentant du FMI indique, par ailleurs, que la réforme profonde des entreprises publiques, est un autre dossier non encore traité et résolu et qui mérite une attention particulière.

En outre, le FMI préconise d’accompagner une refonte du système des subventions (carburants, produits de première nécessité) par des mécanismes de compensation à destination des populations les plus défavorisées.

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